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Orpailleurs à Moussobadougou : Le métal jaune se raréfie, le site se vide

Publié le vendredi 24 juin 2005 à 07h42min

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Moussobadougou est situé environ à 75 kilomètres de Bobo-Dioulasso, côté Sud. Il est à 60 kilomètres de la voie bitumée Bobo-Ouagadougou. Une route en terre battue mène dans ce village. A environ un kilomètre du village des autochtones, se trouve un autre village, celui des orpailleurs. Dans ce village, les maisons sont pour la plupart en seccos. Il a son marché , sa posquée, son église, une pompe à essence, un commissariat également en seccos où travaillent quatre agents de police.

Nous sommes confrontés à des problèmes d’agressions » nous dit l’un des policiers à notre arrivée le 12 juin 2005 à Moussobadougou. Il y a ici tout ce qu’il faut dans un village, mais nous prévient un des habitants « tout est cher. Le prix d’une poule avoisine 2000 F. La bière coûte 600 F ». Le site aurifère proprement dit, là où se trouvent les puits, est situé à 3 kilomètres du village des orpailleurs. On y accède par une piste. Là-bas un orpailleur précise : « aujourd’hui c’est dimanche. Tout le monde est au village. Beaucoup d’orpailleurs ne travaillent pas aujourd’hui ». Une cinquantaine, de jeunes trouvés sur le site creusent, creusent.

Les puits ont une profondeur d’environ15 mètres. Ceux qui ne creusent pas font la cuisine ou surveillent les sacs de minerais d’or (ressort comme ils l’appellent) afin que d’autres orpailleurs (les topoman) ne les dérobent. Dans la recherche de l’or, si certains en trouvent, d’autres par contre n’y tirent pas grand-chose. Pour Madi Maïga, « le site est pauvre. Cela fait 10 mois que je suis là, mais je n’ai rien eu ». Certains orpailleurs par contre se sont enrichis grâce à l’or. Ils se sont achetés des mobylettes et même des véhicules.

« Avant, on pouvait avoir 500 000 F avec un sac de minerai » affirme Simadou Tinto qui ajoute « mais aujourd’hui, le site ne marche plus. L’or s’est rarefié et les orpailleurs ont déserté le site pour aller dans la zone de Mougou à Kampti. Ceux qui sont restés sont ceux qui ont encore des puits ici ».

Même les prostituées ont déserté le village

Le départ des orpailleurs nous a été confirmé par un habitant du village. « Les orpailleurs sont partis. Sinon il était difficile de se frayer un passage dans le marché ». Selon Ismaël B. Kargougou, responsable du Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP) du site de Moussobadougou le village s’est vidé de ses orpailleurs. Il est néanmoins devenu la capitale des orpailleurs qui y ont installé leur famille. « Ils vont sur d’autres sites et reviennent de temps en temps voir leur famille et repartir », précise-t-il. Le village avait une population estimée à 20 000 habitants. Mais aujourd’hui il n’y a que 3000 habitants. Même les prostituées ont suivi le mouvement. De 40, elles ne sont aujourd’hui que 4. Une grande pancarte installée à l’entrée du village et au niveau du marché invite d’ailleurs les orpailleurs à la prudence et au port des préservatifs « portez la capote et vivez en gagnant l’or » conseille-t-elle. Côté rentabilité de l’or, « on est passé de 2 kg/jour à 300g/jour » constate M. Kargougou.

Le village des orpailleurs de Moussobadougou n’a ni école, ni centre de distraction, ni dispensaire. Après le travail dans les mines, les jeunes ont pour seul lieu de distraction les vidéoclubs. Le premier centre de santé se trouve à une douzaine de kilomètres du village. C’est une moto ambulance qui évacue les malades dans ce centre. Dans ce village sévissent certaines maladies comme le vers de Guinée et les diarrhées dues au manque d’eau potable. L’alimentation du village en eau potable a d’ailleurs été l’un des souhaits du chef du village des orpailleurs de Moussobadougou, Moussa Tieno. « Nous souhaitons une fontaine pour approvisionner le village en eau potable » dit-il avant de préciser que les relations entre le village des orpailleurs et celui des autochtones sont bonnes. Les fils de Moussobadougou ne travaillent pas sur le site aurifère. « C’est leur totem », nous a-t-on dit.

Le programme international pour l’abolition du travail des enfants,un programme du Bureau international du travail (BIT/IPEC) en collaboration avec les Etats-Unis travaille à résoudre le problème de scolarisation des enfants orpailleurs. Compte tenu de la mobilité des chercheurs d’or, le BIT/IPEC envisage, et cela est en étude, d’installer sur les sites des écoles mobiles qui vont suivre les orpailleurs dans leurs déplacements. Le projet est en étude avec les responsables de l’enseignement au niveau national. Il a un coût de 1 million de dollars et sera implanté au Niger et au Burkina Faso, le Burkina ayant été choisi comme pays pilote.

Le troisième produit d’exportation

Le site d’orpaillage de Moussobadougou est l’un des 200 sites répartis sur le territoire national. Selon les estimations, l’exploitation artisanale de l’or a commencé entre le XVè et le XVIIè siècle. Durant l’époque précoloniale, cette activité d’orpaillage s’est développée dans l’Ouest. (Poura, Dossi, Bagassi) et le Sud-Ouest (Guéguéro, Gaoua). Elle s’est estompée pendant la période coloniale pour ne reprendre que dans les années 1980, principalement dans les zones où sévissait régulièrement la sécheresse. Ainsi, pendant une décennie, l’orpaillage constituait une activité de contre-saison. A partir de 1990, l’orpaillage connaît une croissance régulière et s’étend aux autres régions du pays malgré le faible cours actuel du métal jaune. De nos jours, l’orpaillage, se pratique en toute saison et occupe une importante population d’hommes, de femmes et d’enfants. Pour de nombreux Burkinabè, l’exploitation artisanale de l’or demeure la seule alternative à l’agriculture de subsistance. Elle est de ce fait, génératrice d’emplois en milieu rural et contribue à freiner l’exode rural et la migration des populations. Selon toujours certaines estimations, l’exploitation artisanale de l’or au Burkina Faso aurait produit entre 1986 et 2004 plus de 15 tonnes pour une valeur de plus de 50 milliards de F CFA. Le métal jaune demeure le troisième produit d’exportation après le coton et le bétail. Son importance est donc notable dans la formation du produit intérieur brut (PIB)

Le village des orpailleurs de Moussobadougou continue de vivre malgré les problèmes qu’il rencontre. Sur les sites où existent des puits, on accélère la recherche de l’or avant que les eaux de pluie ne les envahissent. Ce village en seccos est devenu un vrai village. Les quelques habitants qui sont restés et qui sont à 90% originaires du Plateau central vivent grâce à l’or, partagent leurs peines, mais aussi leurs joies.

Adaman DRABO
Urbain KABORE


Le ressort

Si vous entendez parler de « ressort » sur un site aurifère, oubliez cet « organe élastique pouvant supporter d’importantes déformations et destiné à exercer une force en tendant à reprendre sa forme initiale après avoir été plié, tendu, comprimé ou tordu » tel que défini par le Petit Larousse. Sur le site, le « ressort » est le minerai d’or. Et pour l’avoir, tous les excès sont permis.

U.K.


Quel commissariat !

Le commissariat de police de Moussobadougou est atypique. Tout en paille, il comporte néanmoins un violon (cellule de garde à vue) fait en « seccos ». Dans un village d’orpailleurs, creuset de toutes sortes de délinquants et de truands un tel commissariat paraît surréaliste. « Et non », répond le chef de poste, Pascal Kaboré. « Quand on met quelqu’un là dedans (ndlr : au violon), c’est très difficile qu’il puisse sortir », affirme-t-il sans sourciller. Bien qu’incrédule, il nous a fallu nous résoudre à penser que ce n’est pas si évident que cela de sortir facilement du violon. En réalité, qu’est-ce qui n’est pas possible à Moussobadougou ?

U.K.


Une pléthore de moulins

Le visiteur qui se rend sur le site aurifère de Moussobadougou est impressionné par le nombre de moulins qui s’y trouvent. Ce qui pourrait laisser croire que c’est une zone de prédilection de cultures céréalières. Méprise puisque ces moulins servent tout simplement à moudre la terre sortie des trous. Et le « deal » consiste à retenir une certaine quantité de terre au prorota des sacs amenés par les orpailleurs. Du troc en fait et un bon bussiness pour les détenteurs de moulins. Mais actuellement, la plupart ont déserté les lieux et des épaves de moulins jonchent le village de Moussobadoudou. Récession de la quantité d’or trouvée oblige.

U.K.


Les « topoman », des truands d’un autre genre

Sur le site aurifère, dès que les orpailleurs entendent parler de « topoman », ils sont sur leurs gardes. Les « topoman » ce sont des truands d’un autre genre, partisans du moindre effort. A la tombée de la nuit, lorsque les orpailleurs rejoignent le village, ils laissent à côté du trou un gardien parce que tant qu’un trou n’a pas livré tout son or, il faut le surveiller comme la prunelle des yeux. Les « topoman », une fois la nuit tombée, corrompent les gardiens de trous, s’y introduisent et les exploitent à la place des propriétaires. S’ils sont chanceux, ils peuvent tomber sur un bon filon et extraire frauduleusement plus de minerais que les propriétaires de trous. Ces « topoman » sont régulièrement appréhendés par la police et refusent d’être qualifiés de voleurs. Pour eux, l’or a été obtenu grâce à un « topo ». Drôle de topo ! D’où leur nom.

U.K.


De site aurifère à village d’habitation

Peu à peu, le site de Moussobadougou est en train de devenir un véritable village. Plusieurs familles s’y sont installés. Les chefs de famille, orpailleurs, laissent désormais leurs familles à Moussobadougou et partent à la recherche de l’or à Mougou (vers Diébougou) et Kampti. Ils reviennent de temps à autre à Moussobadougou voir les leurs. Tant et si bien que le village est en train de devenir leur « base ». Ainsi, Moussoubadougou pourrait bénéficier d’infrastructures et être viabilisé, à l’opposé d’autres sites aurifères abandonnés dès que l’or se fait rare.

U .K.
Sidwaya

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