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Prolifération de CD audiovisuels : entre profit, plaisir et illégalité

Publié le mercredi 29 octobre 2003 à 06h30min

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La prolifération actuelle des compact disks (CD) audio et audiovisuels crée un enthousiasme parce que source de profit pour les uns, de plaisir pour les autres. Qu’en est-il de la légalité ?

L’avènement du compack disk ou CD a visiblement renvoyé aux calendes grecques l’image des cassettes vidéo. Les commerçants comme à leur habitude, ne traînent pas le pas. Effet de mode oblige et parce que indubitablement, "ça marche" !

Dans une grande ville comme Ouagadougou, il s’est organisé une activité commerciale intense autour de cet outil.

Grossistes, revendeurs, locataires de CD sont présents dans tous les coins de la ville. Et les consommateurs se font de plus en plus nombreux. Surtout qu’en la matière, les agences sont variées : films d’action, pornographiques, musique avec clips ou sans clips pour les adultes, jeux vidéo et dessins animés pour les enfants... Et même des films africains (Bobodiouf, Kéita ou l’héritage du griot, Mobutu, roi du Zaïre). C’est tant mieux pour le profit des commerçants. "Cela fait un an que je vends les CD. Avant cela, je vendais des calculatrices. Je veux voir si de ce côté ,je peux avoir beaucoup plus de bénéfices", affirme un petit vendeur installé devant le siège de la BICIA-B. Quant à Moussa Zerbo, il se dit heureux de travailler avec son patron dans un kiosque sis à Dapoya. "Nous faisons la location des CD en raison de 250 FCFA par CD pour 24 heures". Dans certains quartiers reculés, la location s’élève à 500 FCFA. Le bénéfice que tirent locataires et revendeurs n’est pas dérisoire au regard de la grande consommation de CD par la population. Achetés chez les grossistes en raison de 800 FCFA l’unité, les CD sont revendus à 1000 FCFA, 1 500 FCFA. Le prix se fixe à la tête du client ou selon le film. Certains locataires affirment pouvoir engranger dix mille (10 000 FCFA) par jour, d’autres par contre, avancent des chiffres de cinq mille, quatre mille, etc.

Avec l’avènement des CD, les magnétoscopes traditionnels font place aux DVD ou VCD. Les commerçants parlent de profit. Les consommateurs eux, parlent de plaisir : "Les CD, c’est un confort d’écoute, de très belles images". L’arrivée du CD au Burkina et dans la sous-région s’est faite simultanément avec celle des lecteurs CD vidéo et/ou audio. Le marché des lecteurs CD a connu un "boom". Avec en moyenne trente mille francs CFA (30 000 FCFA), on peut s’acheter un lecteur de films gravés sur CD. Il est plus facile à l’heure actuelle de trouver les films les plus récents sur support CD. Alors, pour être à la page, il faut avoir dans son salon un lecteur. Le prix d’achat du lecteur est à la portée du Burkinabè moyen.

Avec la prolifération des CD, les amateurs ne se contentent plus d’attendre d’aller au cinéma pour voir de nouveaux films. On est vite servi dans la rue : "Les gens aiment les films d’action, surtout les nouveautés", affirme Mlle Sidonie Tondé, locataire de CD à Kologh-Naaba. Et le petit Zerbo Moussa d’ajouter : "Ceux qui viennent louer préfèrent les films d’action mais les films pornographiques sont demandés surtout les week-ends".

L’usage des CD audiovisuels a cependant un désagrément chez les consommateurs. Le trafic auquel sont mêlés les CD fait qu’il y a des mauvais et des bons. Des usagers se retrouvent à acheter des disques vierges, d’autres à louer des disques rayés. Raison pour laquelle M. Lassana Konaté, client fidèle des vendeurs installés devant la SONABEL, recommande aux uns et aux autres d’acheter toujours dans des endroits fixes pour pouvoir échanger en cas de cas. En outre, l’exposition des CD au soleil joue sur la qualité du produit. Sur .la question d’ailleurs, les vendeurs affirment que la faute ne leur incombe pas. Ils disent se ravitailler avec des grossistes qui s’approvisionnent au Ghana et au Togo.

Et la légalité dans tout cela ?

Cependant, affirme un revendeur, les gens préfèrent ce qui est moins cher, c’est pourquoi nous leur vendons ce qu’ils veulent. "Sinon celui qui veut un vrai CD doit accepter de débourser dix mille (10 000 FCFA)". L’essentiel pour les commerçants, c’est de profiter de ce commerce. A cet effet, certains font fi des instructions du BBDA. D’autres par contre, se disent avisés : "Nos rapports avec le BBDA sont bons. Comme on est des anciens, on se comprend. Chaque année, nous payons une caution", affirme Mlle Sidonie Tondé, locataire de CD. "Si on veut garder notre kiosque, on est obligé de payer le BBDA", avance un autre.

Le Bureau burkinabè du droit d’auteur est l’organe chargé de l’exploitation des droits d’auteurs. Pour ce qui est des CD qui contiennent des œuvres, il a exigé l’apposition d’étiquettes avant toute vente pour les revendeurs, une caution pour les locataires, un visa pour les importateurs.

Ismaël BICABA


Sidwaya (S.) : Pouvez-vous nous dire quelle est la réglementation sur la vente des CD audiovisuels ?

Léonard Sanon (L.S.) : La vente des CD est régie par les dispositions de la Loi n° 032/99/AN du 22/12/99, portant protection de la propriété littéraire et artistique ainsi que les textes d’application de cette loi relatifs au visa d’importation des phonogrammes et vidéogrammes et aux timbres du BBDA.

S. : S’agissant du visa d’importation, y a-t-il une application effective ?

L.S. : Parlant du visa d’importation, il faut savoir que c’est un instrument qui est prévu depuis la loi de 1999, notamment l’article 113. Cet article dit qu’afin de permettre une mise en œuvre du droit d’importation reconnu à l’auteur ainsi que du droit de la rémunération pour copie privée, il est institué ce qu’on appelle un visa d’importation des œuvres littéraires et artistiques ainsi que des supports servant à les fixer. C’est pour dire que de par les dispositions de cet article, avant d’importer tout support qui contient des œuvres et même des supports d’enregistrement vierges. Dans notre cas, il s’agit de supports qui contiennent des œuvres et qu’on appelle des phonogrammes ou des vidéogrammes, c’est-à-dire les CD pour les importer, dorénavant (l’application date depuis un bout de temps), il faut se munir du visa d’importation. Ce visa permet de s’assurer de la régularité de l’importation des phonogrammes ou vidéogrammes. Et avant la délivrance de ce visa par un organisme professionnel de gestion collective qu’est le BBDA, il y a un certain nombre de conditions à remplir. Il s’agit de justifier votre droit d’exploiter telle œuvre dans le pays. Sur cette base, nous examinons et nous délivrons le visa que vous êtes tenu de montrer aux services de douane à la frontière au moment de l’importation des supports. Le dossier de dédouanement de votre marchandise ne sera recevable que lorsqu’il contiendra ce visa d’importation. Ce qui importe, que vous soyez grossiste ou revendeur, c’est le fait que vous êtes responsable de l’importation et c’est en qualité de cela que le BBDA peut vous interpeller. Les relations entre la douane et le BBDA sont formalisées dans un protocole d’accord.

S. : Qu’en est-il de l’apposition d’étiquettes sur les CD avant toute vente ?

L.S. : La question des étiquettes a toujours été l’une des questions sensibles. Nous nous évertuons toujours à expliquer parce que le domaine même de la propriété intellectuelle, notamment le droit d’auteur, ne court pas les rues. En ce qui concerne les exploitants, les revendeurs et importateurs, nous avons privilégié un cadre de concertation, parce que nous sommes convaincus qu’il y a un effort énorme de sensibilisation et d’information à faire. Le Bureau s’est engagé dans cette voie de concertation. C’est ce qui nous permet de parler de partenariat avec les exploitants. Il faut reconnaître qu’il faut une exploitation des œuvres afin que les artistes puissent en retour bénéficier de quelque chose. En revanche, il faut aussi noter que les exploitants ont besoin que les artistes créent pour mener leurs activités. Cependant nous ne parlerons de partenariat que dans le cadre d’une exploitation légale. Il faut être ferme là-dessus : nous sommes prêts à un partenariat, mais dans un cadre légal. Nous avons rencontré à plusieurs reprises les responsables de l’association des vendeurs de cassettes et de CD du Kadiogo pour leur éviter des désagréments avant la mise en œuvre des textes mais aussi prendre en compte leurs préoccupations. Cela a été également fait dans l’Ouest et les autres provinces.

S. : Le BBDA est-il regardant sur la qualité des disques vendus ?

L.S. : La mission première du Bureau est la gestion collective des droits. Notre travail est d’assurer une exploitation régulière des droits des artistes. Nous sommes un mandataire légal des artistes pour exercer là où l’artiste a des difficultés. En ce qui concerne la qualité des œuvres, le souhait pour le Bureau est de voir circuler des œuvres de qualité sur le territoire national. Le Bureau n’est pas responsable de la production des œuvres. Il revient à ceux qui les produisent de donner la qualité qu’il faut à leurs produits.

Je reviens sur le sujet de la circulation et l’utilisation des timbres pour informer les gens sur une opération que le BBDA a entreprise il y a deux semaines de cela. Cette opération s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de nouveaux instruments qui réglementent désormais le domaine de la propriété littéraire et artistique.

Après la mise en œuvre des nouveaux textes depuis le 15 août 2003, l’on s’est interrogé sur le sort à réserver aux œuvres qui étaient déjà sur le territoire. Suite à une concertation avec tous les partenaires du secteur, nous nous sommes dit qu’il fallait régulariser les supports déjà existants sur le territoire national. Le BBDA appelle tous ceux qui possèdent des supports à y apposer des étiquettes.

Après ce délai de régularisation, nous allons procéder périodiquement à des contrôles des supports en circulation sur l’ensemble du territoire.

I.B.
Sidwaya du 29/10/03

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