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Défaites en série de l’USY : Les confidences du coach Kipré

Publié le mardi 21 juin 2005 à 06h48min

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Depuis presqu’une décennie, l’Union sportive du Yatenga (USY)
vivote en deuxième division de football. Cette année, malgré les
moyens et les efforts déployés pour la montée en D1, l’USY a
été une fois de plus prise de court dès le premier tour du
championnat national de D2.
L’entraîneur Laurent Kipré donne les raisons de cette débâcle.

"Le Pays" : Qu’est-ce qui a causé l’échec de l’USY cette année ?

Kipré : Cette année, l’équipe de l’USY a été conçue par rapport à
un objectif bien précis qui était la montée en première division
pour mieux mettre en valeur et exploiter ce joli bijou dont
dispose Ouahigouya et sa région. C’était donc notre objectif au
départ. Les moyens ont été déployés et les hommes ont été
réunis ; dans une certaine dynamique, nous sommes partis très
vite vers le recrutement de certains joueurs qui se substituaient
à l’équipe locale dont les dirigeants en place s’étaient départis.
Dans un environnement, si on se permet de lessiver totalement
le groupe qui était en place et de faire venir un autre, cela prête
à confusions dans l’esprit des uns et des autres. Donc l’équipe
qui a été mise en place tout de suite n’était pas prise en compte
par l’opinion publique et il y avait plus ou moins une opposition.
Certains se demandaient pourquoi se départir des enfants de la
localité et aller en chercher d’autres qui, peut-être, n’allaient pas
avoir la même motivation que ceux qui ont toujours servi leur
région. je pense qu’ils sont tous des Burkinabè ; ils peuvent
servir leur pays partout où on les sollicitera. Ce n’est pas une
question de sectarisme ; le régionalisme n’implique pas que
les enfants d’une région donnée servent uniquement leur
région. La régionalisation est un concept national et c’est ce qui
prévaut. En ce sens, un natif d’une région peut aller servir une
autre. Malheureusement, cela n’a pas été perçu sur cet angle ; il
y a eu un manque de communication et de compréhension
dynamique du concept. Le problème qui s’est posé après est
que, dès qu’on m’a appelé ici et par rapport aux objectifs qu’on
s’était fixé, je n’ai pas hésité à utiliser les grands moyens. Dès
qu’on m’a touché, je suis arrivé avec l’idée que je n’avais
jamais entraîné une équipe de D2 ici et ce faisant, je me suis
référé à des joueurs d’expérience qui pouvaient dès le premier
tour, me donner satisfaction et faire entrevoir une qualification
possible. Alors, tout en restant dans le même concept, je suis
parti recruter au moins neuf joueurs qui ont évolué en première
division, des transfuges du RCK, de l’AS SONABEL, du
SANTOS, du RCB et de l’ASFB. Et je connaissais du reste
certains d’entre eux déjà parce que je les ai entraînés. Surprise
et comble de paradoxe, au finish, je me suis retrouvé avec ces
mêmes joueurs qui n’ont pas été qualifiés. Faute de secrétariat
ou laxisme ? En tout cas, je suis sceptique par rapport à l’acte
qui a été posé et je le dénonce à haute et intelligible voix. Les
responsabilités vont être définies et partagées. C’est un acte
d’ordre purement socio - culturel, voire
historique parce que ce sont des fonds qui ont été dégagés
pour satisfaire l’attente de toute une région : voir l’équipe monter
en D1. Voilà le premier hiatus qu’il y avait dans notre
progression. On a eu énormément de problèmes et on a été
obligé de caracoler avec des joueurs qu’on a qualifiés et qu’on
ne connaissait pas, des joueurs qui n’étaient jamais venus à
l’entraînement et c’est après la qualification qu’on les a fait
venir. Donc, j’ai pratiquement évolué avec un groupe pour lequel
je n’avais pas totalement adhéré et j’étais obligé de caracoler.
C’est vrai que je n’ai pas voulu jeter l’éponge, j’ai travaillé avec
bonne foi avec ce qui restait parce que quelque part, je leur
reconnaissais une certaine valeur qui, quand même, pouvait
tenir la route en D2. On a donc caracolé d’autant plus qu’à la
phase aller, on a fait deux défaites et c’est justement ce qui a
pesé lourd au finish. A la phase retour, quand on a pu qualifier
les neuf autres qui étaient devenus des titulaires à part entière,
on a fait un parcours sans faute. Bref, si on avait qualifié ces
joueurs à temps, je pouvais espérer déboucher sur la
qualification de l’équipe pour le carré d’as.

L’ambiance, dit-on n’était pas bon enfant entre vous et certains
dirigeants du club, si bien qu’on aurait voulu à un certain
moment vous limoger...

C’est une incompatibilité de compréhension dans la
dynamique du football. Cela fait vingt-cinq ans que j’évolue dans
ce métier ; j’ai un palmarès qui parle de lui- même. Je n’ai pas
besoin de dire ce que j’ai fait dans le passé ; je ne vis pas dans
le passé ; je m’installe dans le présent et j’essaye de le gérer
vers le futur. Ce faisant, quand je veux leur expliquer les raisons
de tels phénomènes eux ils ont une idée focalisée sur leur
environnement. Ils disent toujours « ah, nous, ici c’est comme
cela que nous avons l’habitude de faire ! » Alors qu’ils ne sont
jamais sortis des tranchées. Ils n’ont pas voulu bouger ; ils n’ont
pas voulu m’écouter ; ils sont restés indifférents et d’une
manière servile. Je ne citerai pas de noms, mais ils sont deux
ou trois à l’intérieur de ce staff et qui n’ont pas droit de cité. Mais
tant qu’ils seront toujours là, ce sera un éternel
recommencement. Ils ont parcouru les rues de Ouahigouya
pour jauger l’opinion pour savoir s’il fallait me garder ou pas.
Mais de par le feedback qui leur est parvenu, très vite ils ont
compris que ce serait une grosse bévue que de me faire partir
et c’est en ce moment précis qu’ils ont préféré faire partir des
joueurs et ils m’ont laissé les mains libres. Et ils ont vu le
résultat qui a suivi. Face à ces manigances, je suis resté
stoïque parce que moi, j’avais autre chose à faire ; je ne suis pas
là pour des commérages. Je suis un professionnel et je refuse
d’être traité n’importe comment. Donc, il y a eu une contradiction
entre le staff dirigeant et moi ; mais je me suis rétracté et je me
suis concentré au travail.

Mais au regard de votre passé "glorieux", ne pensez-vous pas
qu’il serait mieux pour vous d’aller traîner votre bosse plutôt en
D1 ?

Avant de venir à Ouahigouya, je ne voulais plus de la
compétition de D1 parce que c’est du rabâché et c’est répétitif ;
les choses n’évoluent pas. Je ne pensais plus pouvoir y gagner
quelque chose si ce n’est pas prendre une équipe qui joue la
Champions’league ou une Coupe africaine. Sinon, si c’est le
championnat de routine-là, je m’en excuse, je ne suis plus
partant. Je préfère aller encore plus bas même que la D2 et faire
de la formation dans un centre ou une école de football. Je
n’aime pas la routine, je n’aime pas l’éternel recommencement.
J’ai gagné le championnat national deux fois avec le Racing club
de Bobo. On a gagné la coupe AJSB ; on a pratiquement tout
gagné. Mais, il y a eu ces fautes banales qui sont venues
entraver la progression de l’équipe. Ce n’est pas une
dégradation qu’un entraîneur descende en D2. A tous les
niveaux où on va, on apprend toujours. Au contraire, on
n’apprend rien en restant calé en D1 ; on perd ses
connaissances. Aujourd’hui, cette expérience m’a permis de
revoir mes copies et de me mesurer en valeur réelle à une
situation qui m’était étrangère. En cela, ce que je ne faisais pas,
il y a bien longtemps, j’étais obligé d’y revenir et cela me confère
une plus grande puissance dans le métier. Du reste, par rapport
à l’USY, j’ai foi en une chose : si on rebelote de la même
manière et avec le même groupe et si tout le staff est mobilisé,
on n’aura pas d’obstacle sur notre route. Car actuellement, on
maîtrise notre environnement. Il n’y a plus de novices de D2 au
sein de l’USY et tous ceux qui ont joué cette année sont des
joueurs de haut niveau. Pour cela, je crois qu’au vu de ce qui
s’est passé, ils seront en mesure de se faire une auto-critique.
Si on discute, que chacun reconnaisse sa bévue et qu’on
décide de mieux faire, dans ce cas il n’y aura rien qui puisse
nous arrêter. Alors, j’en interpelle à la conscience et à la
compréhension de tout un chacun.

Auriez-vous un dernier mot à ajouter ?

Je suis pratiquement en fin de carrière et donc, je ne pense pas
pouvoir faire encore dix ans dans ce football-là. Ce que j’ai
comme dernier apport, c’est de pouvoir déployer mes derniers
arguments et avec mes dernières armes potentielles, à une
coupe d’Afrique et avec un club ambitieux ; pour prouver aux uns
et aux autres qu’en dehors des incompréhensions, Kipré
demeure Kipré, et en valeur et en moralité, quoi qu’on dise,
inoxydable ! En dépit de cela, je vais me recroqueviller dans la
formation parce que c’est ça qui manque au Burkina. Si je fais
donc trois ou quatre ans de formation dans un club de la place
qui déploie les moyens qu’il faut et qui connaît la valeur de la
formation, je pourrais apporter plein de choses à ce club.

Propos recueillis par Lassina SANOU

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