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Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

Publié le mercredi 23 août 2017 à 21h35min

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Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

La plus belle avenue de la capitale burkinabè a été durement éprouvée ces deux dernières années par des attaques terroristes. Des attaques qui visiblement visent à déstabiliser l’activité économique et touristique. Alors que les choses reprenaient leur cours tout doucement sur cette avenue après la première attaque, voilà qu’une deuxième en date du 13 août vient encore donner un coup de marteau à l’activité économique. Si trois jours après l’attaque tout semblait mort sur cette avenue, une semaine après la vie reprend timidement et les commerçants restent inquiets mais croisent les doigts pour que la vie reprenne son cours normal. Constat.

10 h ce mercredi 16 août 2017 sur l’avenue Kwamé N’krumah, zone de concentration de diverses activités économiques et qui vient de subir sa deuxième attaque terroriste. Trois jours déjà que la plus belle avenue sort d’une lâche attaque terroriste et l’activité économique semble avoir pris un coup dur. La circulation est moins dense que d’habitude. Aux environs du théâtre des combats, tout est au ralenti. Magasins, restaurants, boutiques… sont toujours fermés. Les vendeurs de chaussures qui occupaient d’habitude les bordures du goudron sont absents. Et même les vendeurs ambulants se comptent du bout des doigts. Tous évitent au maximum les lieux de l’attaque, sauf les plus curieux qui cherchent à satisfaire leur curiosité fréquentent les lieux. Appareils photo ou téléphone portables en main et assis sur leur moto stationnée au bord du goudron, chacun cherche à immortaliser son passage sur cette avenue. Istanbul est vraisemblablement devenu un site touristique.

Une économie agonisante trois jours après

Des magasins toujours fermés à 10h

Si pour certains c’est trop de dire que ça ne va pas, d’autres par contre sont catégoriques. « Rien ne va », « tout est naze », « le marché est mou ». Ce sont là quelques qualificatifs devenus des refrains sur toutes les lèvres pour qualifier l’activité économique sur cette avenue après les derniers évènements. Et les commerçants craignent pour leurs affaires. Il faut pourtant bien que ça marche pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille et assurer la scolarité des enfants.

« Vraiment actuellement du côté marché c’est devenu très naze, il n’y a rien. On est là mais ceux qui viennent ne veulent même pas regarder les choses. Vraiment c’est devenu très mou. Je vends des téléphones, des cartes mémoire mais depuis ce matin je n’ai rien vendu. Nous-mêmes on est là on est vraiment découragé, on ne sait pas comment on va gérer ». « Avant-là c’était bon, mais depuis la première attaque-là c’est devenu compliqué et ça-là vient s’ajouter encore. Maintenant on ne sait pas comment ça va devenir » s’inquiète Arouna Oussalé, vendeur ambulant.

Compaoré Moussa, vendeur ambulant de ceintures

Visiblement sur l’avenue Kwamé N’krumah ça ne va plus. Et les commerçants annoncent un changement d’habitudes au niveau des heures d’ouverture et surtout de fermeture des boutiques et magasins. Pour eux, atteindre 22h sur cette avenue devient désormais inquiétant. « Moi je viens ici d’habitude à 08h et je rentre à 22h. Maintenant à 19h je rentre. Quand il fait nuit maintenant, ça fait peur. Il n’y a plus marché, y a pas client. Alors que d’habitude les affaires marchent. Depuis matin je n’ai rien vendu. On pouvait avoir 10000, 12 000 des fois 15000 souvent même 25 000. Mais depuis l’attaque, même 10000 on n’a pas encore eu. Même dans les maquis les gens ne rentrent plus » nous explique Compaoré Moussa vendeur ambulant de ceintures.

Goumingou Dramane, parker

Chez les restauratrices et les Parkers c’est le même son de cloche. « Les activités reprennent mal en tout cas. Ça ne va pas dèh ! » se plaint, Dramane Gomingou. « Avant on ne savait même pas où garer certaines motos, maintenant on se demande où on va avoir motos pour garer. En allant vers le rond-point des nations unies ça va encore mieux. Mais à partir du restaurant A+ en allant vers l’aéroport ce n’est pas la peine. Les gens sont toujours juste de passage » a-t-il poursuivi tentant de nous faire comprendre la gravité de la situation.

Une semaine après, Kwamé N’Krumah reprend vie mais timidement

15h ce mardi 22 août quand nous revenions sur nos traces sur l’avenue aux alentours du restaurant café Aziz Istanbul pour le même exercice, constater l’évolution de la vie économique dans cette rue. Visiblement tout reprend vie, même si c’est timidement. Les magasins, restaurants, maquis qui trois jours après l’attaque étaient fermés ont finalement rouvert leurs portes aux clients qui pour l’instant se font un peu rares à en croire la plupart des personnes interviewées. L’activité économique reprend lentement mais surement et les commerçants devront prendre leur mal en patience.

Monsieur Bonzi, technicien à canal+

« Disons qu’une semaine après l’attaque du café Istanbul, l’activité économique reprend difficilement mais ça va quand même. Les activités ont vraiment repris vendredi mais timidement » a indiqué monsieur Bonzi technicien à canal+. C’est du reste l’avis de Wéda Assami, vendeur ambulant de téléphones portables pour qui la situation à quand même positivement évolué par rapport aux premiers jours après l’attaque. « Maintenant ça va un peu. Les gens commencent à venir petit à petit. Sinon au début-là pour venir dans banque même c’était difficile » a-t-il tenté d’expliquer.

Issa Compaoré, un autre vendeur ambulant de téléphones, dit avoir repris le travail quatre jours après l’attaque mais les affaires sont au ralenti. Pour lui, le renversement de la situation est intervenu depuis la première attaque en janvier : « Avant on pouvait au moins vendre un ou deux téléphones mais depuis la première attaque, tu peux venir ici sans rien vendre même ».

Drabo Souleymane de la radio Jeunesse

Drabo Souleymane de la radio jeunesse située non loin du restaurant café Istanbul, témoigne ici de la morosité de la vie économique depuis la première attaque : « Nous travaillons sur cette avenue et c’est la deuxième fois qu’on subit des attaques sur la même avenue. Sur le plan économique, il faut le dire, c’est compliqué. Aujourd’hui il n’y a pas assez de trafic sur l’avenue. C’est morose, vous pourrez faire un peu le tour pour voir tout ce qui est lieu commercial, on vous dira qu’il n’y a pas d’affluence. Si vous prenez cette avenue à 19h vous n’allez pas la reconnaître parce que les gens sont toujours sous le choc, il y a la peur et on se réserve. Il faudra du temps pour que les activités économiques reprennent normalement mais du même coup, il est important que la population comprenne que chacun de nous pouvait se trouver dans ce restaurant. Les activités doivent reprendre normalement parce que c’est une manière de rendre un hommage à tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines des forces du mal. Il faut donc exhorter les populations à vaquer à leurs occupations mais le plus important c’est de collaborer avec les forces de l’ordre et de sécurité ».

Guissou Amza, gérant d’une boutique télécom

Morosité économique, oui, mais Guissou Amza gérant d’une boutique télécom, reste optimiste quant à la reprise des activités sur cette avenue. « Après l’attaque on a fermé l’avenue cinq jours mais on a repris vendredi. Ça ne peut pas aller comme avant mais on espère que bientôt ça va aller. Avant si on n’avait rien eu dans la journée on pouvait espérer la nuit. Mais maintenant il n’y a plus de nuit ». a-t-il confié.

La situation n’est ni plus ni moins dans les restaurants de la place. L’activité économique est ‘’naze’’. « On reprenait tout doucement à avoir la confiance des gens après l’affaire de capuccino mais maintenant qu’il y a eu ça, les gens ont vraiment peur de revenir surtout les soirs. Dans la journée ça va un peu parce que les gens viennent travailler et ils sont obligés de venir manger. Mais malgré tout les gens préfèrent maintenant rester dans leurs bureaux commander plutôt que de descendre manger. Et les quelques rares clients qui passaient et qui s’arrêtaient pour manger ne s’arrêtent même plus. C’est vraiment difficile quoi » a expliqué Sanga Honorine, restauratrice sur l’avenue Kwamé N’krumah. « D’habitude nous ouvrons à 6h30 et nous fermons à 17h pour la restauration. Et de 17h jusqu’à minuit pour le bar puisque c’est un maquis restau. Maintenant les soirs on ne peut même pas vendre une bouteille puisqu’il n’y a personne. Le boucher qui était là et qui vendait des brochettes et merguez a arrêté » a-t-elle ajouté.

Des populations entre peur et prudence

« On ne peut pas dire qu’on n’a pas peur. On restait ici jusqu’à 21h, 22h mais maintenant là, même 20h ne va pas vous arriver ici. 18h, 18h30 on va fermer » a laissé entendre Salfo Ouédraogo, gérant d’une boutique télécom. Pour ce dernier, la peur est certes là mais il n’est pas question de changer d’endroit ou quitter Kwamé N’Krumah. « Moi en tout cas je ne pense pas changer d’endroit. Je vais rester ici parce que la vie-là c’est Dieu qui fait. Mais c’est à l’être humain aussi de faire attention et être prudent » a-t-il poursuivi.

Chez Zoungrana Ousseni venu faire une opération dans une banque de la place face à Istanbul, il y a de quoi avoir peur mais il ne faut pas donner raison aux terroristes. « Chacun craint pour sa vie. Et si vous remarquez, d’habitude, le monde dépasse ça. C’est un lieu qu’on ne peut pas contourner. Ça sera difficile de ne pas fréquenter ce lieu. Il faut que les gens aient seulement le courage de revenir ».

Albert Ouédraogo, mécanicien et Arouna Oussalé, vendeur ambulant de téléphones disent n’avoir pas un autre point de chute, sinon l’envie de partir est bien là. « D’habitude je rentre à 22 ou 21 h mais avec l’attaque 17h ou 18h c’est bon. C’est parce qu’il n’y a pas où aller sinon moi-même je ne cherche plus à vendre ici. Comme on ne sait pas où aller là wooh, on va faire comment ? » nous répliqua monsieur Oussalé quand nous lui demandions s’il avait peur de fréquenter l’avenue.

Célestine Kaboré, gérante d’une boutique PMUB

L’annonce de la mort des deux assaillants rassure un peu Kaboré Célestine, gérante d’une boutique PMUB située derrière Aziz Istanbul : « Vraiment on a peur de rester ici. Comme on sait aussi qu’ils sont morts ça nous rassure un peu. Il faut avoir le courage seulement. Depuis l’attaque, c’est hier que nous avons ouvert à 8h, mais les clients ont peur de venir ».

La sécurité nécessaire pour la relance de l’économie sur Kwamé N’Krumah

Face à la peur que ressentent les populations, la sécurité est aujourd’hui nécessaire pour une relance de l’économie sur Kwamé N’Krumah. Un seul cri de cœur des populations : que l’Etat renforce la sécurité au niveau de l’avenue. « Chaque fin d’année on paie des taxes, donc il faut que l’Etat sécurise les gens. Chaque mois je paie 60 000fcfa. Si on ne gagne pas 60 000fcfa dans le mois on va faire comment ? Il faut que nous on mange d’abord avant d’avoir bénéfice pour payer ça. On a assez parlé, assez grevé, même l’administration grève ça ne résout rien. Les Dioulas disent « Moulo Kèra » ? On ne comprend rien. Simon dit que force reste à l’Etat, mais on ne voit pas force de l’Etat-là. Il faut que l’Etat positionne des gendarmes partout parce que c’est une zone commerciale. On doit avoir des militaires partout même s’il faut taxer les boutiquiers. On parle de nous au Darfour mais ici on se fait massacrer », s’est indigné Dramane Gomingou, parker sur l’avenue Kwamé N’Krumah.

Ouédraogo Salfo, gérant d’une boutique télécom

Certains commerçants ont fustigé l’attitude des deux policiers censés assurer la sécurité du restaurant café Aziz Istanbul le jour de l’attaque. A suivre les propos des interviewés, les deux policiers postés ce jour auraient pris la poudre d’escampette laissant le restaurant turc à la merci des terroristes. « Au moment de l’attaque, les policiers qui étaient là-bas ont fui. Pourtant si on vous a mis là-bas on vous donne à manger et vous fuyiez ce n’est pas la peine. Ceux qui sont à l’hôtel Bravia-là, c’est la vraie sécurité. Les terroristes voulaient aller là-bas mais ils ont vu que ce n’était pas possible » nous a relaté Salfo Ouédraogo, gérant d’une boutique télécom, pour qui il faut que l’Etat recrute des agents qui ont vraiment l’amour du métier et non des gens qui, pour reprendre ses mots, viennent pour ‘’se chercher’’.

Des jeunes assis devant le restaurant café Aziz Istanbul ce mardi 22 août

Après la première attaque en janvier, le gouvernement avait pris des dispositions pour mettre des agents de sécurité devant les hôtels mais cette deuxième attaque dans la même avenue vient une fois de plus mettre en doute le système sécuritaire et surtout le système de renseignement. Un système de renseignement dans lequel les populations devront impérativement s’impliquer afin de faciliter la tâche aux forces de défense et de sécurité dans la lutte contre le terrorisme.

Quoi qu’on dise, il y a un sérieux travail de sécurisation qui doit être fait afin de redonner confiance aux populations pour que la vie reprenne son train-train quotidien sur Kwamé N’krumah et ainsi éviter que l’avenue la plus fréquentée devienne l’avenue la plus crainte.

Maxime Jean-Eudes BAMBARA (Stagiaire)
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 23 août 2017 à 17:11, par TANGA En réponse à : Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

    Je ne pense pas qu’il faut blâmer les policier qui étaient restaurent AZIZ. Cela par ce que l’effet de surprise a vraiment marché. Les terroristes ont sans doute étudier le terrain avant de venir.
    Il faut plutôt placer des FDS partout en civil mais armés ; ils peuvent êtres des vendeurs de cigarettes, de colas, des parkeurs ou autres avec consigne appuyer les collègues en cas de difficultés. C’est une technique utilisée dans des pays et qui marchent très bien car les bandits se retrouvent entre plusieurs feux.
    Courage à nous tous.

  • Le 23 août 2017 à 18:02, par Alexio En réponse à : Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

    Armez vous pour contrer ce terrorisme. Au lieu de sucomber a leur agenda. La peur est devenue une industrie rampante qui riskerait de saboter le developpement du pays. L unique but vise des terroristes s est affecter le tourisme par ses attaques periodiques.

  • Le 23 août 2017 à 18:47, par Cheikh En réponse à : Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

    Dans tous les cas, il faut qu’on ouvre l’oeil et le bon, car parfois il suffit d’un rien pour déceler des pistes. J’en veux pour preuve les propos mal placés du propriétaire des lieux, qui reproche à tort à des policiers d’avoir fui, alors qu’au moment des faits, ni lui, ni son remplaçant qui s’étaient absenté pour des raisons inconnues, n’étaient présents. Mais où étaient-ils donc, cuisinez-les bien et vous diront des choses.

  • Le 24 août 2017 à 08:43, par pakita En réponse à : Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

    le petit samo DRABO là a grandi hein !!!
    et puis il parle bon français même.
    Content de t’avoir vu puisque je ne passe plus au quartier

  • Le 24 août 2017 à 13:19, par Dimathème En réponse à : Attaque du café Aziz Istanbul : La vie reprend sur l’Avenue Kwamé N’Krumah

    je en sais pas combien d’heure de travail un policier a par semaine. par exemple s’ils ont 40h dans la semaine, on les arme et ils font la patrouille à pieds sur l’avenue jusqu’au rond point des nations-unis. Par exemple on prend un total de 10 policiers qui doivent faire 4h en train de marcher (5 quittent le commissariat central et 5 quittent le feu de l’aéroport : il doit avoir au moins 10 mètres en chaque policier). Quand ils vont finir les 4h, ils prennent une pause et sont remplacer par 10 autres. On met aussi 10 bérets rouges pour accompagner la police. La patrouille peu commencer à 14h pour le premier groupe, 18h pour le second groupe et enfin 22h pour le troisième groupe. de 8h à 14h ça peut être UIP PN et la BAC en civil. Ce ne sont que des propositions.

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