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Zida Aboubacar Sidnaba, animateur à radio "Savane FM" : "On me prend pour un Palestinien dans ma ville d’origine"

Publié le jeudi 16 juin 2005 à 07h26min

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Animateur, comédien, réalisateur, Zida Aboubacar dit Sidnaba ( roi de la vérité) mobilise des milliers d’auditeurs et de téléspectateurs avec sa revue de presse en mooré "Sonré" sur la radio "Savane FM" et sa série "La cité pourrie" sur les écrans de la télévision nationale.

Autodidacte, ce personnage hors du commun confie ici son parcours sur les ondes et son excursion dans le 7e art. Sidnaba évoque également ses relations avec les hommes politiques et revient sur la mise en demeure par le Conseil supérieur de l’information (CSI), de sa station "La Voix du Passoré" à Yako.

Sidwaya (s) : Les auditeurs entendent votre voix à la radio, vous aperçoivent à l’écran sans réellement vous connaître. Qui est Sidnaba de radio "Savane FM" ?

Aboubacar Zida (A.Z.) : Je m’appelle Zida Aboubacar dit Sidnaba . Je suis né le 4 août 1962. Je suis marié et père de deux enfants. Je suis un autodidacte car je n’ai jamais mis les pieds dans une salle de classe. Actuellement, je suis animateur à la radio "Savane FM". Par ailleurs, je suis le réalisateur du feuilleton "La cité pourrie" où j’interviens également comme comédien. Je porte le surnom " Sidnaba " ( roi de la vérité en langue nationale mooré) depuis ma tendre jeunesse.

Bien avant que je ne vienne à la radio. On m’appelle ainsi car j’aime dire les choses telles qu’elles sont. Je ne sais pas contourner la vérité. Jamais, je n’ai eu la force de mentir devant une situation même la plus difficile.

S. : Comment êtes-vous arrivé aux métiers des ondes c’est-à-dire animateur à la radio ?

A.Z. : Je suis arrivé à la radio de façon accidentelle. Je ne me suis jamais imaginé animateur ni même employé d’une station. Je suis un produit de l’école de l’aventure où j’ai appris beaucoup de métiers. Je suis allé en Côte d’Ivoire très jeune, entre 13 et 14 ans. De là, j’ai visité d’autres pays de la sous-région. J’ai exercé comme conducteur de machines (tronçonneur, boussolier prospecteur dans des chantiers). Dans les années 80, j’ai quitté la "brousse" (campagne) pour m’installer à Abidjan et m’adonner aux petits commerces. C’est en septembre 87 que j’ai décidé de rentrer chez moi au Burkina Faso car je voyais déjà à cette époque, les prémices d’un malaise social en Côte d’Ivoire. Nombreux sont mes compatriotes qui se sont étonnés en son temps de mon départ surtout au moment où mes affaires prospéraient.

Bien que j’ai été accueilli par la galère à Ouagadougou, je suis resté optimiste. J’ai travaillé comme chauffeur de taxi. Toutefois, j’étais un grand auditeur de la radio nationale. Je connaissais aussi les programmes des différentes stations de la sous- région. A cette époque, il n’y avait pas de radio FM. Sur la nationale, j’aimais écouter les contes en mooré. Aussi je me rendais souvent chez le Larlé Naba pour voir comment cela se passait.

Un jour, j’ai demandé à conter et on m’a accepté sans difficulté. Mes interventions ont été fort appréciées. Et c’est ainsi que j’ai commencé mes premiers pas à la radio avec les contes du Larlé Naba. Ensuite, j’ai participé à des émissions à la télévision nationale avec le regretté Taoko. A dire vrai, c’est là que j’ai été révélé au public.

Puis un jour, précisément le 1er janvier 1991, un ami à l’époque m’a proposé de me mettre en contact avec Moustapha Thiombiano qui venait d’ouvrir sa radio "Horizon FM". Après un essai, j’ai été aussitôt intégré. J’ai d’abord animé une émission comique, ensuite le consert en mooré et enfin le journal parlé. J’ai quitté "Horizon FM" en octobre 92. Ensuite, j’ai eu un contrat avec la Nouvelle Confisserie du Burkina (NOCOB) pour faire sa publicité en province. C’est après cela que j’ai rejoint radio "Energie FM " . Et après le décès de Sankara Inoussa, nous nous sommes retrouvés pour ouvrir "Savane FM".

S. : Comment préparez-vous la revue de presse "Sonré" ? Ne vous arrive-t-il pas parfois d’ajouter votre petit grain de sel ?

A.Z. : Lorsque les différents journaux, les quotidiens surtout, sortent de presse entre 5 h et 6 h du matin, nous prenons rapidement connaissance du contenu. Nous faisons au fur et à mesure la traduction. Ajouter un peu de sel dans les écrits, c’est trop dire. Il peut arriver souvent qu’on interprète mal. Cela dépend peut être de notre niveau d’instruction. Toutefois, il s’agit d’erreurs insignifiantes. Dans le cas contraire, nous aurions eu des problèmes avec les auteurs de ces articles. Tel que je connais les journalistes, s’il arrivait que nous disions ce qu’ils n’ont pas dit, ils répliqueront à coup sûr, par des articles incendiaires.

S. : Vu l’engouement que suscite l’émission "Sonré" à Ouagadougou et dans les départements environnants, Sidnaba se prend-t-il pour une vedette ?

A.Z. : Nullement, j’ai les pieds sur terre et je me considère tout simplement comme Sidnaba. Mieux, Zida Aboubacar. Si des auditeurs me considèrent comme une vedette, cela n’engage qu’eux. Ce qui est malheureux à mon niveau et me fait souffrir, c’est que beaucoup croient que je suis riche. Or, je ne le suis pas. Des gens viennent à moi avec des problèmes que même deux années de mon salaire ne peuvent résoudre.

Pour tout avouer, je ne suis qu’un modeste salarié de radio "Savane FM" comme la plupart des travailleurs burkinabè.

S. : Malgré les reproches, vous continuez de faire la publicité de la pharmacopée traditionnelle. Ne voyez-vous pas d’inconvénients à être comme un agent commercial des tradipraticiens avec tous les dérapages que cela peut constituer ?

A.Z. : Si le public n’appréciait pas les médicaments traditionnels qu’on leur présente à la radio, cela se sentirait aussitôt. Il y a eu des ateliers et des séminaires sur la publicité autour de la pharmacopée traditionnelle. Le ministère de la Santé avait demandé de suspendre les émissions en vue de mener une réflexion et éviter tout désordre. Maintenant, il est convenu qu’au lieu que les tradipraticiens viennent à l’antenne présenter eux-mêmes leurs produits, cela soit fait sous forme de communiqué. Ce qui est de notre avis car certains tradithérapeutes prétendaient guérir le Sida. C’était vraiment exagéré. Ce qu’il faut savoir, ce n’est pas tous les médicaments traditionnels, que nous présentons sur les ondes. Ce sont ceux qui ont été testés au laboratoire et qui sont reconnus par la direction de la médecine traditionnelle. Nos communiqués ont aidé des centaines d’auditeurs à se débarrasser de certaines maladies dont ils souffraient depuis longtemps. Mais il y a une chose que je déplore au Burkina Faso , c’est la jalousie. Dès que quelqu’un réussit dans un domaine, son exploit devient un crime et attire la médisance. Et c’est cette attitude que l’on tente d’avoir à l’endroit de certains tradithérapeutes. Il y en a qui travaillent sincèrement pour soulager certains mots. Des intellectuels, des autorités ou de simples habitants qui sont venus nous remercier de leur avoir permis de trouver un remède et d’être guéris de maladies (rhumatisme, crise de nerfs, hémorroïdes) qu’ils croyaient incurables. Si notre action à la radio n’était pas légale, il y a longtemps que le ministère de la Santé l’aurait interdite. Pour ce qui est des médicaments pour guérir des fous, j’avoue que je demeure un Africain qui croit à sa culture dont certains aspects dépassent les lois de la science. D’ailleurs, Sidwaya n’a pas trouvé d’inconvénients à interviewer un charlatan, Paul Nikièma vers Saponé.

Je ne parlerai pas de mystère ou de miracle mais j’ai été témoin occulaire de la guérison de fous par des méthodes qui échappent à tout raisonnement humain. Quant aux mots que j’utilise pour désigner certaines maladies, je ne fais que les puiser dans ma langue, le mooré. Maintenant, s’il y a des auditeurs qui ne comprennent pas bien leur langue qu’ils s’en prennent à eux-mêmes.

S. : Outre la radio, vous avez également un pied dans le 7e art. Expliquez-nous cette "excursion" dans le cinéma et les thèmes que vous abordez dans vos films ?

A.Z. : Le cinéma représente pour moi la continuité de ce que je fais déjà sur les ondes. A la radio, j’écrivais des pièces théâtrales que je produisais. Nous avons réalisé deux feuilletons radiophoniques. Peut-être que c’est ce qui m’a fait glisser vers le 7e art. Aussi, le sitcom "La cité pourrie" est une photographie en 120 épisodes de la cité dans laquelle nous vivons. On y dénonce le mensonge, l’abus de pouvoir, la gabegie. Il y a également un long métrage de 90 mn "Ouaga Zoodo" (amitié de Ouaga) qui est en montage. C’est une Satire sociale qui met à nu, l’ingratitude, les fausses amitiés et les relations d’intérêts existantes entre les hommes. Je décris les comportements des hommes d’aujourd’hui tels qu’ils sont.

S. : Votre nom a été cité dans l’affaire Mor Alim. Qu’en est-il exactement ?

A.Z. : Je n’ai pas été impliqué dans cette affaire. J’ai plutôt témoigné. Franchement, je ne veux pas revenir sur l’interview que j’ai accordée à cet effet au journal "Le Pays". Je crois avoir tout dit là-bas sur ce que je savais de Mor Alim. En tout état de cause, je n’ai jamais accusé la police de mensonge. Je n’ai pas non plus soutenu que Mor Alim était un escroc. J’ai simplement fait une analyse. Car pour moi, quand on arrête un escroc, il doit avoir ses victimes pour témoigner contre lui. C’est quand même étonnant que la police n’ait pu présenter d’autres victimes en dehors du chef de l’Etat. Telle est mon opinion qui n’engage que moi. C’est mon droit à la parole à moins que l’on m’empêche de m’exprimer.

S. : Le Conseil supérieur de l’information(CSI) a rappelé à l’ordre la "Voix du Passoré" où vous êtes actionnaire majoritaire pour avoir mis en mal la cohésion sociale à Yako. Quelle lecture faites-vous de cette décision ?

A.Z. : Tout est parti des instants qui ont précédé la création du Réveil démocratique des masses (RDM), le parti créé par Eugène Diendéré à Yako. Le 27 janvier 2005, le gérant de la "Voix du Passoré" me faisait cas d’une panne d’émetteur. Quand je lui ai demandé de rejoindre Ouagadougou avec le matériel pour réparation, il a amené avec lui, deux cassettes : l’une de 3 h émanant du CDP et l’autre de 32 mn de réplique provenant du RDM. Il m’a fait savoir que leur diffusion a entraîné des remous au sein de la population. Après les avoir écoutées, j’ai relevé au gérant le manque d’un souci d’équilibre entre les deux interventions (3 h et 32 mn). Aussi, j’ai préféré suspendre la diffusion des autres cassettes programmées sur cette affaire. Aujourd’hui, on accuse ma radio d’avoir contribué à mobiliser la population derrière un homme politique. Or, ceux qui portent de telles accusations ont longtemps profité de la "Voix du Passoré" pour leurs activités politiques dans la localité. Je rappelle aux uns et aux autres que ma radio a un caractère commercial. Les dirigeants du RDM ont payé le coût de leurs communiqués. Dans le fond, ce n’était pas des informations mensongères, discriminatoires ou diffamatoires. Aucun des responsables du CDP ne m’a approché pour me reprocher quoi que ce soit. D’ailleurs, ils n’ont pas encore honoré leurs factures. Ce n’est que le 14 janvier 2005 lors de la présentation de vœux de la presse au chef de l’Etat, que le colonel Gilbert Diendéré m’a approché pour me demander de conseiller un de mes animateurs car il tient des propos "voilés" sur les antennes. Il ne m’a jamais demandé de le virer. Quand je me suis rendu à Yako le lendemain 15 janvier pour la finale de la Coupe du député Fatoumata Diendéré, j’ai appelé l’animateur en question, Noufou, pour l’entendre. Après sa version, je lui ai demandé de choisir entre ses activités politiques et l’animation à la radio. Mais il a préféré partir de lui-même rejoindre le RDM. Chose curieuse quand j’avais licencié Noufou en 2001, ce sont les mêmes personnes qui ne l’apprécient pas aujourd’hui qui m’ont supplier de le reprendre car il travaillait avec ma radio pour eux. Je l’ai rappelé au colonel Diendéré. D’ailleurs, depuis 2000, je cherche en vain une parcelle à Yako pour construire le siège de la radio et un centre artistique et culturel. On me le refuse seulement parce qu’on ne sait pas de quel bord politique je suis. On me prend pour un "Palestinien" dans ma ville d’origine.

S. : La province du Passoré où vous êtes originaire regorge de grosses pointures politiques : Fatoumata Diendéré du CDP, Bénéwendé Stanislas Sankara de l’UNIR/MS, Ernest Nongma Ouédraogo de la CPS, Ram Ouédraogo du RDEB... Quelles relations entretenez-vous avec ces hommes ?

A.Z. : J’ai connu Fatoumata Diendéré à travers son époux, le colonel Gilbert Diendéré qui est un homme que j’admire beaucoup. Quant à Ernest Nongma, je l’ai rencontré pour la première fois le 14 octobre 1999. C’était dans le cadre de mon métier. Je suis allé l’interviewer à son domicile sur l’anniversaire de la mort de Thomas Sankara. C’était la dernière fois qu’on se voit à deux. La plupart du temps, c’est lors des manifestations qu’on se rencontre.

Il en est de même de Me Sankara. Je ne sais même pas là où il habite. Pour ce qui est de Eugène Diendéré dont ses adversaires prétendent que je soutiens, je ne sais pas sur quoi ils fondent leurs arguments. Eugène n’est pas mon ami. On s’appelle et on se voit rarement. C’est vrai que je suis allé chez lui deux ou trois fois pour des baptêmes ou des fêtes. Nos relations s’arrêtent là. C’est ainsi avec tous les ressortissants du Passoré vivant à Ouagadougou. Quand on m’accuse d’avoir aidé Eugène Diendéré à créer son parti, je pense que c’est une injure faite à ses diplômes. En tant qu’ingénieur ayant occupé de hautes fonctions, j’estime qu’il est suffisamment intelligent et financièrement nanti pour fonder une formation politique. Il n’a vraiment pas besoin de quelqu’un comme moi qui n’est jamais allé à l’école. A cette allure, on dira un jour que c’est moi qui ai aidé Kanazoé à avoir sa fortune (rires).

S. : Que répondez-vous à ceux qui vous taxent d’ami des politiciens et des hommes d’affaires notamment de Kanazoé à travers votre rôle d’attaché de presse ?

A.Z. : Oumarou Kanazoé ne va quand même pas laisser les journalistes confirmés pour prendre comme attaché de presse un simple animateur de radio. Même s’il voulait toute une rédaction comme conseiller, il peut se la payer. Pour ma part, j’assiste Kanazoé en tant que parent. Bien au contraire, c’est lui qui m’aide. Quant aux politiciens, je ne suis ni leur ami, ni leur ennemi. C’est vrai que j’ai des amis qui font la politique. Ce n’est pas parce qu’ils sont politiciens que je suis leur ami mais en tant qu’individu. J’ai des amis aussi bien du côté du pouvoir que de l’opposition. Certains sont riches, d’autres pauvres.

S. : Au-delà de tout ce que vous dites, Sidnaba fait-il la politique ?

A.Z. : Non, pas pour le moment. Mais le jour où je déciderai de me lancer dans la politique, la presse sera grandement informée. Pour le moment, j’ai d’autres chats à fouetter.

Propos recueillis par Jolivet Emmaüs
Sidwaya

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