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« Certains acteurs politiques de la région ont vu en Kounkoufoanou un réservoir de militants potentiels », dixit Colonel Ousmane Traoré, Gouverneur de la région de l’Est

Publié le samedi 29 juillet 2017 à 01h24min

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 « Certains acteurs politiques de la région ont vu en Kounkoufoanou un réservoir de militants potentiels », dixit Colonel Ousmane Traoré, Gouverneur de la région de l’Est

La situation des déguerpis de Kounkoufoanou, dans la zone pastorale de Kabonga défraie la chronique. Gouverneur de la région de l’Est, le colonel Ousmane Traoré, dénonce une politisation de la situation, « pourrie » par des intérêts inavoués et inavouables. Dans cette interview qu’il nous a accordée lundi, 24 juillet 2017, le premier commis de l’Etat de la région ne va pas du dos de la cuillère pour dénoncer des ‘’manœuvres malsaines’’ dans l’affaire Kounkoufoanou.

Lefaso.net : Ces derniers temps, la situation de Kounkoufoanou fait l’actualité. Dites-nous réellement ce qui s’est passé dans cette localité, le 17 juillet dernier ; parce qu’à ce qui se dit, c’est vous qui auriez envoyé des Forces de défense et de sécurité (FDS) pour demander aux populations de la localité de se préparer à déguerpir de nouveau ?

Colonel Ousmane Traoré : Je voudrais d’abord, avant de répondre à cette première question, vous remercier et saluer l’initiative de votre organe de presse de nous approcher, en tant que représentant de l’administration, pour vous imprégner des réalités qu’il y a au niveau de l’administration, des mesures et des actions que nous prenons, concernant la zone pastorale de Kaboanga. Nous avons été approchés, le 18 juillet 2017, par le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) par rapport à une prétendue mission que nous aurions envoyée à Kounkoufoanou pour informer les populations que nous allions les déguerpir.

Le MBDHP a ajouté qu’un ultimatum de 48 heures ou de 72 heures aurait été donné à ces populations. Je tiens à préciser que cette équipe du MBDHP que nous avons reçue le 18 juillet était conduite par le secrétaire général du Comité exécutif du MBDHP, Ali Sanou, accompagné par des membres de la structure de la région de l’Est. Nous avons manifesté notre surprise à l’équipe, quant aux propos qui nous ont été attribués dans le cadre de la gestion de cette zone.

En effet, après le déguerpissement de 2011, des recommandations ont été faites au ministère des ressources animales afin de capitaliser le travail qui a été fait en 2015. On pouvait, entre autres, noter le fait de marquer la présence de façon régulière non seulement des agents des ressources animales, mais aussi des Forces de défense et de sécurité (FDS) afin de dissuader d’un retour des populations dans cette zone. Ces missions n’ont pas pu être effectives tout de suite après le déguerpissement ; elles l’ont été à partir de fin 2016.

Dans le budget du ministère des ressources animales, une ligne a été créée pour permettre aux services techniques déconcentrés de mettre en œuvre cette recommandation, en envoyant de temps en temps, des techniciens de ces services accompagnés des FDS pour non seulement faire le point de la situation réelle sur le terrain à partir de 2015 à ce jour, mais aussi pour continuer à sensibiliser les désobéissants qui sont revenus se réinstaller dans la zone (parce que, jusque-là, la vocation de la zone n’a pas changé ; elle reste une zone pastorale). Et nous, en tant que responsable de l’administration, dans le souci de cette équité vis-à-vis des acteurs du secteur animal, nous ne faisons qu’appliquer des textes, des instructions qui sont données par le gouvernement.

Je tiens à préciser que le déguerpissement de 2015 fait suite à une décision prise en conseil des ministres en juillet 2015 pour effectivement réaffirmer la vocation de cette zone et instruire les ministères techniques concernés à prendre les dispositions nécessaires pour cet espace, de même que d’autres dans les régions de la Boucle du Mouhoun (Barani), des Hauts-Bassins (Samourogoan), du Centre-sud (Djaro), du Centre-est et de l’Est (Kaboanga), etc. Donc, toutes ces zones ont connu concomitamment ces opérations de déguerpissement ; parce que des textes existent pour ce qui concerne notre zone de Kaboanga, depuis 2004, qui ont affirmé la vocation de cette zone.

Lefaso.net : Selon certaines informations, ce déguerpissement n’est pas lié à l’occupation d’une zone pastorale par ces populations de kounkoufoanou, mais à la présence d’un gisement d’or et l’espace serait attribué à une société minière. Qu’en est-il exactement ?

Colonel Ousmane Traoré : Je crois que cette façon de lire les choses est un peu biaisée. Au niveau de Kounkoufoanou, nous avons plusieurs acteurs ; il y en a qui sont effectivement installés dans le but d’une production végétale, nous avons des pasteurs, des orpailleurs. Il se trouve en même temps que dans le cadre des explorations des sous-sols du Burkina, le ministère des mines et carrières avait, en son temps, octroyé une autorisation à une structure minière du nom de BIRIMIAN DISCOVERY Sarl pour des prospections dans la zone afin de faire le point des minerais qui pourraient s’y trouver.

Ces permis ont été octroyés sans tenir compte au préalable de la vocation réelle de cette zone qui a été affirmée par un texte pris par l’ensemble des ministères concernés, depuis 2004, qui fixait la vocation de cette zone. Le manque de concertation entre les secteurs ministériels dans le travail sur le terrain fait que nous avons des chevauchements d’intérêts, souvent antagonistes. C’est effectivement dans ce cadre que nous avons été approchés par cette société BIRIMIAN DISCOVERY, lorsque la mission de déguerpissement a été approuvée par le gouvernement. Je voudrais dire que dans le cadre du déguerpissement, cette société minière, qui était effectivement implantée dans la zone, a été déguerpie et ses activités suspendues.

Jusqu’à l’heure où je vous parle, aucune autre mesure contraire n’a été prise vis-à-vis de cette société minière et des exploitants agricoles qui étaient installés dans cette zone. Mieux, c’est que jusqu’à présent, le gouvernement réaffirme la vocation de la zone en tant zone pastorale.

Lefaso.net : Après le premier déguerpissement, les populations sont reparties sur le site pour se réinstaller. A quoi est dû ce retour, quand on sait que c’est une mesure gouvernementale qui avait ordonné le déguerpissement ?

Colonel Ousmane Traoré : Depuis 2014, le gouvernement du Burkina a connu quelques soubresauts qui ont contraint souvent l’ensemble des acteurs sur le plan budgétaire. Lorsque le déguerpissement a été fait en 2015 pour l’ensemble des régions qui étaient concernées, il a été suggéré au ministère des ressources animales de rendre disponibles des fonds pour non seulement permettre des patrouilles fréquentes dans les zones afin de prévenir toute velléité de réinstallation, mais aussi d’engager certaines actions pour viabiliser et répondre aux cahiers de charges qui étaient prévus pour que les pasteurs puissent effectivement investir cette zone.

Les contraintes dont je parlais tantôt ont fait que le ministère des ressources animales n’a pas pu mobiliser le budget nécessaire à l’accompagnement de l’action de déguerpissement de 2015. La nature ayant horreur du vide, les pasteurs aussi que nous avions sensibilisés pour apporter leur contribution dans la mise en œuvre des mesures et dans l’appropriation effective de cette zone sont restés quelque peu attentistes, souhaitant que le gouvernement remplisse de façon responsable le cahier de charges qui concerne cette zone avant de l’investir.

La zone étant l’une des plus fertiles, s’il n’y a pas d’autres activités, forcément, ceux qui sont dans le besoin de productions agricole et végétale se disent qu’ils peuvent peut-être venir le faire en attendant. C’est cela qui a permis que certains se retrouvent dans la zone sans que le gouvernement n’ait pu prendre les mesures appropriées (par défaut de ressources financières) pour empêcher cette réinstallation qui s’est faite petit-à-petit. Aujourd’hui, cela nous met dans cette situation et nous nous retrouvons avec le même effectif, sinon plus, que celui dans la zone en 2015.

Lefaso.net : Avant l’opération de déguerpissement de 2015, quelles actions l’Etat avait-il menées à l’endroit de la population pour qu’elle comprenne et accepte la décision ?

Col. Traoré : Depuis 2004, lorsque le gouvernement a décidé de la destination de cette zone, des démarches ont été entreprises. Des acteurs sur le terrain ont travaillé, de concert avec les populations, à matérialiser les limites de la zone, des missions de sensibilisation sont passées dans tous les hameaux de culture qui étaient concernés par ce déguerpissement et dans tous les départements riverains de cette zone pastorale de Kaboanga afin de donner l’information juste, expliquer la destination de cette zone et les mesures qui allaient être prises.

Au nombre de ces mesures, l’Etat s’était engagé à matérialiser et à sécuriser cette zone par un bornage. C’est vrai que cela n’a pas été totalement fait, mais depuis 2004, la matérialisation de la zone s’était faite en collaboration avec les populations elles-mêmes. Nous avons eu cette confirmation en 2015. Le déguerpissement de 2015 n’est donc pas le premier. En 2013, il y a eu une tentative de déguerpissement de la zone. Mais par manque d’intérêt des acteurs au profit desquels ce déguerpissement avait été fait, les producteurs agricoles sont revenus s’installer dans la zone.

En 2014, il était question de capitaliser ce qui avait été fait en 2013 et de mettre un terme à la ‘’recolonisation’’ de la zone. Cependant, lorsque nous sommes allés sur le terrain, nous avons constaté que les acteurs qui étaient revenus dans la zone avaient défriché des sols et semé. Leurs semis avaient atteint un tel niveau d’évolution que nous avions suggéré au gouvernement de n’engager cette mission que lorsque les gens auraient récolté. Mais, la sensibilisation a continué dans la zone pour dire à tous ceux qui y étaient, que la destination de la zone n’avait pas changé et qu’après les récoltes, il était important que chacun quitte (pour ceux qui sont dans la zone et qui mènent des actions qui n’entrent pas dans les activités réservées à la zone).

Un communiqué a été préparé de janvier à avril 2015, des missions ont été conduites sur le terrain et l’association des chefs coutumiers et des chefs de terre du Koulpélogo a été mise à contribution pour aider l’administration à sensibiliser les exploitants agricoles installés dans la zone. Des chefs de terres ont été approchés pour faciliter la réinstallation des populations qui seraient déguerpies et qui n’auraient pas ou qui ne voudraient pas retourner dans leur village. Nous le disons, Kounkoufoanou n’est pas un village, il est un hameau de culture.

Un hameau de culture, par définition, est un regroupement de population de façon temporaire pour des besoins de production végétale et après avoir récolté et ramassé les semis, les gens retournent dans leurs villages. Aujourd’hui, lorsque vous regardez la carte de la zone pastorale de Kaboanga, Konkounfoanou n’est pas le seul hameau de culture qui est concerné par ce déguerpissement. Pourquoi tout se focalise aujourd’hui sur ce hameau de culture ?

Au moment du déguerpissement, Kounkoufoanou avait le plus gros effectif et certains acteurs politiques voyaient en cela un panier de militants, de votants et de sympathisants pour les élections qui se préparaient. L’un dans l’autre, les visions politiques de ces acteurs du moment ont aussi contribué à faire croire à ces populations que lorsqu’ils seront aux affaires, ils allaient tout faire pour que Kounkoufoanou devienne un village permanent.

Certaines organisations de la société civile se sont laissées influencer par ces politiciens et aujourd’hui, la question de Kounkoufoanou devient une question épineuse non seulement pour ces acteurs qui avaient pris langue avec les populations, mais aussi pour l’administration qui est tous les jours interpellée par rapport à une situation qui, normalement, ne devrait pas l’être.

Lefaso.net : Quelles ont été les mesures d’accompagnement de l’Etat à ces populations déguerpies ? Ces mesures étaient-elles suffisantes ?

Colonel Ousmane Traoré : Pour la question des mesures prises, je voudrais dire que la démarche qui a été celle du gouvernement et celle des acteurs au niveau local, était d’inciter les populations qui devraient occuper de façon ponctuelle ce hameau de culture à retourner dans leurs villages d’origine. Nous avons pris contact avec certains chefs coutumiers, certains chefs de terre pour faciliter leur installation. L’ensemble des populations concernées par ce déguerpissement dans l’ensemble de la zone pastorale avaient été estimées à plus de 13 000 personnes, et 23 000 personnes en 2015.

Lorsque nous avons commencé les mesures de sensibilisation, puis les communiqués sur le déguerpissement, 75% des gens dans la partie qui concerne le Koulpélogo (région du Centre-est) et même dans les autres zones de l’Est sont partis d’eux-mêmes. Il y a certains acteurs, qui ont voulu faire de cette opération une manne économique. Ils ont voulu, à un certain moment, pour des velléités propres, profiter justement de cette situation et du désarroi des populations en leur disant qu’ils allaient tout faire pour que l’Etat revienne sur sa décision de faire de cette zone, une zone pastorale, en mettant tout en œuvre pour leur permettre d’y rester.

Lefaso.net : Dans la zone, l’Etat aurait construit des infrastructures sociales de base (écoles et CSPS). Cela n’a-t-il pas contribué à la réticence de ces populations qui pensaient ainsi être grugées ?

Col. Traoré : Cela dépend de la lecture que l’on fait de la situation de cette zone. Lorsqu’on parle de pastoralisme, on ne voit même plus les acteurs du pastoralisme, on ne voit que le troupeau qui va effectivement être dans cette zone. Aujourd’hui, les conditions du pastoralisme, les conditions de la transhumance, sont telles que nous avons de plus en plus besoin que beaucoup d’acteurs puissent se sédentariser. Pour cela, il y a nécessairement des infrastructures socio-éducatives et sanitaires de base qu’il est important de réaliser.

Au même titre que l’Etat s’est engagé à réaliser des points d’eaux pour l’abreuvage des animaux, des parcs de vaccination et des dispensaires vétérinaires, les hommes qui sont acteurs du domaine ont besoin aussi, lorsque elles sont malades, d’aller vers un dispensaire et lorsque leurs enfants grandissent, qu’ils aillent à l’école. Le fait de construire ces infrastructures ne change pas la destination de la zone, au contraire, cela devrait renforcer et mieux attirer les acteurs du pastoralisme à s’approprier cette zone. Ces écoles ont été construites, pas pour les ‘’populations’’, des producteurs agricoles de Kounkoufoanou.

Du reste, nous avons dit à ces populations que nous ne sommes pas contre leur présence dans la zone, mais nous disons que si elles veulent rester dans la zone, qu’elles se conforment à sa vocation. La zone est pastorale, aujourd’hui on ne peut pas avoir pour activité principale la production végétale et vouloir rester dans la zone. Même les pasteurs qui sont installés dans la zone ne mangent que là où ils vont s’installer, en dehors des zones de pâtures. Ils ont besoin d’infrastructures, d’un petit champ pour leur type de cultures vivrières.

Au moment où on était en train de déguerpir la zone en 2015, nous avions des acteurs des productions végétales qui avaient des centaines d’hectares de coton. En ce moment, c’était difficile… Nous avons dit que ces acteurs, qui disent ne pas avoir d’autres activités que la production agricole, pouvaient se convertir dans la production de plantes fourragères pour les besoins des pasteurs ou des troupeaux qui sont dans la zone. Cela n’est pas interdit, parce qu’il y a des activités qui accompagnent le pastoralisme qui ne sont pas interdites. Seulement, lorsque c’est pour venir faire du sésame, etc., il y a chevauchement d’intérêts et cela ne peut pas permettre une cohabitation saine entre les acteurs de la production végétale et de la production animale. Voilà la réalité de la situation dans cette zone.

Il y a certaines contraintes qui peuvent nous aider à évoluer dans notre conception de voir et faire les choses. Aujourd’hui, l’envergure de la ville de Ouagadougou laisse entrevoir forcement qu’il y avait des zones qui étaient réservées à l’exploitation végétale, mais aujourd’hui elles sont devenues des zones d’habitation loties. Vous ne pouvez pas dire qu’à partir du moment où la ville de Ouagadougou est venue vous trouver avec vos troupeaux, vous alliez continuer à élever partout où vous voulez. Je crois que nous devrions effectivement travailler à amener les gens à être résiliants et cette résilience nécessite que nous ne soyons pas figés, que nous puissions être ouverts à d’autres perspectives.

Nous avons toujours souhaité de nos partenaires sociaux, au lieu de toujours rester à critiquer et dénoncer ce que l’Etat fait, souvent sur des bases d’informations non fondés, viennent avec des propositions concrètes afin que l’on réfléchisse ensemble et que l’on fasse des propositions. La question de Konkounfoanou, si elle est traitée telle que nous voyons l’information circuler sur les réseaux sociaux, pose un problème d’équité. Ces acteurs du secteur animal sont aussi Burkinabè que ceux qui sont dans la production végétale. Où est-ce qu’ils vont aller ? Le pastoralisme a souvent été associé au nomadisme ; ce qui n’a pas amené les acteurs de ce domaine à se fixer sur des terres et à se les approprier. Qu’est-ce que nous pouvons faire pour eux ? Ce sont ces interrogations constructives que nous devons nous poser en plus de la solidarité nationale dont on parle entre Burkinabè.

Cette notion de solidarité perd tout son sens à certains moments, tel que nous voyons les différents acteurs se comporter aujourd’hui. Il y a la question d’équité, chaque Burkinabè a besoin d’espace pour mener son activité. Nous interpellons l’ensemble des organes de presse et la société civile. Pas plus tard qu’il y a un mois et demi, nous avions près de 6000 têtes d’animaux qui ont été contraints de revenir au Burkina. Si cette zone n’existait pas, où les pasteurs et leurs animaux allaient-ils partir ?

Lefaso.net : Des organisations de la société civile exigent des mesures d’accompagnement, notamment la détermination et la désignation d’une zone d’accueil pour ces populations. Que répondez-vous à ces exigences ?

Colonel Ousmane Traoré : Cela est ressorti effectivement dans mon entretien avec le MBDHP, qui nous a donné une autre appréciation de la situation, notamment la délimitation et les limites réelles de cette zone pastorale. Ils m’ont dit qu’ils disposent d’une carte qui n’est pas la même que celle avec laquelle nous avons travaillé sur les limitations de la zone. Donc, ils ont promis de nous faire parvenir une copie. En tant que représentant de l’administration, nous nous soucions des préoccupations de chaque acteur au développement de notre région comme les populations qui sont à Kounkoufoanou qui s’adonnent à la production agricole et végétale.

Du reste, nous n’avions pas attendu d’être interpellés par les OSC pour entreprendre des actions afin que des solutions puissent être trouvées. Il vous souviendra que lorsque ces populations ont été déguerpies en 2015, beaucoup d’entre elles sont retournées au village ou ont trouvé des points de chute. Les quelques populations qui n’ont pas trouvé où aller ont, grâce à une action du ministère de l’action sociale, bénéficié d’un accompagnement pour soulager leur fardeau et cela s’est fait deux ans successivement.

Nous avons encore dit aux OSC de l’Est de contribuer à sensibiliser tous les acteurs afin que ce groupe d’individus qui n’avaient pas eu de point de chute puissent être accueillis par d’autres populations. C’est cela la solidarité, mais nous constatons que ce travail n’a pas abouti. Je ne dis pas que ça n’a pas été fait car, je n’ai pas été sur le terrain pour vérifier. Certaines OSC font du bon travail sur le terrain, mais d’autres s’adonnent à la critique ou à des observations malsaines souvent sur la base d’informations non fondées.

Lefaso.net : Cette zone pastorale de Kaboanga s’étend sur deux régions, notamment l’Est et le Centre-est. Visiblement, au Centre-est, le déguerpissement s’est passé sans difficulté majeure. Pourquoi à l’Est, il y a tant de gorges chaudes et de réticence ?

Colonel Ousmane Traoré : Les acteurs politiques de la région de l’Est ont vu en Kounkoufoanou, un réservoir de militants potentiels avec lesquels, ils ont pris des engagements politiques. Aujourd’hui, nous avons un rapport de la police qui date de la semaine dernière, qui nous relate des propos tenus par des personnes qui ont été rencontrées dans la zone de Kounkoufoanou et qui disent être venues d’autres régions sur instruction d’acteurs politiques connus de la région. C’est un dossier que nous allons ouvrir bientôt et les responsabilités seront situées. Je crois que ces populations ont besoin de connaître la vérité.

Nous sommes en République, dans un Etat de droit (il est donc important que, quel que soit notre rôle dans la société, nous puissions travailler dans le respect des normes de la République). Vous avez des acteurs aujourd’hui qui rament à contre-courant des règles éthiques et morales qui devraient encadrer même leurs actions et des lois de la République. Et cela est dommage, parce qu’en tant qu’acteurs d’un certain niveau, nous sommes une référence pour nos populations. Nous devrons avoir pitié de ces populations, nous ne pouvons pas travailler à augmenter leur peine. Elles ont besoin que nous puissions leur tenir un langage de vérité sur ce que nous pouvons et devons faire ou pas. Ce qui est droit et légal, nous avons la responsabilité morale et citoyenne de le leur dire.

Aujourd’hui, ces acteurs au niveau de la région de l’Est sont des tentacules politiques et d’agitation. Ils ont embouché une trompette qui donne un son contradictoire à ce que l’Etat a, en toute responsabilité, arrêté comme décision. Du reste, on avisera pour ce qui se sera mené au niveau du gouvernement. La semaine dernière, le chef de l’Etat a été interpellé par rapport à cette situation et il a promis de donner des instructions aux ministres concernés pour que, définitivement, nous puissions trouver une solution à cette situation. J’ai foi en la République, j’ai foi à ceux qui dirigent ce pays et je sais qu’une solution sera trouvée, rapidement.

Tant que la vocation de cette zone n’a pas changé, que tous les acteurs comprennent et se préparent à respecter ce que l’Etat a décidé, à respecter les textes que l’Etat a pris. Pour ce qui concerne la question de déguerpissement, je préfère ne pas répondre à cette question ; parce qu’il a été dit tantôt que nous avons donné un ultimatum aux populations, mais vous pouvez aller sur le terrain pour voir si effectivement des dispositions sont prises pour que cela soit effectif. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas envisagé pour le moment une action de déguerpissement.

Pour conclure, je profite de votre canal pour lancer le seul message pour les acteurs ; tous les filles et fils de la région, tous les citoyens qui se sentent concernés par cette question ou qui en font une préoccupation d’aller à la source pour prendre l’information juste. Nous aurions souhaité que pour accompagner l’administration, ces structures aillent vers les sources fiables pour vérifier l’information. Au niveau des organes de presse, il existe des archives, nous avons dit qu’il y a des campagnes qui ont été menées, des documentaires qui ont été réalisés pour appuyer l’action du gouvernement à la réaffirmation de la vocation de cette zone.

Aujourd’hui, il est dit que nous n’avons pas donné plus d’une semaine de délai aux populations pour déguerpir de la zone. Vous pouvez vérifier dans les archives des médias qui ont été concernés par les communiqués en son temps, vous verrez qu’un travail de sensibilisation a été fait. Mais, tout le monde l’ignore royalement ; on ne sait à quel dessein. Nous et le ministère des ressources animales sommes disposés à recevoir tous ceux qui voudront des informations et à leur donner des informations disponibles. Il faut qu’on dépolitise la question de Kounkoufoanou, que l’on se départisse des velléités de faire quelques ressources financières sur le dos de ces populations qui souffrent de cette situation.

Il faut que chaque acteur, chaque citoyen, comprenne cela et contribue à donner l’information juste. Si vous allez aujourd’hui à Kounkoufoanou, vous allez trouver des populations qui reconnaissent qu’on leur a dit que la zone est pastorale, elles reconnaissent qu’elles sont là parce qu’elles ne voient pas les vrais acteurs venir et qui vous diront qu’elles sont prêtes à partir quand on va leur dire de partir. Mais, cela n’a jamais été relayé. Il y a de l’instrumentalisation qui se fait et il faut que chaque acteur prenne conscience et soit prêt à répondre demain devant ces populations, lorsqu’elles sauront qu’elles ont été dupées.

Interview réalisée par Soumaila SANA
Lefaso.net

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