LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Affaire "Faso Fani" : Les ex-travailleurs égrènent leurs misères

Publié le mardi 14 juin 2005 à 07h04min

PARTAGER :                          

Les ex-travailleurs de Faso Fani sont mécontents. Depuis la
fermeture de l’usine, ils espèrent bénéficier de leurs droits, en
vain. C’est du moins l’objet de cette correspondance adressée
au ministre du Commerce, de la promotion de l’entreprise et de
l’artisanat.

Monsieur le ministre,

En dépit de propositions concrètes pour sauver l’entreprise,
Faso Fani, le conseil des ministres a décidé en sa séance du 7
mars 2001, de la liquidation judiciaire de l’usine et de la prise en
charge par le budget de l’Etat du règlement du volet social
(droits légaux et indemnités négociées).

Pour la bonne exécution de cette décision, une rencontre
bipartite a eu lieu le 24 avril 2001 à la salle de conférence entre
d’une part, une délégation du gouvernement comprenant les
ministres du Commerce, de la promotion de l’entreprise et de
l’artisanat ; du Travail de l’emploi et de la jeunesse ; de la
Sécurité ; des Finances et du Budget et d’autre part, les
représentants des travailleurs munis d’un procès-verbal
d’accord partiel et d’un procès-verbal de non-conciliation qui
sont les documents de travail de la rencontre.

A l’issue de la rencontre, un consensus a été dégagé sous la
forme d’une identification des droits suivants.
1 - Les arriérés de salaires couvrant la période de juin 2000 à
février 2001 ; soit neuf (9) mois ;

2 - Les droits légaux qui se composent comme suit :

2-1 l’indemnité compensatrice de préavis : un (01) mois pour
les employés et les ouvriers et trois (03) mois pour les agents
de maîtrise et les cadres.
2-3 l’indemnité compensatrice de congés payés.
2-4 le certificat de travail.

3 - Indemnité spéciale

Il sera versé à chaque travailleur douze (12) mois de son
salaire brut mensuel, exempt de toute retenue.

4 - Cotisations sociales

Ces cotisations sont une créance de la Caisse nationale de
sécurité sociale sur l’ex-employeur Faso Fani. Des démarches
sont entreprises pour le reversement desdites cotisations.

5 - Bilan de santé

L’office de santé des travailleurs (OST) procédera
incessamment aux visites médicales du personnel avec les
examens complémentaires. Les frais afférents étant à la charge
de l’employeur, de même que les frais de transport y relatifs.
D’autres points tels les différends pendants et la retraite
anticipée pour les travailleurs invalides ont fait l’objet d’un
traitement adéquat.

Les travailleurs, faisant valoir la spécificité industrielle unique
de Faso Fani et de la difficulté subséquente de réinsertion
professionnelle des travailleurs, ont demandé une autre
indemnité spéciale de réinsertion pour créer des auto-emplois.
A cette revendication, la partie gouvernementale a proposé de
renvoyer l’examen de ce point entre autres à un arbitre à
désigner et dont la sentence s’imposerait aux deux parties.

"Un saucissonnage en quatre tranches"

Quant aux modalités de liquidation des droits ainsi reconnus de
commun accord, les représentants du gouvernement avaient
pris l’engagement de régler les dits droits dix (10) jours francs
conformément aux stipulations de la loi-après la nomination du
Syndic liquidateur.

Dès le lendemain 25 avril 2001, le syndic liquidateur a été
nommé. Les dix (10) jours francs assignés par la loi, couraient
donc du 25 avril au 4 mai 2001. Les travailleurs dont le dernier
salaire remontait au 30 mai 2000, étaient convaincus qu’ils
percevaient le 4 mai ou au plus tard le 5 mai 2001 tous les
droits reconnus.

De fait, le règlement du volet social a subi un saucissonnage
en quatre tranches dont la première n’a été versée que le 8 juin
2001 et la dernière le 9 juillet 2002. A raison de deux tranches
par an espacées de trois mois et deux semaines entre la
première et la seconde ; de quatre mois entre la seconde et la
troisième et de cinq mois entre la troisième et la dernière.

A l’évidence, l’article 109 du Code du travail fixant à dix (10) jours
le délai imparti à l’employeur pour régler les droits de
licenciement en cas de liquidation a été méconnu ; le règlement
s’étant étalé sur plus de douze (12) mois.

Le long étalement du paiement du volet social a eu pour effet
l’absorption de celui-ci, au fur et à mesure par les dettes :
alimentaires, de scolarité des enfants et de santé.
Est-il besoin de décrire les désagréments et les préjudices
d’ordre matériel, moral et social qui en ont résulté pour les
travailleurs et leurs familles ?

A un moment où le discours dominant du gouvernement est la
lutte contre la pauvreté y a-t-il contradiction plus flagrante qui
illustre le divorce entre le discours et la pratique ?
Il est donc important de traiter avec plus de célérité et
d’humanisme la sentence arbitrale rendue depuis le 11 juillet
2003 et pour laquelle chaque partie disposait de quarante-huit
heures (48) pour interjeter appel.

"Désinvolture des rouages de l’Etat"

Aucune des deux parties n’ayant interjeté appel, la sentence est
réputée acceptée et exécutoire. Quelle est cette sentence ?
Nous citons :
"L’arbitre décide :
1 - La demande d’indemnité spéciale de préavis et celle
spéciale pour difficulté de réinsertion sont justifiées au plan de
l’équité ;
2 - Le quantum des demandes est jugé excessif et exorbitant ;
leur satisfaction en totalité équivaudrait à deux fois la valeur du
volet social initial arrêté à 2,4 milliards de francs.

3 - Que pour ramener ces avantages demandés à de justes
proportions l’indemnité spéciale de préavis est retenue pour
deux mois de salaire brut par travailleur au lieu des trois mois
demandés.
"Que l’indemnité spéciale pour difficulté de réinsertion est
retenue pour dix (10) mois de salaire brut au lieu de 72 mois
demandés.

"Prenant en compte la masse salariale mensuelle moyenne à
Faso Fani, estime, que, sauf erreur, la synthèse des éléments
retenus en faveur des travailleurs donne un total de treize (13)
mois détaillés comme suit :
- l’indemnité spéciale de préavis 2 mois
- l’indemnité spéciale pour difficultés de réinsertion 10 mois
- l’indemnité spéciale de déplacement 1 mois
Il est précisé que l’indemnité spéciale de déplacement fera
l’objet d’une attribution égalitaire entre les travailleurs à raison
de 125 000 F pour chaque travailleur.

III - En cas d’insuffisance d’actif

"L’arbitre recommande instamment à l’Etat la prise en charge
de ce supplément en faveur des ex-travailleurs de Faso Fani en
situation spécifique grâce à une rallonge de l’ordre de 27% du
montant du volet social.

"Prie Mme le juge commissaire d’entreprendre les démarches
appropriées pour donner effet à la présente sentence dans un
délai raisonnable" Donné à Koudougou le 11 juillet 2003
(L’arbitre).
Vingt trois mois après cette sentence, les ex-travailleurs sont
dans l’attente et dans le désarroi.

Madame le juge commissaire, Pauline Ouédraogo, saisie par
une lettre de Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la
jeunesse en date 29 juin 2004, lui demandant de régler la
sentence arbitrale d’urgence compte tenu du caractère
hautement social du dossier, a attendu le 20 octobre 2004 pour
vous renvoyer le dossier arguant de son incompétence. Quatre
mois pour constater une incompétence ne plaident pas en
faveur de la bonne foi.

Depuis c’est le silence radio de votre côté. Pendant ce temps
les ex-travailleurs continuent de payer un lourd tribut à la
déréliction à laquelle les a condamnés l’indolence,
l’inconséquence et la désinvolture des rouages de l’Etat :
Enfants chassés des écoles, inaccessibilité à la nourriture et
aux soins. Conséquences : 39 de nos camarades sont morts
laissant derrière eux 44 veuves et 253 orphelins qui vont grossir
le contingent des pauvres vivant en dessous du seuil d’une
pauvreté que le gouvernement prétend combattre.

"Allez-vous fermer les yeux"

En l’absence de réaction de votre part depuis que le dossier
vous a été transféré et en désespoir de cause, nous vous avons
adressé une demande d’audience le 28 décembre 2004.
Le silence quasi total observé après cette demande nous a
amené à déposer une relance le 15 février 2005.
Ensuite, nous nous sommes rendus à votre secrétariat trois
fois de suite en quête d’informations mais en vain.

Monsieur le Ministre,

Que l’équipe de liquidation traîne les pieds peut se comprendre
après tous les liquidateurs ne vivent pas que de la liquidation de
Faso Fani, mais vous, Monsieur le Ministre allez-vous aussi
fermer les yeux sur les miettes à servir à chaque travailleur
quand on sait que ces pauvres ouvriers souffrent la galère
depuis trois ans bientôt.
Nous comprenons d’autant moins ce mutisme que vous êtes
au nombre des personnalités et autorités que M. l’arbitre a
consultées et qui lui avaient donné l’assurance de leur concours
plein et entier, il est aujourd’hui étrange de constater que ces
personnalités se sont évanouies dans la nature ou sont
frappées d’amnésie.

Monsieur le Ministre,

Peut-on savoir ce qui nous vaut ce mépris, quand on sait que
nous avons toujours privilégié le dialogue dans la recherche
des solutions à nos problèmes ?
Quel plaisir peut-on tirer à maintenir les ex-travailleurs de Faso
Fani dans cette misère depuis 5 ans ?

Monsieur le Ministre,

Les ex-travailleurs restent mobilisés et attendant avec
impatience l’exécution de la sentence de l’arbitre.
Dans l’attente d’un traitement diligent, nous vous prions
d’agréer, monsieur le Ministre, l’expression de notre haute
considération.

Ont signé :

CGTB : SONDO X. François

ONSL : KAGONE Boureima

CNTB : OUEDRAOGO Mahamady

USTB : YARO N. Joseph

UGTB : KABO Moïse

Le Président du collège des délégués,
Gilbert Y. NABI

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)