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Aïcha Junior crie à la contrefaçon

Publié le vendredi 10 juin 2005 à 07h40min

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Aïssata Ouédraogo plus connue sous le nom de Aïcha Junior et
Mayel Thiam, ex-coordonnateur de la Fondation Entreprendre se
sont retrouvés, dans l’après-midi du 6 juin 2005, devant le
Tribunal correctionnel de Ouaga.

La première poursuit le
second pour contrefaçon d’oeuvre de l’esprit en l’occurrence ses
Oscars de Yennenga destinés à récompenser les femmes qui
se sont illustrées dans divers secteurs d’activités. Après avoir
écouté chaque partie, le président du tribunal a mis le dossier
en délibéré au 13 juin prochain.

Après son départ de la Fondation Entreprendre, et pour
perpétuer sa tradition de félicitations des femmes chaque 8
mars, Mayel Thiam décide d’organiser une cérémonie au cours
de laquelle un certain nombre de femmes qui se sont
distinguées dans leurs secteurs d’activités seront
récompensées par des Yennenga d’or.

Sitôt son intention
d’organiser ladite cérémonie connue notamment par le biais de
spots publicitaires, Aïcha Junior, qui dit avoir la même ambition,
se rend compte que la manifestation annoncée ressemble à un
projet qu’elle a déposé au Bureau burkinabè du droit d’auteur
(BBDA).

Selon les déclarations de ses avocats du Cabinet
Bonkoungou/Ouédraogo à l’audience, des démarches ont été
entreprises pour dissuader M. Thiam d’organiser une telle
cérémonie au risque de se rendre coupable d’un plagiat d’une
oeuvre protégée. Mais les démarches (interpellation de
l’organisateur par le BBDA et la Police judiciaire) sont restées
vaines et les "Trophées Yennenga d’or" ont lieu et des femmes
comme Alizèta Ouédraogo dit Alizet Gando, Fatou Diendéré,
Fatoumata Ouattara de Gazèta ont été primées. A la barre, Mayel
Thiam s’est dit étonné de ce qui lui est reproché. Il ne reconnaît
pas les faits de contrefaçon et dit n’avoir pas organisé une
manifestation culturelle mais plutôt fait une oeuvre de promotion
de la femme qu’il a baptisée Trophées Yennenga d’or sans
savoir que l’appellation était protégée.

Par rapport aux
démarches qu’aurait entreprises Aïcha Junior pour annuler la
cérémonie, le géniteur des Yennenga d’or reconnaît qu’il a été
interpellé et interrogé par la Police judiciaire à quelques heures
de la cérémonie puis relâché avec l’autorisation d’organiser sa
manifestation. N’empêche, il s’est rendu coupable de
contrefaçon selon Aïcha Junior et ses avocats.

Ressemblance par la nature et les objectifs

Par rapport à la contrefaçon, le président du tribunal, Etienne
Sombié, a voulu savoir en quoi elle a consisté. Pour les avocats,
la manifestation organisée par le consultant sénégalais
ressemble trait pour trait dans sa nature et dans ses objectifs à
celle conçue par leur cliente qui avait entrepris des démarches
pour matérialiser son projet.

Même s’il n’a pas intitulé sa
manifestation "Oscars de Yennenga" mais "Trophées Yennenga
d’or", M. Thiam a exploité une oeuvre protégée par le droit
d’auteur. Pour eux, bien que leur cliente n’ait pas le monopole de
remettre des trophées à des femmes en guise de récompense
de leur mérite, toute personne qui en fait de même au Burkina
exploite l’oeuvre (mais pas l’idée) de leur cliente qui, par mesure
de précaution, l’a déclarée au BBDA. Ce qui n’est pas le cas de
M. Thiam ont soutenu les deux avocats.

De son côté, le Cabinet Moumouni Kopiho qui défend Mayel
Thiam, a balayé les accusations de contrefaçon ou de piraterie
portées contre son client. Pour l’avocat de ce cabinet, la piraterie
est légalement définie comme l’exploitation d’une oeuvre à des
fins commerciales. Ce qui n’est pas le cas de son client qui a
même soutenu avoir organisé la cérémonie à perte en offrant à
boire et à manger gratuitement aux invités (l’entrée était sur
présentation d’une carte d’invitation, précise-t-il).

Préjudices sur trois plans

Dans ses plaidoiries, le Cabinet Bonkoungou/Ouédraogo a
demandé au tribunal de reconnaître le prévenu coupable de
contrefaçon d’une oeuvre protégée. Le cabinet estime que son
client a subi des préjudices sur le triple plan moral, intellectuel
et patrimonial. Pour la cliente qui s’est constituée partie civile, le
cabinet demande des dommages et intérêts de 10 millions de
FCFA pour réparer le préjudice patrimonial, paiement des
honoraires des avocats qu’elle s’est constitués d’un montant de
252 000 F CFA. Le cabinet a également demandé que le tribunal
ordonne la publication du jugement qui sera rendu dans 3
quotidiens de la place.

A la suite du Cabinet Bonkoungou/Ouédraogo, le substitut du
Procureur du Faso a pris ses réquisitions. Il a estimé que les
Oscars de Yennenga bénéficient d’une protection, que Mayel
Thiam a persisté dans l’organisation des Yennenga d’or.
Toutefois, il a demandé la requalification de la contrefaçon en
diffusion et traduction d’oeuvre de l’esprit et de reconnaître le
prévenu coupable de ces faits. Il a terminé ses réquisitions en
demandant sa condamnation à 12 mois de prison avec sursis.

Le Cabinet Moumouni Kopiho, dans ses plaidoiries, a martelé
que les faits reprochés à son client ne constituent pas une
infraction. Son client, a ajouté l’avocat de ce cabinet commis à la
défense de M. Thiam, en organisant les Yennenga d’or n’a fait
qu’améliorer l’habitude qu’il avait d’adresser des félicitations à
des femmes chaque 8 mars quand il était à la Fondation
Entreprendre. En plus, le dépôt d’une oeuvre ne suffit pas pour
qu’elle soit protégée ; il faut en outre qu’elle soit originale a dit
l’avocat qui ne trouve rien d’extraordinaire à récompenser des
femmes méritantes.

Au regard de ces arguments, il a demandé
au tribunal de relaxer son client parce que l’infraction de
contrefaçon n’est pas constituée, établie, avérée. C’est dans une
salle d’audience plongée dans l’obscurité et où il faisait chaud
que le président du tribunal a donné rendez-vous, aux environs
de 19h, aux parties pour le 13 juin prochain pour le verdict.

Par Séni DABO
Le Pays

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