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4e caravane du Sahel : Chez nos ancêtres les Mamprusi

Publié le jeudi 9 juin 2005 à 07h52min

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La 4e édition de la caravane du Sahel a sillonné, du 28 mai au 4 juin 2005, 3 villes du Ghana (Kumasi, Sunyani, Tamale) avec une halte à Gambaga. Cette dernière étape a constitué un retour aux sources sur la terre de Yennenga, l’ancêtre des Mossis.

Cérémonie faste chez le chef des Mamprusis puis chez celui de Gambaga, visite et recueillement sur les tombes de Yennenga et Rialé ont été les moments forts de ce pèlerinage très riches d’émotion et de rappel historique.

Gambaga, village situé dans le nord du Ghana à quelque 200 km du Burkina, a été la dernière étape du séjour de la caravane du Sahel en pays Ashanti. Nous commençons le récit de cette tournée ghanéenne par Gambaga à cause de l’importance que revêt ce village dans notre histoire et principalement celle des Mossis.

C’est un petit village de milliers d’âmes, perché sur un relief accidenté au climat tropical humide. C’est de ce petit village qu’est partie toute l’histoire des Mossis aussi bien ceux résidant au Ghana que ceux qui sont remontés un peu plus au nord pour fonder les royaumes mossis du Burkina. Gambaga dépend, sur le plan de la chefferie traditionnelle, de Nalerigu, un autre village, situé à une dizaine de kilomètres. Ce dernier est habité par des Mamprusis.

Cours d’histoire

L’histoire (Histoire de l’Afrique noire du Pr Ki-Zerbo, p. 248) nous apprend en effet que ces deux villages ont des origines communes, car le chef d’alors des Mamprusi de Nalerigu, "Naa Bawa", et celui des Mossis de Gambaga, "Nedega", ont un ancêtre commun : Gbèwa. Nedega avait une fille, Yennenga, célèbre par sa beauté et son courage.

Les griots disaient d’ailleurs qu’elle était élancée comme un tronc de palmier, ses yeux brillaient comme la matinée éclairée par l’argent se rendant aux funérailles de l’or. Elle était une sorte d’ange de combat, car sa présence semblait attirer la victoire. C’était elle qui portait les vases sacrés lors des randonnées guerrières. Un jour, elle fut emportée par son cheval fougueux dans la forêt.

Là-bas, elle rencontra un chasseur d’éléphants mandé du nom de Rialé. Leur union donna naissance à Ouédraogo (étalon). Ils retournèrent à Gambaga, et c’est Ouédraogo qui fonda le premier royaume mossi : celui de Tenkodogo. Cette visite d’une journée de la caravane du Sahel à Gambaga était donc une sorte de retour aux sources, sur la terre ancestrale. Il y a eu des cérémonies chez l’actuel roi de Gambaga.

"Les Mossis se sont égarés, ils sont revenus sur la terre ancestrale"

Mais avant, il fallait respecter la voie hiérarchique, c’est-à-dire aller saluer d’abord Naa Bohagu II, le chef des Mamprusis, de son vrai nom Mahamah Abdulaï Shériga. Il est le 33e chef de la lignée des Mamprusis et a été intronisé le 26 janvier 2004 après la mort de son père, Abdulaï Mahamadu. Il est le père d’une quarantaine d’enfants avec dix femmes.

La délégation, conduite par le secrétaire général du ministère burkinabè de la Culture, des Arts et du Tourisme, a eu droit à un accueil digne des temps ancestraux : l’eau de bienvenue plus de la cola. Naa Bohagu II effectua une sortie majestueuse qui aura duré plus d’une demi-heure d’horloge.

Il a salué à sa juste valeur la visite de ses hôtes dans sa langue, le Mamprugu, proche du Dagari-Dioula que l’on parle dans le sud du Burkina. Il a insisté sur le fait que les Mossis (il parle en général des Burkinabè) ne viennent pas du Burkina. "Vous êtes revenus chez vous", a-t-il déclaré. Il enchaîna par un flot de paroles que le traducteur, dans sa verve, et emporté par l’ambiance, reprit : "les Mossis sont partis ; ils sont partis, se sont égarés et ils sont revenus aux sources".

Le secrétaire général du ministère de la Culture, Sanhour Méda, très ému par cette cérémonie riche en enseignements, affirmera que la 4e caravane du Sahel aura permis de revoir ou de revivre l’histoire des Mossis et plus particulièrement le retour à Gambaga. Selon lui, la voie est tracée et tous ceux qui ont la possibilité d’effectuer le voyage doivent retourner sur les terres de leurs ancêtres.

Après les mots, place aux festivités. Ce sont les Mamprusis qui donnent le ton en vantant leur culture, dans laquelle prend source celle des Mossis. Puis le chansonnier Kisto Koimbré se met en exergue en chantant les louanges du roi Naa Bohagu II.

La foule qui avait pris d’assaut la devanture du palais royal (Abahu Place) se déchaîne. Les billets de banques pleuvent de partout. Puis le Warba de Mogtédo vient mettre le feu à cette ambiance déjà féerique. Avant de prendre congé, les caravaniers ont reçu un bœuf de la part du chef de Nalerigu.

Vivement un mausolée pour Yennenga

Dès lors la tradition a été respectée, et la délégation burkinabè pouvait maintenant regagner Gambaga. Il était prévu une cérémonie de salutation chez le chef du village et la visite de la tombe de la princesse Yennenga. A l’arrivée, la délégation a eu une séance de travail avec les autorités administratives de Gambaga.

Il s’agissait de jeter les bases de la construction d’un mausolée pour abriter la tombe de Yennenga. L’après-midi était réservé aux festivités culturelles chez le roi de Gambaga. La cérémonie a eu lieu juste à l’entrée du palais royal. Avant que celui-ci ne quitte sa résidence, c’est son Tansoaba, entouré d’une forte garde armée, qui s’installe. Il bénéficie presque des mêmes honneurs que le roi. Chants, louanges et son de bendré envoutent l’assistance.

La délégation burkinabè est logée en face de la porte d’entrée, tandis que le roi et sa suite s’asseyent sur une terrasse qui jouxte la porte d’entrée. Naa Yahayia Bawumia fait sa sortie ; les choses sérieuses peuvent alors commencer. A la différence du chef des Mamprusis de Nalerigu, celui de Gambaga n’a pas parlé. Ce sont les notables qui l’entouraient qui ont souhaité la bienvenue aux visiteurs.

Pas de grand discours si ce n’est l’intervention du SG du ministère de la Culture, M. Méda. Celui-ci a souligné l’importance de la rencontre des peuples, surtout quand ceux-ci ont la même histoire, les mêmes origines. Il dira que "La destinée du monde est extrêmement liée à l’ultime rencontre des peuples". Selon lui, il faut savoir d’où l’on vient et où on va.

Cette visite de courtoisie a été agrémentée par l’ensemble des troupes de la 4e caravane du Sahel à savoir la renaissance Yayori de Sifarasso, la Troupe Fom Tugol, Kisto Koimbré et la Troupe Warba de Mogtédo.

Le moment le plus attendu était la visite de la tombe de Yennenga. Moment plein d’émotion, il l’a été, car il s’est agi de se recueillir sur la tombe de l’ancêtre des Mossis. Sans une décoration particulière, elle est située devant la prison civile de Gambaga. Et en ce lieu, il y a deux tombeaux disposés l’un derrière l’autre.

Certains sages de Gambaga affirment qu’il s’agit des tombes de Yennenga et de sa maman ; d’autres disent par contre que le couple Yennenga-Rialé y serait enterré. Toujours est-il que les plus nombreux sont ceux qui soutiennent la deuxième version, car il existe une autre tombe à côté du marché qui serait celle de la mère de Yennenga.

L’émotion était à son comble. Séances de photos, chants et danses ont mis fin à cette journée mémorable. Il ne reste plus qu’à ériger un mausolée en l’honneur de Yennenga pour que cette contrée devienne un lieu de pèlerinage pour les Mossis. Les pourparlers dans ce sens vont bon train entre les deux pays, et au mois d’août, Burkinabè et Ghanéens doivent se rencontrer pour finaliser l’édification de ce monument.

Kader Traoré
L’Observateur Paalga

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