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Sanctuarisation du sahel burkinabè : Aux grands maux les bons remèdes

Publié le lundi 22 mai 2017 à 17h27min

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Sanctuarisation du sahel burkinabè : Aux grands maux les bons remèdes

Les attaques à répétition des gangs djihadistes dans le Sahel burkinabè, l’insécurité grandissante qui y a causé temporairement le départ massif des agents publics craignant pour leur vie, le report sine die d’une mission de l’Assemblée nationale dont les membres de la commission Défense et sécurité (CODES) souhaitaient apporter du réconfort aux populations et leur assurer le soutien de la représentation nationale, constituent autant de signaux d’alarme sur l’urgence de mesures fortes à prendre pour traduire l’attachement unanime de l’ensemble de la nation à cette portion de la patrie. Il doit être bien clair pour tout le monde que le Burkina ne concèdera plus le moindre mètre carré de son sahel après les amputations subies dans l’Agacher en conclusion du différend frontalier porté devant la Cour internationale de La Haye en 1986.

Bien avant la manifestation de ces violences terroristes, des actes criminels plus dévastateurs que furent l’incendie de l’Assemblée nationale et le saccage de l’hôtel Azalaï Indépendance le 30 octobre 2014 ont d’abord été causés en plein cœur de la capitale. Celle-ci a de nouveau été victime de la plus audacieuse provocation terroriste le 15 janvier 2016 qui a révélé que la barbarie djihadiste pouvait frapper par surprise toute autre cible de son choix.

Après cette démonstration de la vulnérabilité de Ouagadougou, c’est une série noire de localités du Sahel qui ont été endeuillées par des agresseurs pour créer la psychose au sein des populations. Les frères et sœurs du Sahel, Burkinabè natifs ou résidents autant que les non nationaux, méritent donc une attention spéciale : quel réconfort moral et quelle ferveur patriotique susciterait en eux la décision hautement politique de construire le nouveau siège du parlement national à Dori ! Un consensus national doit en être la condition, et il est possible d’y parvenir si la représentation nationale elle-même y adhère profondément.

Pour s’assurer du consentement improbable des seuls opposants potentiels que sont les Bobos du Burkina, les Peulhs pourraient renoncer préalablement à en briguer la présidence, et s’engager à soutenir inconditionnellement toute candidature de leurs alliés par plaisanterie tels que Bognessan YE, Naboho KANIDOUA, Soungalo OUATTARA ou leurs cadets !

Cela représente un renversement considérable des perceptions individuelles et collectives sur cette région « mal-aimée » du Burkina. Cela exigera un renouvellement radical des approches et des attitudes courantes face au caractère hyper centralisé de l’appareil d’Etat. A ce sujet, il convient d’indiquer que le Burkina ne sera pas le premier pays africain où le siège du parlement n’est pas implanté dans la même ville que celle abritant les institutions gouvernementales. Le Bénin voisin et la lointaine Afrique du sud en sont des exemples réussis, où la séparation constitutionnelle des pouvoirs s’observe par ailleurs sur le plan géographique (Cotonou/Porto Novo ; Pretoria/Le Cap), sans entraver le fonctionnement normal de leurs relations institutionnelles.

Il deviendrait, dès lors, indispensable de définir avec rigueur et essentiel de s’accorder le plus largement possible sur les règles de sécurisation et les modalités de facilitation des relations interinstitutionnelles (procédures de contrôle de l’action gouvernementale, techniques de communication institutionnelle et formes de consultation mutuelle). Quels pourraient être les effets et les avantages de cette innovation majeure ?

Le transfert de l’institution parlementaire et des services annexes convaincra les sahéliens de leur pleine reconnaissance comme citoyens burkinabè à part entière, et les motivera à s’intégrer sans réserve dans le processus de consolidation de l’unité nationale. Il permettra de rentabiliser les infrastructures réalisées pour la célébration du 11 décembre 2013 et nécessitera l’ouverture de nouveaux chantiers pourvoyeurs de nombreux emplois décents pour la jeunesse locale.

L’implantation de l’Assemblée nationale à Dori accélèrera la dynamique de développement impulsée par le projet « Pôle de croissance du Sahel », et entraînera une ruée des investisseurs pour désenclaver la région et poser définitivement les « rails » de l’exploitation minière au Sahel. Donner une plus grande autonomie financière à la jeunesse désœuvrée la détournera progressivement des appâts sournois utilisés pour le recrutement des chômeurs dans les rangs des djihadistes.

Le taux d’urbanisation et l’évolution démographique dans la région s’en trouveraient vite rehaussés, attirant le repli de travailleurs du secteur informel qui s’en sortent difficilement à Ouagadougou pour promouvoir la création de petites et moyennes entreprises artisanales ou industries de transformation, stimulant le marché local et améliorant le rang de Dori dans le classement des villes du Burkina. Nombreux sont les témoignages de fonctionnaires qui, après avoir vainement résisté à une affectation dans le Sahel perçue comme une sanction, ont amèrement consenti à en repartir quelques années plus tard.

L’implication des parlementaires dans l’exécution diligente de mesures appropriées pour assurer la réalisation des infrastructures, tout en veillant rigoureusement à la qualité des prestations requises, créera la synergie d’action souhaitable avec d’autres partenaires, tels que les promoteurs du projet « Eau et croissance économique durable au Sahel » par exemple, pour améliorer l’accès universel à l’eau et à l’assainissement, aux services socio-sanitaires et éducatifs, ainsi qu’aux réseaux de distribution d’énergie et de communication électronique.

La nécessité du renforcement des dispositifs sécuritaires pour la protection des élus et des agents parlementaires bénéficiera à l’ensemble de la population et suscitera en retour une meilleure collaboration de celle-ci avec les forces de défense et de sécurité face aux organisations terroristes. Elle pourrait même innover et mettre en place un système endogène de police de proximité pour sanctuariser toute la zone et relancer les activités de l’écotourisme.

Si tout cela advenait, notre parlement pourrait se doter d’un nouvel emblème pour marquer le passage à une nouvelle ère de gouvernance. L’emblème actuel représentant un cavalier montant un étalon dressé sur ses deux jambes arrière et brandissant une lance, semble célébrer la bravoure du guerrier mâle et légitimer la loi du plus fort. Cela est loin de traduire les valeurs de la république post insurrectionnelle au Burkina. Leur mise en exergue pourrait faire plutôt appel à un nouvel emblème suggéré comme suit :

Un baobab géant et bien vert dans son tronc, ses branches et ses feuilles, solidement implanté au milieu d’une plaine latéritique rouge, portant d’abondants fruits jaunes (pain de singe), couvrant de son ombre une assemblée multiculturelle de citoyens reflétant le genre au sein de la nation !

Le discours induit de ce symbole parlementaire est celui d’un système de gouvernance s’inspirant de la tradition africaine de l’arbre à palabre dont la sagesse rappelle que « Se rassembler pour discuter et échanger des idées, ne laboure pas un champ mais permet de régler des problèmes de société. »

Que faire, dès lors, de l’ancien site de l’Assemblée nationale ?

Il convient de saluer la constitution d’un comité d’initiative citoyenne pour la reconstruction de l’Assemblée nationale et sa vision des opportunités offertes par l’insurrection historique des 30 et 31 octobre 2014. Il a réussi à créer un mouvement favorable à la proposition de réalisation d’un complexe parlementaire intégré « Musée de l’insurrection-Nouvel hémicycle » sur les ruines de l’ancienne Assemblée nationale. « L’objectif est d’en faire un symbole fort de la lutte du peuple burkinabè, pour la défense de la démocratie, des institutions, de l’alternance et de la nécessité de respecter scrupuleusement la constitution. »

Sa démarche vise à conserver en l’état « les stigmates de cette violence transformatrice, encore visibles sur les murs noircis de fumée et les fenêtres soufflées de l’Assemblée nationale pour marquer la conscience nationale » ; ainsi « les restes de la bâtisse de deux étages doivent constituer un lieu de mémoire et témoigner du message du peuple souverain et de la demande citoyenne de respect de sa volonté, de la démocratie et de la liberté », peut-on retenir d’une dépêche de l’AFP datée du 28 décembre 2014.

Prenant le contrepied de cette proposition un internaute a réagi le 11 février en ces termes : « Quelle pédagogie pour la postérité ? " Saccager et brûler pour protester ou revendiquer" ? Non, je crois que ce n’est pas avec gaieté de cœur que le peuple a saccagé cet édifice qui est un bien national. Donc cet acte posé par dépit (certes légitime) ne saurait être tout de même une pédagogie de lutte populaire à enseigner aux générations futures. Comme l’a dit le commentateur 4, exploitons de façon utile et optimale nos peu d’infrastructures administratives (d’ailleurs déficitaires). Pour ce qui est de l’immortalisation, on peut par exemple reproduire les ruines de l’AN en miniatures (à l’image des maquettes sur table), et réaliser beaucoup d’images (photos et vidéos) à conserver dans un endroit spécialement aménagé au musée national. Et utiliser le site de notre ex-AN à d’autres fins. C’est plus économique et plus utile ainsi ! »

C’est le lieu de saluer l’esprit de critique constructive qui anime de nombreux concitoyens actifs dans les réseaux sociaux tout en souhaitant que leur exemple fasse tache d’huile et que leurs contributions soient portées à la connaissance de qui de droit en temps utile. Dans l’hypothèse où le transfert du parlement serait retenu, l’ancien site de l’Assemblée nationale pourrait être réaménagé pour servir de siège à une institution de médiation gracieuse comme prévu à l’article 180 de l’avant-projet de constitution. Elle serait de type spécifique, pourrait se nommer « Observatoire autonome de l’éthique/Faso Wemba », reprendre à son compte et cumuler les missions du Médiateur du Faso et du Comité national d’éthique, et ainsi donner plus d’audibilité et de visibilité institutionnelles à ce dernier.

A la différence toutefois de son prototype de composition mixte et présidé par un chef traditionnel, le Ouidi Naaba, l’Observatoire autonome de l’éthique/Faso Wemba se concevrait comme une organisation exclusivement féminine, radicalement apolitique, de structuration pyramidale depuis l’unité villageoise jusqu’au niveau provincial, puis en coordinations régionales et nationale, se fondant sur la conviction qu’éduquer une femme c’est éduquer une nation et sur l’engagement à restaurer l’idéal d’intégrité dans les cœurs des générations futures. Il appartiendra à toutes les femmes qui souffrent de la persécution du droit, de la justice, de la vertu dans le pays de prendre en charge le pilotage de ce programme plutôt que de l’abandonner aux mains des hommes et femmes politiques, toujours aux aguets pour voler au peuple ses victoires. La récupération partisane des luttes populaires ayant abouti à l’insurrection d’octobre 2014 en est la dernière illustration.

Héritier du site de l’ancienne assemblée nationale, l’Observatoire autonome de l’éthique/Faso Wemba devra assumer pleinement la responsabilité de conserver, vivifier et transmettre de mère à enfant le trésor « symbolique, mémoriel, pédagogique, institutionnel et économique » que représente le respect de la souveraineté du peuple et de la primauté de sa volonté face aux prétentions exorbitantes et illégitimes de ses composantes de tous ordres. Un mémorial de l’insurrection populaire d’octobre 2014 sera réalisé dans l’enceinte de l’ancien parlement et pourrait consister en une banderole proclamant « Pouvoir souverain au Peuple uni » portée d’un côté par une mère coiffée du pagne lilipendé et brandissant une spatule, et de l’autre côté par un jeune garçon au torse nu, serrant un sifflet dans sa bouche et brandissant de l’autre main libre un balai.

Cet hommage aux héros de l’insurrection viendrait ainsi constamment rappeler à tout visiteur ou citoyen de passage que :

-  Les élus nationaux comme locaux sont avant tout des délégataires du peuple et non des vassaux de leurs leaders politiques
-  la cohésion sociale doit rester la boussole intérieure de tout acteur politique dans le Faso.

L’agrément de cette projection sociologique permettrait incidemment de réorienter le débat actuel sur le statut de première dame. Quelle pertinence aurait-il si une femme venait à être élue à la tête de l’Etat ? Quelle formule devrait-on promouvoir le jour où le président du Faso serait un veuf ou un divorcé non remarié, voire un célibataire à vie ? Reconnaître la dignité de premier magistrat au président du Faso et accorder l’honneur de première citoyenne à la coordinatrice nationale de l’Observatoire autonome de l’éthique / Faso Wemba constitueraient un dispositif toujours pertinent !
Que DIEU nous soit en aide !

Jean Claude SOMDA

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