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Quel projet de société et quel référendum faut-il au Burkina ? : Jean Claude Somda propose

Publié le mercredi 12 avril 2017 à 23h43min

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Quel projet de société et quel référendum faut-il au Burkina ? : Jean Claude Somda propose

La gestion de la cité est une chose si importante qu’on ne saurait la concéder aux seuls leaders, militants, partis et formations politiques. La démarche de consultation transparente initiée par les commissaires constitutionnels en vue de la plus large participation possible des citoyens à la finalisation de l’avant-projet de Constitution de la Ve République est à saluer. En vertu du principe que « Tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits et en devoirs envers la patrie », chaque ressortissant peut revendiquer le droit de s’impliquer dans la dynamique en cours. Participer à « oser inventer l’avenir », au nom de son intérêt à offrir des réponses adéquates aux exigences d’une refondation nationale, fait du citoyen un engagé pour le « salut du peuple ».

Une première exigence de la refondation consisterait à mettre au premier plan la fonction de structuration de l’opinion publique par les partis et formations politiques. Leur interpellation directe sur le processus et les différents enjeux de la réforme constitutionnelle devrait leur donner l’opportunité de s’exprimer sans ambigüité à travers diverses formes de communication politique (articles dans la presse, émissions radiophoniques et télévisuelles, conférences publiques et meetings populaires), pour clarifier leurs positions respectives.

L’option du multipartisme intégral a souvent conduit à casser les familles, à diviser les villages, à opposer les communautés à la base, à prendre en otage les opportunités de développement au niveau régional et national. Les multiples conflits liés aux élections municipales de 2016 ont malheureusement donné de le constater sans que les raisons en soient toujours objectives, encore moins convaincantes. Dès lors, il faut avoir le courage de le rejeter dans son format actuel et chercher à en règlementer le fonctionnement, car le Burkina n’a nullement besoin d’autant de partis politiques reconnus à ce jour auprès de l’Administration territoriale et se réclamant souvent des mêmes références idéologiques, à savoir communistes, écologistes, indépendants, libéraux, sankaristes, socialistes, socio-démocrates.

Une rationalisation devrait consacrer la reconnaissance légale de 15 partis au plus, soit les trois partis arrivés en tête dans chacun des cinq regroupements ci-après. Leur classement pourrait résulter des suffrages recueillis sur l’ensemble des consultations électorales tenues depuis l’an 2000. Elle pourrait aussi se fonder sur la prochaine consultation référendaire dont l’organisation prendrait alors en compte leur différenciation idéologique à travers l’adoption des couleurs symboliques suivantes :

Cet exercice de décantation et de clarification du paysage politique est une marque de considération autant qu’un service patriotique que politiciens et politologues sont conjointement appelés à témoigner aux populations encore livrées à diverses formes de manipulations communautaristes, obscurantistes et politiciennes abusivement assimilées à la liberté d’expression démocratique. Au Burkina, la division n’est pas la maladie infantile du seul sankarisme, elle affecte tous les courants idéologiques. Comment donc des leaders impuissants à coopérer pour le triomphe d’une vision censée partagée sauraient-ils rassembler, au-delà de leurs chapelles respectives, pour bâtir le Faso, c’est-à-dire la patrie, la nation-famille ? Mais alors, quel devrait être l’objet de la consultation référendaire ? Quel pourrait être le critère d’évaluation des acteurs politiques ?

Le plus gros enjeu dans les circonstances présentes n’est pas de se déterminer pour ou contre un document d’avant-projet de constitution, mais d’apprendre du peuple souverain quel est le qu’il rêve par rapport à son identité désirable et de porter au grand jour, par le même moyen, les motivations respectives des forces politiques en compétition.

Conférer le nom Burkina Faso à l’ancienne Haute-Volta était pour ses fondateurs un projet d’existence nationale authentique. Portés par une dynamique de sacrifice et d’exigence, ils considéraient qu’ « un voleur devrait avoir honte de se présenter comme Burkinabè ». Et Thomas SANKARA à ce propos se consolait en ces termes : « Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il peut s’asseoir et écrire son bonheur, il peut dire ce qu’il désire, et, en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur. » Aujourd’hui, le peuple continue-t-il de refléter la même image et de démontrer la même aptitude ? Différents témoignages obligent d’en douter.
Vingt ans après l’assassinat du leader de la Révolution, le Comité national d’éthique dans son rapport officiel collectif 2007 constatait :

« L’impunité, la politisation, la corruption engendrent des frustrations et aboutissent à des révoltes, c’est-à-dire, au non-respect des règles, au rejet de l’autorité et de ce qu’elle représente. C’est le terreau de l’indiscipline et de l’incivisme. Elles substituent aux valeurs positives d’autres valeurs qui sont à l’opposé de la morale comme l’argent et la position sociale. C’est par elles que surviennent les dysfonctionnements et les fractures sociales les plus graves ».
Dans l’Observateur Paalga du 21 juillet 2013, la lettre pastorale des évêques du Burkina Faso déplorait ceci :

« En ce qui concerne les valeurs, l’analyse est celle d’une société dans laquelle l’appétit est orienté moins vers le savoir que vers l’argent, devenu une valeur de référence au-dessus de la famille, de la nation, de la République et de Dieu. L’argent est aujourd’hui un véritable maître, une divinité idolâtrée par une jeunesse largement assoiffée de biens matériels et prête à tout pour s’en procurer ; cette divinité inocule le poison de la corruption dans le corps social à telle enseigne que la corruption est devenue aujourd’hui une culture administrative aux pratiques banalisées. A côté de cette déliquescence des valeurs morales et éthiques qui touche toutes les couches de la société, il y a lieu de souligner le paradoxe de la religiosité dont est saisie la société burkinabè. Un paradoxe dans la mesure où la montée en puissance de la pratique religieuse ne s’accompagne pas d’une exigence à conformer les comportements sociaux aux préceptes et commandements religieux. Ne risque-t-on pas là de verser dans une pratique quantitative et formaliste de la religion qui se satisfait du paraître et qui se contente des apparences sans lien avec les exigences éthiques des vécus sociaux ? »

Dans sa livraison du 3 septembre 2015, Les Echos du Faso renchérissaient en ces termes :
« Si nous avions tant la crainte de notre Dieu, si nous faisions tant confiance à notre Dieu, qu’il soit animiste, musulman ou chrétien, le monde se porterait mieux. Car nous sommes des pécheurs et des criminels en puissance qui souillons le nom de Dieu en blasphémant. Nè Wendé ! De quel Dieu le Burkinabè parle-t-il ? »
Ainsi donc, année après année, le constat de parjure collectif des Burkinabè s’est fait de plus en plus alarmant sans toutefois déclencher de sursaut moral salvateur. Or, comme nous l’enseigne le verset 11 de la Sourate 11 du Coran : « … En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple tant que les individus qui le composent ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes... ».

Voilà donc le peuple interpellé à s’examiner individuellement et collectivement, puis à se prononcer librement, sans faux fuyant, sur son identité désirable. Cette introspection basée sur le vécu quotidien devrait être menée dans la vérité, avec l’accompagnement honnête des autorités coutumières et religieuses et permettre à chaque électeur de se prononcer, en son âme et conscience, sur l’orientation qu’il veut imprimer au devenir de la nation confrontée à cet impérieux dilemme :

Tableau comparatif des deux voies

L’enjeu de cette éventuelle consultation référendaire serait de réaliser un fort taux de participation électorale dégageant une majorité incontestable à même de légitimer l’instauration immédiate d’une dictature soit de l’intégrité, soit de l’impunité. Chaque parti ou formation politique déciderait en congrès quelle cause soutenir au cours de la campagne référendaire, et se doterait, à cet effet, d’une charte de gouvernance publique comme engagement politique collectif à mettre en œuvre une fois le pouvoir conquis. Les partis en compétition seraient regroupés par famille idéologique et classés par ordre de représentativité, c’est-à-dire le nombre de suffrages le plus élevé dans le nombre de circonscriptions le plus diversifié.
Tout parti qui y faillirait se disqualifierait automatiquement pour toujours et devrait se dissoudre légalement. Tout parti classé au-delà des trois premiers de sa famille idéologique devrait soit fusionner avec l’un des lauréats, soit se dissoudre et disparaître à jamais.

Comme les populations inclinent à être le reflet de leurs dirigeants, il est vraisemblable que les ravages de la corruption endémique qui désole le pays ne laissent que peu de chances de voir triompher l’idéal d’intégrité. Le défi vaut cependant d’être lancé et relevé par la minorité de ces citoyens intègres qui honorent la patrie et dont les vertus pourraient déjouer les pronostics, comme ce fut le cas avec la ville exemplaire de Ninive rapporté dans le livre de Jonas en ces termes :
« Jonas pénétra dans la ville ; il y fit une journée de marche. Il prêcha en ces termes : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. » Les gens de Ninive crurent en DIEU ; ils publièrent un jeûne et se revêtirent de sacs, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. La nouvelle parvint au roi de Ninive ; il se leva de son trône, quitta son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre.

Puis l’on cria dans Ninive, et l’on fit, par décret du roi et des grands, cette proclamation : « Hommes et bêtes gros et petit bétail ne goûteront rien, ne mangeront pas et ne boiront pas d’eau. On se couvrira de sacs, on criera vers DIEU avec force, et chacun se détournera de sa mauvaise conduite et de l’iniquité que commettent ses mains. Qui sait si DIEU ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point ? DIEU vit ce qu’ils faisaient pour se détourner de leur conduite mauvaise. Aussi DIEU se repentit du mal dont IL les avait menacés, IL ne le réalisa pas ».

Le Burkina est à la croisée des chemins, puisse-t-il faire le bon choix, en se fondant sur ces vérités universelles :
« Quand les justes se multiplient, le peuple est en liesse ; quand les méchants dominent, le peuple gémit » Proverbes 29.2
« Quand les méchants arrivent au pouvoir, les crimes se multiplient, mais les justes seront témoins de leur chute » Proverbes 29.16.
Que Dieu garde et protège le Burkina !

Jean Claude SOMDA.

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Vos commentaires

  • Le 13 avril 2017 à 05:20, par tengen-biiga En réponse à : Quel projet de société et quel référendum faut-il au Burkina ? : Jean Claude Somda propose

    Chapeau M’ sambiiga !
    Que d’hommes valeureux regorge ce pays !
    Je salue cette analyse profonde, audacieuse, désintéressée...
    Je m’incline devant cette interpellation en phase avec la nouvelle posture de la jeunesse active du Burkina Faso.
    Je crois (et j’y travaille) à un Burkina Faso prospère qui retrouve les valeurs qui cimentent les familles, les entreprises, la société et rendent les personne heureuses.
    Norbert Zongo n’a t-il pas dit : "le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais mais le silence des hommes biens".
    Travaillons plus et Agissons plus dans le sens du bien de tous !

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