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Lutte contre le terrorisme au Burkina : « Je souhaite que le ministère de la Défense soit exceptionnellement occupé par un officier supérieur à la retraite », Saidou Sawadogo

Publié le mardi 11 avril 2017 à 21h00min

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Lutte contre le terrorisme au Burkina : « Je souhaite que le ministère de la Défense soit exceptionnellement occupé par un officier supérieur à la retraite », Saidou Sawadogo

La tribune ci-dessous est une lettre ouverte au Président du Faso sur la problématique de la lutte contre le péril islamiste au Nord du pays. Elle porte la griffe de notre compatriote Saidou SAWADOGO, étudiant en 3e année à City university of New York aux Etats-Unis. A travers cet écrit, il livre sa perception de la menace et des propositions pour réussir à endiguer le fléau.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

La situation que vit notre pays est très préoccupante. En effet, de mémoire d’homme, cette situation est sans précédent. Le Nord est menacé par les djihadistes qui terrorisent la population et fragilisent l’existence de l’État. Personnellement, je pense que vous Président du Faso, le Président de l’Assemblée nationale, le Chef de file de l’opposition politique burkinabè(CFOP), les forces vives ainsi que tous les citoyens des villes et des campagnes du Faso doivent se mettre ensemble pour trouver une réponse nationale à cette gangrène pour sauver le pays.

Un proverbe dit que c’est celui qui se trouve dans la case qui sait par où l’eau s’infiltre. La principale force dans cette lutte est la population locale en première ligne avec les forces de défense et de sécurité. De un, elle maîtrise la zone plus que quiconque, et de deux, elle est à même de proposer à l’État la meilleure méthode de lutte. Par conséquent, une organisation de la population locale s’impose. Une sorte de conférence du Nord impliquant tous les Burkinabè de cette partie du pays doit se tenir pour dégager des mesures fortes de lutte et une collaboration étroite de toutes les forces vives de la zone mettant chacun devant sa responsabilité serait la bienvenue.

Cette conférence loin d’être une occasion de velléité régionaliste doit mettre les acteurs de la sécurité étatique face à ceux-là même qui connaissant bien la zone, connaissent aussi ses problèmes. Quoi que l’on dise, il y a des citoyens burkinabè parmi les terroristes et cela doit nous interpeler tous. Je ne suis pas de ceux qui pensent que ce sont les spécialistes du feu qui sont efficaces pour éradiquer le fléau. Je suis de ceux-là qui pensent que la sécurité du lieu est avant tout le combat des acteurs locaux avant d’être celle des FDS. Les terroristes ne sont ni des fous ni des malades. Un fou ou un malade ne peut pas planifier savamment des attaques comme celles qui ébranlent notre pays dans sa partie nord depuis un certain temps. L’heure est au grand rassemblement pour l’étouffer et je fais confiance à mon pays et à ces FDS. Ces terroristes même s’ils sont constitués de criminels et des narco-trafiquants qui n’ont rien à voir avec la foi islamique, il y a « aussi » dans leurs rangs des fils du Burkina Faso et ils maitrisent bien le terrain mieux qu’un commando, fut-il issu des forces spéciales russes ou des navy seals. Ce sont des gens intelligents comme nous.

Loin de moi une quelconque intention de faire l’apologie des terroristes. Je voudrais seulement que l’on les prenne très au sérieux, car cela permettra de bien en finir avec cette "chose". La lutte contre le terrorisme est une délicate mission et je ne souhaiterais pas que le Burkina tombe dans la paranoïa comme d’autre pays. Notre combat contre le terrorisme ne doit pas être spectaculaire. Il doit se mener loin des écrans et des réseaux sociaux. Pour espérer venir à bout des effets, il faut supprimer les causes. Le terrorisme prospère parce que nous avons échoué dans certaines de nos politiques publiques et une révision de ces politiques peut contribuer à réduire un tant soit peu la virulence du phénomène. Nous pouvons peut-être impliquer les intellectuels musulmans dans la transmission du message divin. L’ignorance de l’islam est ambiante dans certaines parties du pays d’où la facilité à endoctriner certains citoyens.

Nos docteurs musulmans doivent de temps en temps quitter les grands centres urbains pour transmettre le vrai message divin et cela est du devoir de l’Etat. Il est établi que l’on ne peut pas empêcher les citoyens burkinabè de croire en leur Dieu Créateur ; donc, au lieu de reculer, l’Etat doit accompagner les différentes confessions religieuses dans la pratique de leur foi. C’est un service public que l’Etat a l’obligation d’assumer maintenant. Avec l’accompagnement de l’Etat, les intellectuels musulmans pourraient être mis à profit pour éviter que les prêcheurs de la pensée radicale n’aient pas du terrain. Lorsque nous leur laissons le terrain alors que la demande est évidente, ils vont l’occuper. Surtout, il faut éviter de tomber dans la phobie des religions comme cela a cours dans certains pays de l’Occident.

Le Burkina Faso n’est pas un État laïc à l’européenne, il est un État laïc à la burkinabè. C’est à dire un État multi-religieux et il faut faire avec. Le parallèle que certains intellectuels veulent établir avec ce qui se passe en ailleurs est inadmissible. Les pays occidentaux ont imaginé leurs États en tenant compte de leurs réalités. Le Burkina est un pays où dans la croyance populaire, Dieu a toujours eu sa place. Si les Burkinabè veulent pratiquer leur foi, il revient à l’Etat de les accompagner et de les encadrer au lieu de dire que ce n’est pas prévu par les textes. Chaque fois nous terminons nos discours en demandant à Dieu de bénir le Burkina Faso. Alors voudrions-nous le mettre à la porte ?

Un journaliste ivoirien a dit que le futur problème du Burkina Faso sera les réseaux sociaux et je pense qu’il n’a pas tort. L’opinion publique burkinabè ne se trouve pas forcément dans les réseaux sociaux. En plus, je crois qu’une régulation des réseaux sociaux s’impose dans notre pays. Toutefois, je reconnais que certains activistes sont animés de bonne foi et ils participent à l’éveil de l’opinion publique. Il appartient donc à l’Etat d’adopter une loi en la matière et de mettre en place un organe de régulation et de formation des web activistes. En procédant ainsi, l’on met en place un mécanisme d’imputabilité qui oblige chacun à répondre de ses posts.

L’organisation du secteur sera un bonus pour la démocratie burkinabè. Sinon pour l’heure, le libertinage ambiant dans les réseaux sociaux est source de tension pour un pays qui a besoin de se réconcilier. Il faut aussi faire en sorte que les jeunes burkinabè qui font de longues études arabes puissent avoir des perspectives d’employabilité dans notre pays pour une question de justice. Nous avons des docteurs et des titulaires de diplômes de troisième cycle qui ne peuvent rien espérer de l’Etat. Même si la question du chômage est générale, la perspective de pouvoir intégrer le système professionnel étatique est source d’espoir et l’espoir fait vivre. Notre système calqué sur des modèles étrangers a fait des nombreux laissés-pour-compte qui sont pourtant des intellectuels. Condamné à exercer la « profession de prêcheur », leur situation personnelle peut influencer la teneur de leurs discours. Le Burkina Faso doit cesser de faire comme les autres pour ne faire que ce qui est en adéquation avec ses réalités.

En outre, et du point de vue militaire, l’on pourrait multiplier les effectifs des jeunes enrôlés dans l’armée dans la zone nord du pays. Nous pouvons sauver des vies en travaillant à transformer le Nord en zone de concentration militaire pour ne laisser aucun répit à ces terroristes. Cela permettra d’atteindre deux objectifs. D’une part, en faisant cela, on réduit le chômage, et d’autre part, nous aurons dans les rangs des Forces Armées Nationales beaucoup d’hommes qui connaissent le terrain et ses réalités. Cela suppose que l’on relève l’âge de recrutement dans la région. En un mot, il faut fortement militariser la région. A circonstances exceptionnelles, législation exceptionnelle.

Toujours dans le volet militaire, il faut qu’il y ait la cohésion au sein de nos FDS. Il faut que les différents corps arrêtent de se stigmatiser, les uns comme des forts et des privilégiés, les autres en faibles et exploités. Il faut que militaire, policier et gendarme se respectent mutuellement et se considèrent comme des enfants d’une même mère, des frères d’armes. Dans la même lancée, il faut examiner le problème des militaires et des policiers radiés, car le pouvoir de Blaise Compaoré en voulant ramener de l’ordre n’a pas géré convenablement la question et il semble que beaucoup des radiés ne sont que des victimes alors que certains qui sont sensés être sanctionnés circulent librement au sein de nos FDS. Pour corriger cette injustice, la solution serait, Monsieur le Président, l’annulation de ce simple décret de radiation des 1300 FDS et leur réintégration afin de les impliquer convenablement dans la lutte contre le fléau. En faisant cela, vous redonnerez espoir à ces nombreuses familles qui souffrent impunément depuis 2011.

Excellence Monsieur le Président, la réforme de l’ensemble de nos FDS est plus que nécessaire. Il faudrait faire cesser les luttes hégémoniques entre nos FDS. Pour cela, des stages mixtes s’imposent et cela va leur permettre d’apprendre à se connaitre mutuellement. Aujourd’hui, les rapports entre nos FDS sont empreints de mésententes et d’humiliation alors qu’une relation d’harmonie et de complicité entre eux constituerait une force nationale dans la lutte contre le terrorisme. Qu’aucun ne profite de la faiblesse de l’autre pour le déstabiliser et l’humilier aux yeux du citoyen. La nation n’a rien à tirer des luttes intestines de nos FDS. Une révision des textes des différentes composantes de nos FDS est nécessaire, car cela permettra d’avoir une vision globale de la sécurité nationale. A cela, doit s’ajouter une remise à niveau de leur formation. La formation doit être centrée sur ce qui unit nos FDS et non sur ce qui les divise. Au lieu que chaque force vante ses forces et dénigre les faiblesses de l’autre, tous les corps doivent avoir une vision commune de la défense nationale. Leur spécificité doit être perçue comme une somme de valeurs pour le Faso.

Excellence Monsieur le Président du Faso, vous avez la chance d’avoir un peuple intègre et une jeunesse ambitieuse. La jeunesse burkinabè aime son pays et est prête à se battre pour sa sécurité. Toutefois, la jeunesse n’est pas naïve et elle attend de vous des décisions objectives sans parti pris. La jeunesse attend de vous de bons exemples, de bonnes leçons et elle se battra lorsqu’elle sera convaincue que l’engagement des autorités l’est pour l’intérêt supérieur de la nation. La jeunesse a pendant longtemps été exploitée et elle est fatiguée de l’être. Cela l’a rendue suspicieuse certes, mais elle ne demande que le respect pour relever une fois de plus le défi auquel fait face le pays. Je suis persuadé qu’un appel patriotique lancé à l’endroit de la jeunesse va rencontrer une massive mobilisation au profit des services sociaux du Nord. Ceux qui désertent leur poste au Nord n’ont pas tort, mais ils n’ont pas non plus raison. Nous aimons notre pays et nous n’allons le laisser à personne. Mais tout cela dépend des autorités de notre pays.

Excellence Monsieur le Président, votre prédécesseur a échoué, car il n’a pas toujours promu la compétence, mais les affinités, et cela a été préjudiciable à lui et à la nation.

Excellence Monsieur le Président, ça été un immense plaisir de vous suivre pendant votre conférence lors de votre passage aux Etats-Unis. Vous avez montré aux Burkinabè que nous sommes, et aussi aux autres communautés africaines, que vous êtes attentif aux expatriés. Le plus salutaire fut le fait que les questions aient été directes et non présélectionnées comme certains chefs d’Etat ont l’habitude de le faire. Ce fut une opportunité pour nous de vous questionner sur votre programme et votre bilan.

Dans votre esprit d’ouverture, je vous félicite de votre décision de faire en sorte que la justice vienne avant la réconciliation. Le peuple a été plusieurs fois dupé et c’est pour cela qu’il n’est pas toujours tendre à votre égard. Je vous encourage donc à mettre à profit les pouvoirs que vous tenez de par la Constitution pour que la justice soit rendue à ceux qui attendent depuis longtemps. A vraie justice, vraie réconciliation et dans l’esprit des Burkinabè ; la bonne justice est l’antichambre de la bonne réconciliation. Mais l’inverse n’est qu’un leurre. Il est vrai que la justice est indépendante au Burkina Faso et cela a toujours été le vœu du peuple, mais à la fin de votre mandat, nous vous jugerons sur ce que vous aurez fait ou non fait en matière de justice. En effet, vous avez le devoir de garantir la justice à tous les habitants du Faso. Pour cela, l’on se préoccupera peu de ce que les juges auront fait ou pas. Tout va retomber sur vous.

Excellence Monsieur le Président, le gouvernement dans son ensemble est exclusivement composé de civils. Cela reflète votre volonté et c’est ce qui est courant dans les grandes démocraties. Toutefois, je souhaite que le ministère de la Défense nationale soit exceptionnellement occupé par un officier supérieur à la retraite, ne serait ce que provisoirement. Notre armée a traversé une dure épreuve et une réconciliation doit être opérée en son sein. La vision que cet homme aura doit non seulement être conforme à la vôtre, mais elle sera également celle d’une personne de la maison qui nécessairement la connait mieux qu’un civil. A l’image de ce qui se passe dans l’enseignement supérieur et à la différence que c’est une personne qui n’est plus en activité, un officier supérieur à la retraite, faisant l’objet d’un large consensus, peut relever les défis de l’armée burkinabè pour le bonheur de tous.
Que le Dieu des adeptes de la religion traditionnelle, des musulmans et des chrétiens bénisse le Burkina Faso, pays des Hommes intègres.

New York, (Etats Unis d’Amérique), le 27th March, 2017
Saidou SAWADOGO, Etudiant en 3ème année à city university of New York (Queens College).
Addresse : 1303 Bergen Street apt#1 Brooklyn NY, 11213
Téléphone : +1 347 845 7763
Citoyen Burkinabè
Jeune militant du MPP (Section New YORK).

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