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Bassin du Lac Tchad : Poser les bases de la paix et la consolider

Publié le lundi 10 avril 2017 à 14h28min

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Bassin du Lac Tchad : Poser les bases de la paix et la consolider

Lors de ces vingt dernières années, juste avant 2015, la région ouest- africaine a réalisé des progrès notables en matière de réduction de la proportion de personnes souffrant de la faim (en baisse de 60 pour cent) se rapprochant ainsi de l’Objectif du millénaire pour le développement durable.

Aujourd’hui, pourtant au Nigéria, l’un des pays ayant enregistré les meilleurs résultats pendant cette période, nous constatons une grave crise de la faim. Les souffrances liées à la faim se répandent rapidement dans les régions du nord-est du pays où la guerre civile provoque des déplacements de population et empêche les agriculteurs de cultiver et de produire.

Il y a de fortes possibilités que la tendance sur les progrès réalisés récemment s’inverse et que l’on assiste à une régression de la situation. Il devrait être hors de question que les efforts fournis soient vains.

C’est dans ce contexte particulier, que j’ai choisi de me rendre dans la région du Bassin du Lac Tchad, pour sensibiliser sur l’urgence de renforcer notre intervention face aux défis rencontrés. Jusqu’à présent, le manque d’attention et l’inadéquation des interventions n’ont fait qu’amplifier ces défis.

La crise qui prévaut dans le Bassin du Lac Tchad (constitué de plusieurs régions du Nigéria, du Cameroun, du Tchad et du Niger) est actuellement l’une des plus importantes crises humanitaires au monde, avec 11 millions de personnes ayant besoin d’aide. Parmi eux, 69 millions de personnes sont confrontées à une situation d’insécurité alimentaire grave sans oublier les 2, 5 millions de déplacés dans le même cas. Il s’agit de la deuxième plus importante crise de déplacement au monde.
Il est important de garder à l’esprit que cette crise dans la région sahélienne est multidimensionnelle et trouve ses racines dans des problèmes liés à la sécurité, à l’humanitaire, au changement climatique et à l’économie.

Venir en aide aux pays affectés en consolidant les processus de pays tout en faisant face à l’urgence humanitaire est la priorité.

Dans l’Etat de Borno, au Nigéria, le nombre de personnes en situation de crise devrait augmenter pour atteindre les 3,6 millions en août, soit presque le double l’année dernière. Dans le nord-est du Nigéria, plus de 5,2 millions de personnes auront besoin d’une aide alimentaire pendant la période de soudure. De plus, 2,4 millions de personnes ont quitté leur domicile en raison de l’insécurité. Le secteur agricole a subi d’énormes dégâts (infrastructures, systèmes d’irrigation, lieux de stockage et services de vulgarisation) dans les trois zones affectées du Nigéria, du nord du Cameroun, du sud-est du Niger et de l’ouest du Tchad.
Nombreux sont ceux à avoir déjà vendu leurs biens, dont leurs semences, leurs outils et leur bétail, pour survivre.

Le soutien immédiat aux moyens d’existence contribue à ce que les besoins alimentaires essentiels soient satisfaits à court terme. Mais il s’agit uniquement de la première étape pour changer la donne actuelle qui force les agriculteurs à épuiser leurs moyens d’existence et entraine de graves souffrances dans les zones affectées.

Le cercle vicieux de la pauvreté doit être interrompu, et dans cette optique, nous devons nous assurer que les populations vulnérables ont la possibilité de récolter et de reconstruire leurs stocks alimentaires cette année. Si nous ne réussissons pas à restaurer la production alimentaire maintenant, les souffrances liées à la faim s’aggraveront et se généraliseront tandis que la dépendance à l’aide extérieure s’intensifiera.

Il est temps d’agir, et maintenant. En plus de la nourriture, les agriculteurs ont besoin de semences. Il y a un mois, la communauté humanitaire s’est réunie à Oslo pour lever des fonds pour le Bassin du Lac Tchad. Là-bas, la saison de plantation commence dans moins d’un mois.

L’agriculture ne peut être pensée furtivement. Plus de 80 pour cent des personnes dépendent de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage pour leurs moyens d’existence.
Les progrès impressionnants réalisés dans le passé ont pu l’être grâce à des années de programmes de développement agricole progressifs. Nous devons nous assurer que ces progrès ne sont pas réduits à néant par la crise actuelle.

Nous devons protéger les biens et les moyens d’existence des agriculteurs et des éleveurs non seulement aujourd’hui mais également pour demain et pour les années à venir. Cela implique un renforcement de la résilience à long terme.

Il est nécessaire d’adopter une approche holistique pour lutter contre les principaux facteurs de la faim, à savoir une production alimentaire limitée, le prix élevé des produits alimentaires, les déplacements de population, une croissance démographique et la concurrence pour les ressources naturelles.

Le manque d’accès pour les services sociaux de base (santé, eau, éducation) et aux programmes de protection sociale vont obligatoirement menacer la vie de millions de personnes vivant dans une région déjà très vulnérable aux chocs. Le changement climatique, en particulier, pose un risque sur cette région exposée aux sécheresses et aux inondations.

La FAO lance une stratégie de réponse sur trois ans (2017-2019) afin d’atténuer l’impact de la crise et de renforcer la résilience et la sécurité alimentaire des communautés du Bassin du Lac Tchad affectées par le conflit.

La FAO continuera à soutenir les pays de la région et travaillera en collaboration avec les institutions régionaux tels que le CILSS – le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel, la Commission du Bassin du Lac Tchad, les agences des Nations Unies et autres partenaires humanitaires et au développement.

La FAO associe son intervention d’urgence (dont fait partie la distribution de semences) à des priorités programmatiques à moyen terme visant à promouvoir des moyens d’existence viables et la diversification tout en réduisant la vulnérabilité et les risques. Il sera également question de chercher à prévenir les conflits.
La résilience des moyens d’existence ruraux est essentielle pour faire du développement durable une réalité et s’assurer de la productivité de l’agriculture et des systèmes alimentaires tout en prenant compte des risques.

Les agences des Nations Unies ont également entrepris des efforts afin de maximiser l’impact de leurs interventions. L’aide alimentaire et les transferts d’argent par le Programme alimentaire mondial permettent aux ménages de protéger leurs semences tandis que les distributions d’outils, d’engrais et de semences par la FAO facilitent la production agricole des petits exploitants.

La crise est complexe et par conséquent, la route vers le développement durable l’est aussi. Pour faire face efficacement aux impacts économiques, sociaux et environnementaux de manière cohérente, nous devons adopter une approche régionale, intégrée et complète dans laquelle les acteurs nationaux sont en ligne de front.

La FAO s’efforce de jouer un rôle afin de contribuer à une évolution historique, axée vers le progrès.

La paix et la sécurité sont nécessaires et améliorer la résilience des populations vulnérables dans le Bassin du Lac Tchad peut non seulement aider à y parvenir mais sera crucial pour la maintenir à l’avenir.

Par José Graziano Da Silva*
* Le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

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