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Non application de la loi antitabac : « Si l’industrie du tabac ne veut pas respecter cette loi, c’est de l’incivisme », Salif Nikiema, Coordonnateur de ACONTA

Publié le jeudi 6 avril 2017 à 23h28min

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Non application de la loi antitabac : « Si l’industrie du tabac ne veut pas respecter cette loi, c’est de l’incivisme », Salif Nikiema, Coordonnateur de ACONTA

La Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) en partenariat avec l’Afrique contre le tabac (ACONTA) et bien d’autres partenaires ont conjointement animé une conférence de presse ce jeudi 6 avril 2017, à Ouagadougou. A l’ordre du jour, les dangers du tabagisme et la non application des textes antitabac relatifs à l’apposition des avertissements sanitaires graphiques sur les paquets de cigarettes par la Manufacture burkinabè de cigarettes (MABUCIG).

Cause d‘impuissance sexuelle, de lésions fœtales, de certaines maladies cardiovasculaires, de maladies respiratoires primaires et des cancers, le tabagisme, au pays des hommes intègres tout comme au plan mondial tue en silence et les chiffres parlent seuls. Environ 600.000 décès prématurés par an pour le tabagisme passif, plus de 5 millions de victimes par an, avec un nombre de décès qui pourrait dépasser les 8 millions par an d’ici 2030.

C’est ce triste constat qui a incité la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), en partenariat avec l’Afrique contre le tabac (ACONTA), le Réseau des journalistes antitabac du Burkina Faso (REJAT-BF) et l’Union des associations contre le tabac (UACT), à donner de la voix pour que la loi s’applique. Cela pour circonscrire les conséquences du tabagisme sur la vie des populations et sur le développement économique et social du pays des hommes intègres.

Le tabagisme, un fléau

Pour Pierre Nacoulma, président de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB, la lutte contre « ce fléau qui décime à petit feu la portion la plus active de nos populations », plus que d’actualité, est une question de santé publique. D’où son engagement avec ses structures dans les treize régions du pays à travers le plan d’action de lutte antitabac qu’elle a élaborée. L’occasion faisant le larron, il est revenu sur un certain nombre de points qui ont marqué des étapes de cette lutte.

En effet, le Burkina Faso fait partie des 180 pays qui ont ratifié la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac (CCLAT) dont l’objectif majeur est de « réduire la prévalence du tabagisme et protéger ainsi les générations présentes et futures des effets sanitaires, sociaux, environnementaux et économiques dévastateurs de la consommation de tabac et de l’exposition à la fumée du tabac ».

Naturellement, par la suite, une loi anti-tabac a été adoptée et ses textes d’application pris, de même qu’un arsenal juridique. En partie, il s’agit de l’interdiction de fumer dans les lieux publics ; des contrôles des emballages du tabac ; du contrôle de la vente aux mineurs. Sans compter la mise en place du Plan stratégique de lutte contre le tabac, ainsi que l’intégration de la lutte contre ce fléau dans le Plan de développement sanitaire et dans le Plan national de développement économique et social (PNDES).

Malgré tout cela, regrettent les conférenciers, le danger demeure. Cela, à cause de l’insuffisance d’application des textes antitabac existants ; de l’insuffisance de la collaboration intersectorielle ; du faible niveau d’information du public sur les textes antitabac existants ; de l’insuffisance des ressources humaines et financières pour la lutte anti-tabac. Mais surtout de l’interférence de l’industrie du tabac à toutes les étapes de la législation anti-tabac.

Ce qui explique peut-être le troisième report du procès qui oppose le ministère de la Santé à la MABUCIG au sujet de l’application de l’arrêté conjoint N°2015-366/MS/MICA du 7 avril 2015 portant fixation des modalités d’application du décret N°2011-1051 portant conditionnement et étiquetage des produits du tabac au Burkina Faso. Conformément aux dispositions des textes, la MABUCIG avait obligation depuis le 7 avril 2016, il y a donc un an, d’apposer sur les paquets de cigarettes des images de mise en garde sanitaire.

Silence coupable du ministère de la Santé !

Cette léthargie, Salif Nikiema, coordonnateur de ACONTA, n’y comprend rien. Pour lui, les milliards que l’industrie du tabac rapporte au gouvernement ne peuvent prévaloir sur la santé et la vie de la population. Surtout que cet argent ne peut aucunement guérir quelqu’un atteint d’un cancer à cause du tabagisme. « Actuellement le ministère de la Santé nous parle d’un règlement à l’amiable. Nous avons demandé une audience pour comprendre, mais on ne nous a pas reçus », s’offusque le coordonnateur. Il semble ne rien comprendre dans cette attitude et invite les journalistes à approcher ledit ministère pour comprendre sur quelle base, ils vont négocier sur une loi votée par la représentation nationale. Et de lancer que « Si l’industrie du tabac ne veut pas respecter cette loi, c’est de l’incivisme ». Charge revient donc au gouvernement de prouver qu’il veut lutter contre l’incivisme, en commençant par « la tête qui est l’industrie du tabac » ajoute-t-il.

Aussi, il dénonce les manœuvres du ministère du Commerce et celles de l’Economie qui a pris un arrêté basé sur les normes Codentify, sans impliquer le ministère de la Santé. Un texte de son avis, qui comporte non seulement des incohérences et des imperfections, mais ouvre les portes de l’évasion fiscale à l’industrie du tabac.
Selon les conférenciers, c’est tout ce flou qui a peut-être valu l’interpellation du gouvernement devant l’Assemblée nationale le vendredi 31 mars dernier à travers une question orale suivie de débat. Ils s’en réjouissent d’autant plus que la représentation nationale a décidé de la mise en place d’une commission parlementaire sur la question du commerce illicite sur le tabac.

Tous membres du Comité national de lutte contre le tabac, les co-animateurs de cette conférence, ont bon espoir quant à l’aboutissement de cette lutte. Cependant, les consommateurs sont invités « à rester vigilants et mobilisés afin de pallier aux insuffisances d’un Gouvernement qui refuse de se donner les moyens de faire respecter ses propres textes ».

Marcus Kouaman
Lefaso.net

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