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Adama FOFANA, ministre chargé des relations avec le Parlement : "LAMIZANA lui-même s’était offert et ouvert à tout le monde et avait éliminé toutes sortes de distance avec les autres.”

Publié le jeudi 2 juin 2005 à 07h35min

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Le décès du Général Sangoulé LAMIZANA a suscité une vive émotion collective accompagnée de témoignages poignants les uns plus que les autres. Tous sont dignes d’intérêts et méritent respect et considération compte tenu de leur expression sincère, spontanée et donc naturelle.

L’Opinion a voulu expressément vous faire connaître les sentiments d’un homme qui compte parmi les personnes qui ont pu observer le plus près possible le Général Sangoulé LAMIZANA..

Ses mots et les sentiments qu’ils charrient méritent qu’on se donne le temps de bien les lire.
Cet homme est Monsieur Adama FOFANA, aujourd’hui Ministre des Relations avec le Parlement, Porte-Parole du Gouvernement. Il a été sollicité par le Général Lamizana pour écrire la préface du Tome I de ses Mémoires.

Vous êtes considéré à plusieurs égards comme faisant partie des proches du Général Sangoulé LAMIZANA. Que retenez-vous de sa vie ?
AdamaFOFANA (A.F.) : En fait LAMIZANA lui-même s’était offert et ouvert à tout le monde et avait de ce fait éliminé toutes sortes de distance avec les autres. C’est en fait lui qui se faisait proche des autres, de tout le monde et il donnait ainsi l’impression de n’exister que par et que pour les autres, sans réserve, sans calcul. Sa mort et les témoignages d’amour et de compassion qui l’ont suivie, ont suscité en moi la conviction que cet homme, bien que fait de chair et d’os, répondait à une autre dimension de l’être, mû par une force absolue d’amour, gourmand d’amitié et inlassable de partager.

La foule à coup sûr ne se serait pas retenue de s’exclamer en chœur un « santo subito » si les dogmes ne faisaient pas obstacle à un tel élan ! peu importe !

Pour nous la dimension réelle du Président LAMIZANA s’exprime et se dessine à l’aune de l’émotion et des compassions qui ont habillé ses obsèques. Les témoignages recueillis et le concernant rivalisent tous de superlatifs dans les registres les plus positifs : bon, affable, discret, gentil, ouvert, humble, modeste, tolérant, humain, sociable, juste, honnête, sobre, fidèle, courageux, sincère, sage, doux, attentionné, serviable, solidaire...

Pour ma part, tout en oblitérant ces jugements de la « vox populi », j’aimerai rassembler cette pluie d’étincelles de qualités en une grande gerbe rayonnante d’oblativité qui finalement symbolise l’Etre que fut Sangoulé LAMIZANA.

C’est là l’image qui me reste de lui et qui déterminera « ad vitam » mon jugement sur cet homme, prêt à ne trouver son bonheur que dans celui des autres.
Sa notion de l’altérité se définissait par une aliénation et une soumission de son ego qu’il considérait comme complétif de l’autre. Etre d’amour, comme si justement dit dans son oraison funèbre par le Président du Faso, il illustrait bien cet adage affirmant que « nul ne peut être heureux seul »

C’est dans le développement des significations de toutes les perceptions faites sur lui que se retrouve l’attribut majeur du TRESOR HUMAIN VIVANT à lui décerné par le Président du Faso.

Quelle expérience vous a procurée le fait de l’avoir accompagné dans l’écriture de ses mémoires ?
A.F. : Dans ce que l’on appelle « Mémoires » de LAMIZANA, mais qu’il considérait lui-même comme une simple causerie avec son peuple, à qui il voulait payer une dette morale d’une histoire construite avec lui, il n’y avait pas une ambition de compétition littéraire. Si un film documentaire ou de politique fiction soutenu par un budget conséquent, avec un casting bien ajusté avait été possible, LAMIZANA en aurait tenté la formule. L’essentiel pour lui était de « dire » et de laisser des mots, des phrases, des images, des faits, des moments qui, selon lui, appartiennent aux autres, à ses frères d’arme (qui ne devraient pas rester de simples visages dans des galeries de portraits), à sa famille (son épouse, ses enfants et tous les siens), au peuple (avec qui il a cheminé sur un long trajet).

L’aventure de la plume s’est présentée à son esprit naturellement car, avant toute autre motivation, il tenait à « fabriquer de ses mains » son ouvrage. Et il le fit du début au point final. Yacouba ZERBO (qu’il cite en prologue dans le Tome I) lui a fourni une contribution impressionnante par les fouilles documentaires et les recherches cartographiques et l’exploitation des résultats. Je me suis joint à l’attelage en 1997 et ai cantonné mon effort dans le suivi et la correction du texte saisi sous ma responsabilité, avec en plus, mes conseils pour des arrangements dans l’architecture finale. Mais je souligne encore une fois la parfaite maîtrise de LAMIZANA en tant qu’auteur plein de son ouvrage finalement publié et dédicacé en février 2000. Je le revois assis à sa table de travail au bout du couloir chez lui, entouré de caisses d’archives personnelles et de deux dictionnaires visiblement éprouvés par les nombreuses consultations que leur infligeait l’écrivain soucieux de respecter Vaugelas, Boileau et Victor Hugo.

Avec un tel homme d’une endurance remarquable, j’ai surtout côtoyé le prototype d’un produit de l’armée, fait de rigueur, de courage, d’intelligence et de ténacité. Avec Yacouba ZERBO, nous nous interrogions sur l’origine de tant d’énergie et sur la source de tant de perspicacité dans la reconstitution de faits ? Il nous répondait avec douceur par des propos d’une simplicité renversante mais indicatifs de solutions difficiles à atteindre.

Par exemple, il disait qu’en bon militaire, on ne pouvait jamais être si fatigué au point de ne pas pouvoir faire encore un tout petit pas en plus.... S’arrêter signifiait qu’on était mort. Son énergie s’expliquait par là. Penser, agir, encore et toujours encore.

Quant à sa mémoire fidèle, il l’expliquait par son recours à la méthode ! C’est simple, dit-il, j’ai toujours tout écrit ! Et c’est vrai que des archives antérieures à 1950 existent en manuscrit ! Il tient à la maison son carnet d’adresse téléphonique écrit par ses soins ! Il tient le registre de paie de ses domestiques et autres collaborateurs et rédige lui-même ses chèques. Voilà l’homme méthodique, soigné et appliqué qui m’a permis de l’accompagner grâce à la préface qu’il m’a autorisé à accrocher à son œuvre immense !

Pensez-vous qu’il aurait aimé laisser un souvenir particulier, une image spéciale de lui à ses concitoyens ?
A. F. : Franchement, je crois que non. Ce non est conforme à ce qu’il a été, à ce qu’il a fait, à sa nature. Le Général LAMIZANA a vécu naturellement et le fait de donner et de partager montre qu’il ne voulait rien pour lui-même. Les propos, discours à son sujet, les oraisons funèbres à son inhumation sont concordants : « on dirait qu’il vivait pour les autres ». Alors, s’il ne pensait pas à lui-même, il ne peut avoir l’ambition de s’édifier une image.

Par contre, à propos de son image, LAMIZANA nous interpelle afin que, pour les grandes figures de notre pays, nous n’attendions pas que la mort vienne nous obliger à des témoignages fugitifs et circonstanciels. Il importe de systématiser la collecte et la conservation de la mémoire Nationale à travers des instruments officiels et concernant la vie des grands Hommes et aussi des Institutions.

Ainsi, la création d’une Fondation du Président du Faso ou même l’érection d’un Institut du Burkina permettrait de systématiser la gestion de notre mémoire collective et offrir en héritage aux générations futures des capitaux mesurables en terme de culture, de civilisation, d’histoire etc.

Dans le sens inverse ; quelle image selon vous aurait-il aimé emporter de son pays dans l’au-delà si cela était possible ?

A. F. : Difficile à dire. Et toute tentative serait de la pure spéculation. Cependant, compte tenu de la vie qu’il a menée sur terre et parmi son peuple et puisqu’on convient qu’il est un homme de grandes qualités humaines, on peut avancer l’hypothèse selon laquelle, le Président LAMIZANA, s’il est vrai que « les morts ne sont jamais morts », aimerait dans l’au-delà voir les filles et fils du Burkina unis, dans la paix, dans l’honneur, prêts à s’engager résolument dans les grandes batailles pour le développement de la Patrie.

Cela ressemble à un message d’outre-tombe qui nous incite à comprendre que de sa mort, il en fit un acte de vivre.

L’Opinion

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