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CEN-SAD : Le Guide et ses obligés

Publié le mercredi 1er juin 2005 à 08h07min

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Après la 6e session ordinaire qui s’est tenue à Bamako le 15 mai 2004, c’est au tour de Ouagadougou d’accueillir la conférence du Guide et des chefs d’Etat de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD).

La CEN-SAD dont la particule « Cen » signifie Sahel et, « Sad » Sahara, a été créée à Tripoli le 4 février 98. Les signataires en son temps étaient les présidents du Mali, du Tchad, du Niger du Soudan et bien sûr, l’un de ceux qui ont dû avoir le plus arpenté les dunes de Syrte et de Benghazi, Blaise Compaoré.

Mais si cette organisation est réputée, comme son nom l’indique, concerner les pays du Sahel et du Sahara, il n’en demeure pas moins qu’elle ne cesse de grossir (au risque d’être victime de son gigantisme pour bien des observateurs), depuis l’adhésion progressive d’Etats qui n’ont rien de sahélien et encore moins de saharien.

Il n’y a qu’à parcourir et décortiquer l’historique de ces différentes adhésions pour s’en rendre compte. La première session, qui s’est tenue à Syrte, a connu l’adhésion de l’Erythrée et de la Centrafrique. La deuxième à Djaména celle du Sénégal, de la Gambie et de Djibouti.

A la troisième à Karthoum, le Nigeria, la Tunisie, le Maroc, la Somalie et l’Egypte se sont joints au groupe. La quatrième à Syrte a vu l’arrivée du Togo et du Bénin et la sixième session ordinaire, qui s’est tenue à Bamako, a enregistré l’adhésion de la Guinée-Bissau, de la Côte d’Ivoire et du Liberia. Si fait que la CEN-SAD, qui comptait 4 membres, se retrouve aujourd’hui avec, excusez du peu, 21 adhérents. En gros, il n’ y a que la cinquième rencontre, qui s’est tenue en 2003 à Niamey, qui n’a pas connu de nouvelles affiliations. Y aura-t-il donc de nouveaux bébés au sommet de Ouagadougou ?

Le géniteur de ce nouveau machin (pour emprunter son mot au général de Gaulle parlant de l’ONU) qui vient faire déborder un panier africain déjà assez plein d’organisations sous-régionales, régionales, panafricaines, n’est autre que le « Guide de la Révolution libyenne », le colonel Mouammar Kadhafi soi-même. En bon saharien qui n’aime pas les frontières, le leader libyen est un amateur des grands espaces. Mais entre la vision de l’esprit et la réalité, il y a une large ... frontière.

Chantre de l’Union du Maghreb Arabe, des Etat-Unis d’Afrique et de l’Organisation de l’Unité Africaine où il a pesé de tout son poids et de tout son charisme pour la transformer en Union africaine, aujourd’hui, sa dernière trouvaille, c’est la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens. Cette CEN-SAD-là, il n’y a pas de doute, est la chose de l’auteur du Livre Vert. Tout part et tout revient à lui. Il en est le principal bailleur. La preuve, sur vingt et un membres, 4 Etats payent leurs cotisations. Mais cela n’empêche pas d’organiser chaque jour que Dieu fait des manifestations estampillées CEN-SAD, aussi fastueuses les unes que les autres, ou d’ouvrir de nouveaux chantiers.

Force est donc de constater que pour les populations des différents pays, l’arrivée de Kadhafi dans leur espace fait plus l’évènement que l’organisation d’un énième sommet. Le Burkina ne fait surtout pas exception. Car, le tombeur, à 29 ans, du roi Idriss 1er ne passe pas inaperçu. Son arrivée et son séjour étant dignes d’un scénario de Hollywood : cortège impressionnant, bains de foules réglés comme une horloge suisse, chamelle dans un bus qui fournit le lait quotidien au Guide et multiples bivouacs dans la nature.

A Ouagadougou tous les murs de la ville portent l’effigie de Kadhafi, sans compter les banderoles de bienvenue à son adresse. En tout cas, jusqu’à l’arrivée des autres chefs d’Etats, il n’y a pas eu de banderole où c’est écrit « Bienvenue Gbagbo » alors que son Etat en est aussi membre. Mais enfin ! Pour beaucoup, la CEN-SAD, en dehors de Mouammar, « connaîs pas ».

Quoi de plus normal pour un président fantasque pour se sentir important, alors que plus personne ne le prend au sérieux ! Alors s’il peut avoir une petite cour d’obligés (une sorte d’UA-bis) couchés à ses pieds, ça flatte l’égo et c’est bon pour le moral. Le fait que pratiquement tous les regards des présidents des Etats membres soient tournés vers l’homologue libyen constitue un handicap sérieux. Il suffirait d’un revirement spectaculaire dont il a seul le secret pour que les carottes soient cuites pour cette organisation et ses chefs qui mangent au râtelier du Bédouin de Syrte.

Initialement, les principaux objectifs de la CEN-SAD étaient l’établissement d’une union économique, la suppression de toutes les restrictions qui entravent le rassemblement des pays membres, la libre circulation des personnes et des biens, la promotion du commerce extérieur par une politique d’investissement dans les pays membres, l’accroissement entre les Etats membres des moyens de transport et de communications terrestres, aériens et maritimes par l’exécution de projets communs, l’harmonisation des systèmes éducatifs, pédagogiques, scientifiques et culturels dans les différents cycles de formation et, objectif insolite dans nos contrées, la reconnaissance, aux ressortissants des pays signataires, des mêmes droits, avantages et devoirs reconnus à leurs propres citoyens, conformément aux dispositions de leurs constitutions respectives.

Malheureusement, on se rend compte qu’il y a pour l’instant, peu de résultats dans la corbeille. Nous reviennent en mémoires les traitements affligeants de milliers d’Africains partis chercher une vie meilleure en Libye. Et à l’allure où vont les choses, on a bien peur que cette organisation ne subisse le sort de bien d’autres, qui ont accouché de jolis statuts et procès-verbaux, mais dont on ne voit pas grand-chose sur le terrain.

Néanmoins, notre pays n’est pas à plaindre. Grâce à Kadhafi, pardon, à la CEN-SAD, nous avons un hôtel rutilant à Ouaga 2000 (Libya hôtel), une société de transport (Kilimandjaro) et un boulevard (boulevard CEN-SAD) flambant neufs. Sans oublier d’autres investissements socio-économiques qui ne mourront pas forcément avec l’organisation si cela devait arriver un jour. Au Burkina donc, la CEN-SAD se porte très bien. Tant que le Guide n’éternuera pas, elle ne s’enrhumera pas.

Issa K. Barry
L’Observateur

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