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Assainissement total piloté par la communauté : « Nettoyeur de caca » était sur le terrain des opérations au Burkina

Publié le mercredi 8 février 2017 à 17h54min

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Assainissement total piloté par la communauté : « Nettoyeur de caca » était sur le terrain des opérations au Burkina

Présent au pays des hommes intègres sur invitation du Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF), le spécialiste en assainissement connu sous le surnom de « Nettoyeur de caca », Dr Kamal Kar, s’est rendu dans le village de Beniou, dans la province de la Sissili (région du Centre – Ouest). Ce samedi 4 février 2017, il a assisté au déclenchement de l’Assainissement total piloté par la communauté (ATPC) pour la Fin de la défécation à l’air libre (FDAL) au Burkina.

Au pays des hommes intègres, le problème de l’assainissement se pose avec acuité. Pour y remédier, l’Etat avec l’appui de partenaires subventionne la construction de latrines publiques, institutionnelles et familiales partout où de besoin. C’est dans ce cadre, que le Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF), en partenariat avec l’Association pour la paix et la solidarité (APS), expérimente ce qu’on appelle l’assainissement total piloté par la communauté (ATPC) dans la province de la Sissili (région du Centre – Ouest).

L’ATPC est une approche intégrée permettant la réalisation de la FDAL et le maintien de cet état à travers la construction de latrines sans une quelconque subvention. Pour y arriver, les animateurs passent par l’étape du déclenchement du sentiment de dégout et de honte au sein de la communauté. Le but étant d’amener la population à analyser sa situation, à prendre conscience et à décider de ne plus faire ses besoins dans la nature.

Une méthode pédagogique

Avec une population estimée à près de 2500 habitants pour quatre quartiers, le village de Beniou a été divisé en quatre groupes pour la mise en œuvre de l’approche ATPC. Dans chaque groupe, les enfants ont été mis d’un côté et les adultes de l’autre. Il a été demandé à un habitant de tracer au sol la carte du village et d’y marquer les infrastructures sociales (école, dispensaire,…). Par la suite, chaque habitant a placé sur cette carte son habitat. A ce stade le village est cartographié et tout semble parfait.

Tout cela devient intéressant lorsque l’on demande à tout un chacun de marquer sur cette même carte, où est-ce qu’il fait ses besoins, son « caca » (les excréments) au quotidien. Après cette étape, unanimement, la population se rend compte que le village est rempli de « caca ». Et lorsqu’il pleut, l’eau emporte ce caca qui se retrouve dans le seul marigot du village. Pourtant, les enfants y jouent et eux-mêmes adultes l’utilisent. D’où la persistance de certaines maladies diarrhéiques et démangeaisons, reconnaissent les habitants de Beniou. Lesquelles maladies engendrent des coûts pour chaque ménage qui, pour survivre, doit obligatoirement se soigner.

Les animateurs de l’APS enfoncent le clou en faisant une évaluation de la quantité déféquée par jour, mois et an, ainsi que les dépenses en achat de médicaments pour soigner les maladies liées au défaut d’assainissement. A ce stade, l’on constate déjà le dédain sur chaque visage. Le meilleur est qu’après ce constat, les habitants et les animateurs se rendent effectivement sur un lieu où se trouve du caca. Là, point de commentaire, personne ne veut s’approcher du caca, c’est le dégout total.

De retour sous l’arbre à palabre, la population elle-même a trouvé sa solution qui est de construire des latrines. Mieux encore, pour les plus sceptiques, une surprise leur est réservée. On apporte de la nourriture, on y met du caca a coté. Le constat est que les mouches vont du caca à la nourriture, et de la nourriture au caca. Par la suite, il est demandé aux habitants de venir manger ce repas. Refus catégorique. Personne n’en veut. Tous reconnaissent alors que les latrines sont nécessaires et s’engagent à en construire immédiatement pour certains et dans les plus brefs délais pour d’autres.

Prendre son destin en main

Beaucoup se sont engagés à creuser des latrines dans la même journée sans attendre quoi que ce soit de qui que ce soit. Tout simplement pour sauver leurs enfants des maladies qui peuvent causer la mort, et arrêter de manger leur caca. Surtout que les enfants après la randonnée ont constaté la même chose que leurs parents et ont souhaité avoir des latrines.

Après avoir assisté par intermittence à ce processus dans ces différents groupes, Dr Kamal Kar, concepteur de l’assainissement total piloté par la communauté (ATPC) ne peut qu’être satisfait. L’objectif de sa visite au Burkina est de voir comment le pays des hommes intègres, très en retard par rapport aux autres pays en ce qui concerne l’ATPC, va mettre fin à la subvention. Afin de donner le pouvoir aux communautés de prendre en charge leur assainissement en construisant leurs propres latrines. « Que les communautés n’attendent plus pendant des années la subvention de l’Etat en continuant de manger leur caca. Je suis convaincu que la population burkinabè peut prendre son destin en main et arrêter la défécation à l’air libre (DAL) », lance-t-il.

Durant son séjour, il a eu des échanges avec les autorités en charge de l’assainissement et a bon espoir d’avoir été compris. Pour lui, le risque majeur de la subvention est de laisser des milliers d’enfants du Burkina mourir de maladies liées à l’assainissement parce que les gens attendront toujours que le gouvernement vienne donner la subvention pour réaliser ces latrines. « Peut-être que le gouvernement mettra cinq ans, dix ans, voir cent ans avant de pouvoir doter chaque ménage en toilettes. Pendant ce temps, les enfants continueront de souffrir de la diarrhée et de mourir », indique-t-il.

Dr Kamal Kar a invité les autorités à se rendre dans les pays comme la Côte d’Ivoire, le Benin, le Tchad, le Mali et un peu partout pour voir le succès de l’ATPC. Certains sont à 2000 villages certifiés FDAL. Tandis que le Burkina vient d’évaluer 69 villages pour la certification FDAL.

Marcus Kouaman
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 9 février 2017 à 08:55, par IDO Brice En réponse à : Assainissement total piloté par la communauté : « Nettoyeur de caca » était sur le terrain des opérations au Burkina

    Cela est une très bonne chose car il faut reconnaître que nos populations rurales attendent tout de l’Etat ou des projets. Et nous constatons que malgré leur multitude (projets) dans ce domaine (WA-Wash ; Washcal ; Wateraid ;Ecosan etc.) nous n’en sommes qu’à 69 villages certifiés.
    Mais il faut aussi dire que l’Etat a sa part de responsabilité dans cet état de fait, cela fait de nombreux projets implantés mais toujours pas de changement notable. Il faut de l’implication des gouvernants, UNE BONNE GESTION des fonds alloués sinon nous serons au même stade quand les autres seront à 5000 ou 10000 villages certifiés.

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