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Le Gal Lamizana s’en est allé comme il est venu, sans crier gare

Publié le lundi 30 mai 2005 à 08h25min

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On peut dire que le Président qui vient de s’éteindre tout doucement à 89 ans fait partie de ces hommes que les événements font. Si on lui avait dit dans les années 60, au moment où il se débattait des suites de l’affaire OAS, dans laquelle on avait tenté de l’impliquer, qu’il serait porté à la tête de la toute nouvelle armée voltaïque, on n’en aurait pas, diable, mis sa main au feu.

Il s’est trouvé cependant un certain Maurice Yaméogo pour refuser, au moment des indépendances, de signer les accords séparés portant sur la Défense après avoir proclamé unilatéralement la République ; pour la nouvelle armée, il sera donc fait appel à Sangoulé Lamizana.

L’homme s’attaque à la construction de l’armée nationale, dans un contexte d’autant plus difficile que, vexés, les Français en partant, ont tout embarqué et détruit ou jeté dans les puits, le matériel qu’il ne pouvait pas emporter. Pendant le temps que durera la première République, il sera sans encombres confirmé comme chef d’Etat Major. Mais si pendant qu’il était à cet Etat-Major, on lui avait dit qu’il serait porté à la présidence, il aurait certainement crié à l’impossible.

Mais il s’est trouvé là-aussi qu’à la suite de grèves, de manifestations de rue, le premier président Maurice Yaméogo, refusant de tirer sur la foule, a démissionné. Lamizana, que nombre de manifestants réclamèrent au pouvoir dans le cadre d’une transition devant conduire à de nouvelles élections, une fois installé, reste toutefois au pouvoir, ce qui provoque le mécontentement voire la colère de ceux qui l’ont fait roi. De tractation en tractation, il finit par annoncer le retour à la vie démocratique. Des élections sont promises pour 1970 avec la fondation de la IIème République. A ces dernières, Maurice Yaméogo ne pourra prendre part puisqu’il est détenu à Balolé.

Qu’à cela ne tienne : de son lieu de détention, il réussit par l’intermédiaire de son fils Hermann Yaméogo, à remettre, à l’intention du Président Houphouët Boigny, un message pour lui demander d’aider Gérard Kango Ouédraogo afin que le RDA gagne aux élections. Houphouët fait le nécessaire. Les élections ont lieu et le RDA rafle la mise.

Lamizana, qui aux termes de la Constitution de 1970, devait rester au pouvoir pendant les cinq ans de la législature, se trouve confronté à une gouvernance compliquée par le jeu des partis mais exacerbée aussi par les élites militaires qui ayant pris goût au pouvoir, n’entendent pas lâcher le morceau à la fin de la législature, irritée également par les scandales du " Sahelgate " ou " Watergrain " et par l’incendie suspect de " Brasilia II ", dont on n’en finit pas de dire qu’il visait à détruire des preuves de mauvaise gouvernance.

En 1974, c’est un coup de palais, une sorte de Brumaire par lequel Lamizana renvoie tout le monde et prend tout le pouvoir pour lui. C’est l’époque où l’authenticité bat son plat au Zaïre et fait des émules au Tchad et au Togo. Lamizana est contaminé et pense instaurer le MNR, comme Mobutu l’a fait avec son MPR. Les rêves s’envolent car entre temps, la guerre Mali/Haute-Volta est passée par là et les syndicats, les partis politiques, dans une union sacrée, ont refusé la cagoule du MNR pour réclamer le retour à la vie constitutionnelle normale.

Des grèves historiques sont déclenchées qui amènent à la mise en place d’une commission spéciale (véritable conférence nationale avant l’heure) pour diagnostiquer tous les maux du pays, leur proposer des solutions et pour rédiger un texte constitutionnel afin de donner le jour à la IIII ème République.

Les élections ont lieu au cours desquelles Maurice Yaméogo participe indirectement, à travers l’UNDD. Il n’a pas ses droits même si entre temps, il a été libéré. Son fils Hermann Yaméogo n’a pas l’âge pour se présenter aux élections présidentielles ; c’est Macaire Ouédraogo -le fils de l’ami Guillaume Ouédraogo- banquier de son état, sur qui sera porté le dévolu. Il y a dans l’opposition d’alors des forces qui mises ensemble peuvent apporter le changement et obtenir le retour à une vie véritablement civile.

Ces forces sont incarnées par Maurice Yaméogo, Gérard Kango Ouédraogo, Joseph Ouédraogo, Joseph Ki Zerbo, Palé Welté Issa. Ces forces n’arrivent pas à s’entendre. Gérard Kango et son RDA de même que Palé Welté et son PRA ayant décidé de soutenir la candidature de Sangoulé Lamizana aux élections présidentielles de 1978.

L’UNDD, l’UPV, le Front de refus RDA, jouent le rôle que joue aujourd’hui ALTERNANCE 2005. Aux élections, Macaire Ouédraogo de l’UNDD arrive en tête, suivi de Joseph Ouédraogo et de Joseph Ki Zerbo. Un deuxième tour, le premier de l’histoire de l’Afrique, est arraché par un pays qui s’est singularisé avant même le Sénégal, dans la pratique parlementaire, dans le pluralisme démocratique.

Mais l’UPV n’accordera pas son soutien au second tour à Macaire Ouédraogo, ce qui assure d’autant plus la victoire de Sangoulé Lamizana que les élections -même les politologues le reconnaîtront par la suite- n’ont pas été sauves de fraudes.

La IIIème République poursuit la mise en place de ses organes par l’élection d’une Assemblée dont la configuration fera apparaître une différence d’un élu entre l’opposition et la majorité. Née dans les conditions difficiles, aux forceps disait-on à l’époque, la IIIème République en sera marquée au point que le pays renouera avec des grèves qui finiront par l’emporter à travers le coup d’Etat du 25 novembre 1980 qui porte le Colonel Saye Zerbo au pouvoir.

Le Général Lamizana, qui vient de s’éteindre, est après Blaise Compaoré, le président qui a le plus duré au pouvoir. L’homme était connu pour sa bonhomie. Maurice Yaméogo lui-même racontait que c’est les larmes aux yeux qu’il a été contraint de prendre le pouvoir en 1966. L’homme souvent a voulu le réhabiliter, lui restituer ses biens mais il a toujours été contrecarré par la pression des politiques qui ne voulaient pas que l’on remette en selle un adversaire qu’ils craignaient plus que tout.

Le peuple le tenait tellement pour un président "papa- gâteau " qu’il lui attribuait cette affectueuse réprimande à un ministre qu’on aurait pris la main dans le sac avec un gros pactole : " Mon petit ", aurait-il dit, " vas-y doucement, quand tu prends, il faut aussi penser aux autres ". Cet autre adage circule aussi sur l’homme qui avait le sens de la discipline et de la hiérarchie. Alors qu’il se rendait en visite officielle à Paris, on lui aurait recommandé, une fois devant le général de Gaulle, de ne surtout pas serrer les fesses et de claquer un salut. Mais l’homme, une fois devant le symbole du 18 Juin, ne peut s’empêcher d’exécuter un mémorable garde-à-vous accompagné de " Mon Général ".

C’était ça, Lamizana, l’homme qui s’en va et qui laissera peu d’ennemis d’autant plus qu’il s’est efforcé de solder le peu de comptes qu’il avait. C’est ce qu’il a fait dans cet ouvrage publié en deux tomes à travers lequel, en homme soucieux de replacer sa tranche de vie dans un cours historique objectif, il a rappelé que, contrairement à certaines contre-vérités distillées pendant des années, Maurice Yaméogo ne lui a pas donné l’ordre de tirer sur la foule qui manifestait en 1966 mais que, si tel avait été le cas, en soldat, il aurait obéi à l’ordre supérieur.

Adieu, Général Sangoulé Lamizana. Que la terre vous soit légère !

Thierry Nabyouré
San Finna

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