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Vaccin contre le paludisme, vaccin à efficacité partielle : quelles implications pour les populations ?

Publié le mercredi 25 janvier 2017 à 14h00min

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Vaccin contre le paludisme, vaccin à efficacité partielle : quelles implications pour les populations ?

Le 23 décembre 2016 a eu lieu, à Ouagadougou, la restitution des résultats de l’essai vaccinal contre le paludisme par l’équipe du Pr Tinto Halidou de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé. Il ressort que le vaccin est efficace à 56% pour les enfants de 5 à 17 mois pendant un an. Ces résultats sont d’une haute importance mondiale car il serait le premier vaccin contre le paludisme disponible.

Ces résultats relancent le débat sur le seuil minimal d’efficacité qui pourrait être accepté pour qu’un vaccin soit considéré à grand potentiel pour la santé publique. En mars 2014, le premier forum mondial de la recherche sur les vaccins et l’immunisation avait déjà lancé le débat. Au cours de ce forum, les résultats d’une revue des guides de procédures des structures de règlementation/régulation sur les vaccins a montré qu’il n’y a pas de seuil minimal défini. Cependant, cette question a été abordée d’un point de vue biomédical.

La perspective des bénéficiaires de ces vaccins, qui sont en majorité dans les pays à revenu faible, n’a pas été discutée. Pourtant au-delà de la définition biomédicale des critères d’efficacité vaccinale, les perceptions des communautés bénéficiaires sur le vaccin et sur la maladie pour laquelle il a été élaboré sont importantes pour l’introduction de tout vaccin.
A cet effet, nous avons mené une étude portant sur les« Perceptions des communautés sur le paludisme et les vaccins : étude qualitative réalisée dans les districts sanitaires de Kaya et Houndé, au Burkina Faso » . Cette étude a tenté de comprendre les perceptions et les expériences des communautés au sujet du paludisme et des vaccins d’une part, et d’explorer l’acceptabilité éventuelle d’un vaccin antipaludique par ces communautés d’autre part.
La question d’efficacité partielle a été discutée au sein de l’équipe de recherche puis avec les participants à l’étude. Les avantages du vaccin perçus par les participants à l’étude sont la diminution du nombre de cas de paludisme, la protection contre la maladie et la diminution des dépenses de santé. Cependant plusieurs ont fait remarquer qu’étant donné que les vaccins déjà acceptés par la population pour combattre d’autres maladies étaient efficaces, il n’y avait pas de raison de croire que celui-ci serait différent.

C’est un point crucial car les expériences de vaccination ont montré que ce sont les effets bénéfiques des vaccins antérieurs qui ont permis d’obtenir l’adhésion de la majorité des populations cibles. De ces expériences, il ressort également que lorsqu’il est apparu des cas de maladies en dépit de la vaccination, cela a suscité des réticences du coté des populations et a favorisé la diffusion d’informations entravant le succès des campagnes de vaccination dans certains pays africains. Aussi il est de bon ton de s’interroger sur la réaction des populations cibles face à l’introduction de ces vaccins à « efficacité partielle ». L’une des premières questions est de savoir quel taux et type d’efficacité partielle est acceptable pour les populations ? Est-ce que l’introduction de tels vaccins va altérer ou non l’acceptation des vaccins déjà introduits ?

Le vaccin demeure à l’heure actuelle l’un des moyens les plus efficaces de prévention des maladies. L’un des objectifs d’introduction de vaccins à efficacité partielle est qu’ils doivent renforcer les mesures de prévention déjà existantes. Aussi l’introduction d’un tel vaccin ne doit pas conduire à l’abandon des autres mesures de prévention. Sinon, il y a un risque de voir les populations délaisser les autres mesures, du fait de leurs expériences antérieures avec des vaccins qui protègent à 100%. Imaginons un instant qu’un vaccin contre le VIH avec une efficacité de 30% soit disponible aujourd’hui. Cela pourrait remettre en cause tous les efforts de prévention en cours depuis des décennies. Aussi des messages adaptés doivent être soigneusement élaborés pour expliquer aux populations les implications de tels vaccins afin qu’elles n’abandonnent pas les mesures de prévention déjà existantes.

Actuellement, il n’existe pas de consensus sur le seuil minimal d’efficacité acceptable défini par les structures de règlementation des vaccins. Il est vrai que l’efficacité n’est pas le seul critère utilisé. Cependant il ne faudrait pas oublier que ces structures doivent d’abord travailler pour la préservation de la santé des populations qui sont les utilisateurs du produit final. Par conséquent, leurs voix sont importantes et doivent être entendues dans cette définition d’efficacité partielle et non pas seulement celles des firmes pharmaceutiques et leurs partenaires.
Les voix des populations ne doivent pas seulement être entendues au niveau international mais surtout au niveau local (opérationnel) où le vaccin sera être administré. Ceci permettrait aux individus de choisir ce type de vaccin, non pas comme une stratégie alternative mais plutôt comme une mesure complémentaire à d’autres mesures de prévention qu’ils mettent déjà (ou devraient mettre) en œuvre.
En somme il est important qu’une stratégie de communication adaptée au contexte, avec des messages clairs, soit élaborée avant toute introduction du vaccin.

Auteur : Fadima YAYA BOCOUM
Affiliation : Institut de Recherche en Sciences de la Santé, département biomédical et santé publique, 03 BP 7192 Ouagadougou Burkina Faso, email : fadimabocoum@yahoo.fr

1.http://www.who.int/immunization/research/forums_and_initiatives/gvirf_bethesda_march2014/en/index1.html

2.Global Health Promotion 1757-9759 ; 2014 ; Vol 21(1) : 76–87 ;

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