LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Décès du Gal Sangoulé Lamizana : Ce qu’ils retiennent de l’ancien président

Publié le lundi 30 mai 2005 à 08h17min

PARTAGER :                          

La mort du général Sangoulé Lamizana est survenue le 26 mai 2005 à la clinique Notre-Dame de la Paix. L’enterrement a eu lieu le dimanche 29 mai au cimetière militaire de Gounghin. Quelle image les Burkinabè gardent-ils de l’illustre disparu ? Micro-trottoir.

Dr Jean-Baptiste Ouédraogo (ancien chef d’Etat)

Le souvenir que le général Sangoulé Lamizana me laisse est celui qu’il laisse à tous les Burkinabè. C’était un homme généreux, d’un humanisme hors du commun. C’était un démocrate confirmé en politique. Il ne vivait que pour les autres. C’est le souvenir d’un homme de bien que je garde du général Lamizana. Ce que je garde comme moment fort en politique de lui, c’est son ouverture.

Je pense que n’eût été ce grand monsieur, notre pays aurait connu la catastrophe. Il y a eu des moments où on semblait vraiment être au bord du précipice et il a toujours fait appel au dialogue. Il a toujours désamorcé des crises au moment où tout semble être perdu. Il a su canaliser les énergies de la population. Il a entraîné les gens à défendre des causes justes. Il a su instituer la démocratie. Il a rendu de grands services au pays. Je retiens un autre moment qui peut être fort pour moi mais pas pour tout le monde.

C’est la présidentielle où il a été ballotté par Macaire Ouédraogo. C’était quelque chose d’inouï, quelque chose à laquelle personne ne pouvait penser que ça arrive dans un pays africain où le président en place se fait balotter pratiquement alors qu’il aurait suffi d’une petite manoeuvre pour arranger le verdict. Il y a aussi sa contribution positive à la Journée nationale de pardon. Je me souviens des heures qui ont précédé sa mort.

C’était dans la journée du 26 mai, je me rendais à une inauguration lorsque le professeur Drabo m’a appelé, pour me dire que le général n’allait pas bien et qu’on l’envoyait dans ma clinique. J’ai fait demi-tour et je suis revenu. C’était entre 12h15 -12h20. J’ai envoyé l’ambulance le chercher. Nous nous sommes occupés de lui de 13h à 13h45 à peu près et on semblait avoir contenu la maladie. Nous sommes rentrés.

A 15h je l’ai trouvé un peu fatigué mais toujours conscient. Beaucoup de médecins sont passés à son chevet notamment le professeur Drabo, le docteur Théodore et bien sûr toute l’équipe de la clinique, et tout semblait assez bien aller jusqu’à 17h-18h30, heure à laquelle le professeur Drabo m’a rappelé. J’étais en train de présider une réunion. Il m’a dit que le général avait fait un arrêt cardiaque. On a tenté un massage et il est mort vers 19h. En fait, il souffrait d’une embolie parce que quand nous l’avons admis ici, il était dans un état infectieux grave au niveau de la jambe. Cette infection provoquait une fièvre qui avoisinait les 40 degrés. C’est l’infection qui a provoqué l’embolie qui l’a emporté.

A l’endroit de sa famille, que je connais très bien d’ailleurs, je ne peux que l’accompagner et lui apporter mes encouragements. C’est en quelque sorte ma deuxième famille. A la nation, je dirai que c’est un grand homme que nous avons perdu et j’invite les politiciens de tous bords à s’inspirer de son exemple, de sa tolérance, de son humanisme. Et je suis sûr que si tel était le cas, le pays connaîtrait la paix, la tranquillité et nous surmonterions beaucoup de difficultés.

Dr Lassina Lamizana (Fils aîné du général Sangoulé Lamizana)

C’est hier (ndlr : jeudi 26 mai) matin qu’il a senti qu’il avait mal au pied. Et comme il avait l’habitude de se réveiller très tôt pour sa prière, il a constaté qu’il y a certains mouvements qu’il ne pouvait plus faire. Son pied était enflé. On m’a appelé pendant que j’étais au bureau. Quand je suis arrivé, il faisait un peu de fièvre et on a vite fait la goutte épaisse pour voir s’il n’avait pas aussi le palu. On n’a vraiment pas eu le temps de savoir quelle infection c’était. Vers 18h il a fait un arrêt cardiaque. On lui a fait un massage et sa situation s’est améliorée un tout petit peu mais vers 19h il n’a pas pu tenir.

Mariam Lamizana (ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale)

Je suis membre de sa famille ; je suis sa belle-fille. Je sais que le vieux avait beaucoup d’affection pour tout le monde. Je garde de lui les souvenirs d’un bon père de famille, très stable et toujours prêt à servir son prochain, prêt à se diminuer pour que son prochain soit à l’aise. Je dirai donc que c’est une grande perte, et pour la famille et pour la nation entière.

Le principal élément qui, à mon sens, a caractérisé l’empreinte politique de Lamizana est qu’il a beaucoup travaillé pour la paix de son peuple. Je peux dire qu’il a dirigé la Haute-Volta en bon père de famille, toujours à la recherche du consensus. La quête du bonheur des Voltaïques a été, 14 ans durant, son leitmotiv. Je me rappelle encore l’un de ses propos qu’il avait tenus lorsqu’il avait été traduit devant les Tribunaux populaires de la Révolution (TPR) : "Si c’est ma villa et ma voiture bâchée qui pourraient faire la richesse du peuple voltaïque, alors, je les lui donne".

Je voudrais aussi rappeler que feu Sangoulé Lamizana a toujours travaillé à la recherche de la paix. Donc si j’ai un mot à l’endroit des Burkinabè, c’est de les inviter à travailler dans le sens de l’héritage politique que cet homme nous a laissé.

Issa Tiendrébéogo, président du GDP

C’est un grand homme et je crois que le Burkina perd une référence en matière de sagesse. Ce qu’on peut retenir de lui, c’est son humanisme, son humilité et surtout sa sagesse. L’héritage politique qu’on peut retenir de lui, c’est que c’était un homme tolérant. Si aujourd’hui les gens se rappelaient sa tolérance, sa façon de conduire les choses et sa modestie dans son comportement de tous les jours, nous pourrions faire un grand pas.

Moi, personnellement j’ai eu à travailler avec lui sous la Révolution car c’est lui qui était le président des anciens dont feu Lingani et moi s’occupaient. Leur siège était basé dans mon ministère. C’était un homme qui était à l’écoute des problèmes de la nation et il a consacré toute sa vie à ne penser qu’au Burkina et comme vous le constatez, c’est après qu’il ait quitté ses fonctions qu’on s’est le plus rendu compte de sa grandeur. Comme c’est un Samo, ça fait un de moins, mais l’histoire retiendra qu’il a marqué notre pays par un certain nombre de valeurs que nous, nous devons prendre en compte si nous voulons construire une nation forte et prospère.

Colonel Saye Zerbo (ancien chef d’Etat)

Militairement, il a accompli son devoir jusqu’au bout. Sur le plan politique, il a fait ce qu’il pouvait faire. La nation tout entière doit lui être reconnaissante. Depuis la création de l’armée jusqu’à nos jours, tout s’est passé sous mes yeux. Je suis donc à même de dire qu’il a accompli son devoir militaire.

Ce que je retiens de sa carrière politique, ce sont les différents mouvements et changements qu’il a opérés, les nombreuses nominations pour simplement contenter les uns et les autres. Il a voulu rassembler tout le monde. Vous savez, un chef d’Etat est un homme comme tout le monde.
Je lui ai succédé en 1980 (je n’aime pas le mot remplacer).

Je préfère le mot "succession", parce que je ne peux pas remplacer Lamizana. Je lui ai donc succédé à la suite de circonstances particulières. J’ai été à l’origine de sa prise de pouvoir le 3 janvier 1966. C’était donc étonnant que ce soit moi-même qui lui fasse quitter le pouvoir. C’est tout simplement par la force des choses. Le pouvoir appartient à Dieu, qui le confie à qui il veut et selon le but que ce même Dieu veut atteindre.

J’ai fait des mains et des pieds pour éviter ce 25 novembre 1980 (ndlr, date de l’avènement du CMRPN). Des témoignages existent. En son temps, j’avais estimé que Sangoulé devait continuer son travail en lui soumettant des conditions. Il n’a pas voulu les accepter. Je me suis donc retrouvé seul contre cette même armée qui l’a porté au pouvoir. Les faits étaient clairs.

Malheureusement, j’étais le commandant de régiment interarmées d’appui. Quand on refuse l’assouplissement alors qu’il y a des forces parallèles, c’est difficile. La situation était donc telle que je n’avais pas le choix parce que même dans l’armée il y avait des scissions. J’étais coincé jusqu’au 24 novembre à minuit. Dieu a décidé que ce qui s’est passé se passe comme cela. Autrement, ce n’était pas ma volonté.

Si je voulais le pouvoir, j’aurais pu le prendre le 3 janvier 1966. J’étais capitaine. C’est à moi que le président Maurice Yaméogo a envoyé son aide de camp pour dire de tirer sur la population. J’ai refusé. On a fait venir Lamizana au camp pour qu’il prenne ses responsabilités. Je n’avais pas d’ambitions politiques. Ma préoccupation était mes études militaires. Tout cela pour dire, que contrairement à ce que certains disent, il n’y a aucun problème entre le président Sangoulé et moi. J’ai toujours lutté pour qu’il reste au pouvoir, mais je n’avais pas le choix surtout que je ne pouvais pas faire cavalier seul.

Sa disparition est donc une grande perte. C’est un aîné, un beau-frère. On avait toujours besoin de ses conseils. Il laisse un vide qu’on pourra difficilement combler.

TOLE SAGNON,
(Secrétaire général
de la CGT-B)

Notre souhait est que l’homme repose en paix. Ce chef d’Etat a passé 14 années au pouvoir et le constat que l’on peut faire aujourd’hui, c’est qu’il a été un homme simple et sobre. Sobre parce qu’après ces 14 années, personne, à ma connaissance, ne peut dire qu’il a eu en sa possession des immeubles ou de grands domaines. Cela est d’autant vrai que lorsque le général Sangoulé Lamizana a été jugé, de façon publique (ndlr : Tribunaux populaires de la Révolution (TPR), tout le monde a pu constater qu’il n’y avait pas grand-chose à tirer de lui. Il a, pour cela, été relaxé. Cela n’a pas été le cas pour la plupart des chefs d’Etat de son époque, qui se sont enrichis. On retient également de lui qu’il a gouverné en tenant compte de la volonté populaire. On se rappelle qu’il a tenté de créer un Mouvement national pour le renouveau (MOUNAR).

On se rappelle aussi les grèves historiques des 17 et 18 décembre 1975 du mouvement syndical. Reconnaître que le peuple n’est pas d’accord avec soi et accepter de reculer, comme il l’a fait, je pense que c’est une des vertus que ceux qui gouvernent aujourd’hui, au nom du peuple, devraient avoir.

Aussi, on se souvient que pendant qu’il était au pouvoir, il a organisé des élections qu’il a failli perdre. Il a été ballotté par Macaire Ouédraogo en 1978, ce qui est presqu’ impensable en Afrique, la plupart des dirigeants africains n’organisant pas des élections pour les perdre. Mais ses rapports avec les syndicats n’étaient pas toujours roses. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il ne voulait pas les rencontrer. Bien au contraire. Il a montré une certaine disponibilité à les recevoir.

A l’époque, 700 étudiants ont été chassés de l’université (en 1979), des suites de mouvements estudiantins, ce qui a été un mauvais exemple de répression du mouvement syndical. En outre, le général a tenté de diviser les syndicats des travailleurs. C’est sous son régime que l’UGTB (Union générale des travailleurs du Burkina) a été créée. C’était, en fait, pour affaiblir le mouvement syndical. En voulant créer le Mouvement, c’était pour aller dans le sens du parti unique. Ce sont là des aspects négatifs du mandat du général Sangoulé Lamizana.

Enfin, je noterai que les centrales syndicales comme l’USTB (Union syndicale des travailleurs du Burkina) ont eu maille à partir avec le pouvoir de la IIIe République, avec notamment les longues grèves organisées. Le général est resté disponible, bien qu’ayant passé le témoin. La preuve, il était dans le Collège de sages. Pour tout cela, on peut lui rendre hommage.

Propos recueillis par Alexandre Le Grand ROUAMBA,
Cheick Beldh’or SIGUE,
Christine SAWADOGO
et Paul-Miki ROAMBA

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Décès de Marguerite BEMBAMBA née OUEDRAOGO : Faire-part
Décès de Marguerite BEMBAMBA née OUEDRAOGO : Faire part
In memoria : GUESWENDE ERWIN STEPHANE NYAMEOGO
In memoria : Marie Jeanne IDANI
Décès de SOME Habibou Odile née BAMBARA : Remerciements
Décès de Thomas Roger LOUARI : Remerciements
Décès de OUATTARA LASSINA : Remerciements
Décès de Traore Adèle Tiomitio : Remerciements et faire part
Décès DE PAPA PATRICE TAPSOBA : REMERCIEMENTS