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Ah les Décorations ! Parlons-en en deux mots

Publié le vendredi 13 janvier 2017 à 20h17min

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Ah les Décorations !  Parlons-en en deux mots

C’est sûr que lorsqu‘on vous programme pour être décoré, toutes les belles idées vous passent naturellement par la tête, comme par exemple :
- Ouf ! Voici qu’à mon tour, mes supérieurs songent enfin à me considérer moi aussi !
Ou encore,
- Voilà que parmi tant d’autres, les autorités de ce pays ont fini quand-même par me remarquer !

Et que dire du jour de votre décoration où, aligné comme les autres, le cœur battant à se rompre, vous attendez impatiemment d’être délivré ?
Puis, à l’instant même de la décoration, et durant encore plusieurs heures, vous demeurerez ivre de joie, l’esprit submergé, le cœur agité et le corps humide de chaleur.

Et tout cela parce qu’à présent, le monde entier vous reconnaît votre importance, en raison de l’ampleur ou de la valeur du travail que vous avez effectué, durant votre carrière.

Et pourtant, sans paraître aucunement dupe, vous savez pertinemment que vous n’êtes ni le plus grand bosseur de votre temps, ni l’illustre champion du devoir bien accompli.

D’ailleurs, vous réalisez quelque part au fond de vous-même, qu’une telle performance ne saurait être vérifiable à tous points de vue, ni fondée dans toutes les circonstances.

Quelque part dans votre for intérieur, vous vous rendez compte aisément, qu’auprès de vous ici même sur le champ des cérémonies, au bureau parmi vos devanciers et promotionnaires de service ou à la maison dans votre voisinage immédiat, des personnes

plus laborieuses que vous et qui vous côtoient chaque jour, n’ont pas eu la même chance que vous d’être décorés.

Mais vous préférez vous taire, parce que vous n’y pouvez rien, pour ceux qui n’ont pas su la méthode pour se faire repérer.

Et puis d’ailleurs, en quoi cela vous regarde-t-il ?

Non seulement vous n’avez pas le choix quant à vous, mais ne vaut-il pas mieux qu’ils sachent se débrouiller eux aussi ?

Voilà entre autres, les sentiments susceptibles d’animer un lot considérable de « Décorés ».
Mais y-a-t-il véritablement des raisons d’admirer ces récipiendaires et d’en être fier pour ce qu’ils sont devenus ?

- Mais oui certainement, même si ce n’est pas de l’argent qu’on leur offre !
- Oui, si toutefois dans la famille, votre vieux grand-père a été décoré en tant qu’ancien combattant, pour ses hauts faits d’armes ; car lui au moins, il a été jusqu’à exposer sa vie sur les fronts.

- Oui, si votre père Haut-Fonctionnaire du pays, votre frère Ministre du gouvernement ou votre sœur Célèbre journaliste ont bénéficié de décorations, pour la nature et la réputation des fonctions qu’ils exercent.
- Mais bien évidemment non, si cela n’est pas le cas.
- Eh bien non, pour tous ces agents de la Fonction Publique, incomparables en rien à ceux du Secteur Privé ou Semi-Privé.

- Non pour tous ces travailleurs du Public, dont tout le monde est unanime à reconnaître, qu’en heures de présence effective au service et en temps de travail effectué, ils sont de loin inférieurs à ceux du Privé, ou du Semi-Privé, et qui ne devraient point ravir la palme des décorations.

Ces agents qui ont de tout temps bénéficié de congés réguliers, de gratifications et de primes de bilan, considérés comme des avantages légaux et incontournables, ne devraient pas être privilégiés pour la décoration.

En revanche, jetez un coup d’œil sur la vie et l’existence de leurs collègues du Privé ou du semi-Privé, qui vous répondront invariablement qu’ils sont obligés de monter très tôt au service, sans heures de descente précises, sans salaires réguliers, sans primes pour des bilans volontairement négatifs en permanence, sans aucune gratification et sans congés ou avec des congés morcelés.

Victimes des humeurs de leurs employeurs par peur du désœuvrement, c’est à peine si durant leurs vies de travailleurs, ces derniers-là jouissent vraiment d’une vie de famille.

Et que penser alors de ces ouvriers devenus presqu’exsangues par l’effet des chaudières, mais qui à la retraite, n’ont bénéficié d’aucune décoration, pour avoir passé toutes leurs années de service dans les usines, courbés en deux sur les machines !

Que penser du soudeur industriel, dont la vue a été considérablement affaiblie par de longues années de labeur dans les ateliers, mais qui n’a jamais bénéficié d’aucune décoration ?

L’on me répliquera peut-être, qu’il fallait d’abord que ceux-ci soient proposés, avant de se voir décorés.

Mais zut alors ! Proposés par qui d’autre ? En tout cas pas par ces employeurs privés, jamais satisfaits de vous quoique vous fassiez, et qui finissent même par se montrer jaloux des petites maigreurs, qu’ils vous reversent à titre de salaires.
Ces éminents patrons il faut l’avouer, qui préfèrent courir après leur propre décoration que celles de leurs employés.

Ainsi donc, l’on se retrouve avec ses progénitures comme par le fait du hasard, en train de festoyer à l’honneur d’un voisin fraîchement décoré, qui ne l’a été pourtant à votre détriment, que sur la base d’un colossal quiproquo, un banal concours de circonstance ou un hasardeux contexte, car n’ayant jamais été mieux que vous par le travail.

Libre à chaque invité grand ou petit alors, de se faire sournoisement à l’idée, que si parmi les convives, vous autres vous n’avez pas été décorés, c’est parce que vous n’êtes que des vauriens qui ne le méritent pas !

A quoi bon y penser, si cela n’est pas écrit sur les fronts ? Se résigneront certains.
Et pourtant si ! Cela figure bel et bien dans les consciences, sinon il n’y aurait pas de décorations !

Mais à quelle date cette fièvre des décorations massives a-t-elle débuté dans ce pays, l’on ne saurait le préciser.
La seule chose dont on se souvient, c’est qu’au-delà de simples propositions, les critères s’en étaient trouvés pervertis, au point de se résumer à des affinités de diverses natures.

L’on ne saurait non plus justifier sa perpétuation, par le simple fait que ces décorations existaient longtemps déjà, car « Le plus rien comme avant » exhorte nos dirigeants à faire coûte que coûte la différence, en se montrant plus rationnels que leurs prédécesseurs par :

- La suppression des mauvaises pratiques qui existaient
- Le maintien et l’amélioration des bonnes pratiques qui existent et
- L’initiation de meilleures pratiques qui n’existent pas
Mais vivement qu’à partir de cette date-là, on les étende à tous les salariés et toutes les salariées de la nation, autant du Public que du Privé, qui ont su apporter durant toute leur vie de travail, leurs pierres à la construction de cette nation.

L’essentiel étant qu’ils y postulent eux-mêmes, sans aucune implication quelconque.
Dans le cas contraire, qu’on les limite purement et simplement aux Hauts Faits de guerre, Hautes Fonctions de l’Etat, et Fonctions Journalistiques.
Sinon à ce rythme-là, l’on continuera imperceptiblement, à évoluer béatement dans les mêmes ornières que par le passé.

OUATTARA Sina
La Voix des sans Voix

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Vos commentaires

  • Le 14 janvier 2017 à 14:34, par Moi aussi En réponse à : Ah les Décorations ! Parlons-en en deux mots

    « Mais à quelle date cette fièvre des décorations massives a-t-elle débuté dans ce pays, l’on ne saurait le préciser.
    La seule chose dont on se souvient, c’est qu’au-delà de simples propositions, les critères s’en étaient trouvés pervertis, au point de se résumer à des affinités de diverses natures. »

    Vous dites vrai frère.
    Beaucoup de personnes l’ont dénoncé en vain. Tout a commencé encore sous qui et je vous le donne en mille ? Blaise Compaoré naturellement ! L’homme sous qui, toute critique pertinente était balayée de la main et l’auteur, qualifié simplement d’aigri.
    Un aîné que j’étais allé voir me racontait dans son salon que dans le temps, la 1ère décoration s’obtenait vers l’âge de 40-45 ans. Soit après au moins 20 ans de carrière. Il m’expliqua que c’était le temps minimum pour d’abord acquérir l’expérience, ensuite de faire tes preuves, de se faire remarquer par ton chef (sur la base des fiches de notation de l’agent par ses différents chefs) qui enfin te proposait à la décoration. Mais ça, s’était au temps où il y avait de la justice, de l’objectivité, de la déontologie, de l’égalité, bref, le temps où l’Administration fonctionnait telle que laissée par le colon avant de partir.
    Après ce printemps, on est passé à l’ère du favoritisme, du clientélisme, de la médiocrité, de l’achat des consciences, etc. si bien qu’on a dévalorisé la décoration au point que les plus compétents la boudaient pour éviter de se ’’mélanger ’’ avec les autres.
    -  On a ainsi vu des agents décorés dès la 1ère année de service,
    -  Des agents collectionnés des décorations au point que chaque année, il leur en fallait une pour s’offrir encore une occasion d’ameuter les voisins chez eux. Surtout que, la corruption aidant, les mêmes ne manquaient pas de moyens pour célébrer.
    -  Alors que les décorés du secteur privé étaient plutôt rares (normal puisqu’il n’y avait pas le même mécanisme de gestion du personnel), on a assisté â une flambée dans ce milieu. On se serait félicité s’il n’y avait pas eu d’abus. Ainsi, de jeunes architectes, médecins, ingénieurs, etc. du secteur privé, à peine sortis d’école se sont vus décorés alors qu’ils sont classés très loin des meilleurs de leur promotion (en l’absence d’expérience professionnelle, il faut bien faire référence à leur travail de fin d’études).
    Bref, avec le régime compaoré, ce domaine aussi a connu le foutoir et c’est peu de le dire.
    Merci donc de prendre de votre temps pour apporter votre contribution.
    Gageons que les autorités vont se pencher sur cette question afin de recadrer les choses pour redorer le blason à cet outil de l’État pour distinguer ses meilleurs agents en invitant les autres à persévérer pour exceller dans le service public pour lequel ils ont été recrutés.

    • Le 14 janvier 2017 à 22:25, par Ah oui ! En réponse à : Ah les Décorations ! Parlons-en en deux mots

      Merci pour votre contribution aussi.
      C’est vrai que sous Blaise, ce fut le foutoir total et complet. Moralité, il ne faut pas attendre d’un médiocre qu’il prenne des initiatives pour l’émergence de l’excellence.
      Aux nouvelles autorités de se différencier de ce type. Les textes sont là et il suffit de les faire respecter.
      Le Ministre Clément P. Sawadogo est ici interpellé.

  • Le 14 janvier 2017 à 15:48, par Tintio En réponse à : Ah les Décorations ! Parlons-en en deux mots

    Je vous félicite Mr. OUATTARA, vous avez dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas..

  • Le 14 janvier 2017 à 15:51, par ANGAMIRI En réponse à : Ah les Décorations ! Parlons-en en deux mots

    Ce qui est vrai s’énonce clairement et les mots le dire arrivent aisément comme pour paraphraser l’autre. en effet au Burkina on ne connait ni les critères de notations ni les critères de choix de ces fameux récipiendaires. Or les choses devraient être transparente pour ne laisser place à aucun doute à l’instar du choix du meilleur buteur d’un championnat de foot. voilà toi voilà terrain voilà but et les arbitres en noir et point final. qui peut dire quoi au jour du dernier décompte ? des règles de décoration tenant compte de toutes les catégories socio-professionnelles doivent être largement diffusées dans le souci d’une équité nationale. Pour les employeurs du privé on pourrait se référer aux bases de données fiscales et de la CNSS. le bon employeur après tout c’est celui qui paye ses impôts et les cotisations sociales de travailleurs. A chaque fois qu’il fait des performances on le décore.
    les travailleurs sont désignés par leurs collègues au regard des critères préalablement définis. fini le laxisme

  • Le 16 janvier 2017 à 07:58, par Thién En réponse à : Ah les Décorations ! Parlons-en en deux mots

    Je suis d’avis que bien de décorations se font selon des "bisbilles" dans ce pays !
    Même la Cour des comptes sous Noumouité Traoré, a brillé par ce raccourci d’affinité envers une femme qui n’avait aucun mérité que sa relation personnelle avec ce monsieur qui y était le premier président. Toute honte bue elle fut décorée au su et au vu de tout le monde ! Sur quelle base de mérite ? Si la honte tuait ?.

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