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Coalition Hermann Yaméogo : Des préalables alibis à la non-participation aux élections ?

Publié le samedi 28 mai 2005 à 09h24min

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Annoncée pour être un scrutin très ouvert, l’élection présidentielle de novembre prochain pourrait connaître une défection surprise, celle de Hermann Yaméogo. La déclaration fleuve aux multiples préalables adoubée d’une signature équivoque : Coalition Me Hermann Yaméogo (Alternance 2005) donne à penser qu’il ne faut pas exclure cette éventualité.

Et pour cause ! Hermann Yaméogo n’a pas seulement peur de perdre la présidentielle mais aussi et surtout de voir l’UNDD reléguée en queue de lice des partis d’opposition au Burkina.

L’UNDD est aujourd’hui un parti très affaibli. Depuis la séparation d’avec l’ADF/RDA et le Congrès de résurrection convoqué dans la précipitation les 11 et 12 juillet 2003, la barque continue de tanguer.

Les derniers départs, notamment ceux de Salvador Yaméogo, de Boubacar Ouédraogo et de Mme Martine Yabré ont achevé de convaincre que Hermann Yaméogo a mal à son UNDD, ... angoissé par des questions lancinantes : que se passe-t-il ? Est-ce la faute du pouvoir ? Que dire aux militants de base ? Il faut à UNDD trouver des réponses crédibles à ces questions pour colmater les brèches d’une base réduite en peau de chagrin. Cette démobilisation drastique explique que depuis le congrès de sauvetage de la mi-juillet 2003, on cherche en vain un autre rassemblement public d’envergure d’une quelconque structure ou organe de l’UNDD. On a oublié jusqu’au sigle du parti et l’on retient davantage les noms des structures parallèles que Me Hermann Yaméogo essaie d’actionner ou de mettre en route au service de ses ambitions politiques. Indirectement, ces structures parallèles sont un aveu d’échec de la mobilisation des citoyens sous la bannière UNDD. Mais ces associations de la société civile inspirées par le président de l’UNDD ou pro-UNDD ne font pas mieux que le parti lui-même. Les activités du Forum national civique (FNC), du professeur Etienne Traoré ne rassemblent pas grand monde. On a vu dernièrement que le Collectif pour la Défense de la Constitution (CODECO) n’a pas pu rivaliser avec les ABC ou l’AJSCBC dans la mobilisation des jeunes. Les problèmes de visibilité, de charisme et de propagande restent donc entiers pour Hermann Yaméogo qui voudrait, pour y remédier, personnaliser "l’Alternance 2005". Voilà qui explique la signature ambiguë de la dernière déclaration : Coalition Me Hermann Yaméogo (Alternance 2005). Mais cette manœuvre d’appropriation de cette tendance de l’opposition n’est pas sans danger pour sa cohésion.

Coalition Herman Yaméogo, c’est quoi ce machin ?

La Coalition Hermann Yaméogo est-elle un sous-groupe de l’Alternance 2005 ou est-ce un simple changement d’appellation ainsi amorcé pour cette tendance de l’opposition ? Si c’est un sous-groupe, il eut été préférable d’en donner la composition exhaustive des partis et/ou associations membres et pourquoi pas solliciter la signature de leur premier responsable. Cela aurait donné plus de crédibilité à la déclaration. Si Alternance 2005 est devenue Coalition Me Hermann Yaméogo, on dira que l’opinion publique est prise de court et l’on se demande quel autre nom le groupe portera si parmi ses trois candidats ce n’est pas Hermann Yaméogo mais plutôt Philippe Ouédraogo ou Sankara Stanislas Bénéwendé qui est au 2e tour. S’il y en a un. En tout état de cause, on se demande si les deux derniers cités ont participé à la rédaction de ces préalables.

Acceptent-ils, eux qui sont candidats au même titre que le premier nommé cette mutation de nom en leur défaveur ? On devine la réponse à ces questions.

Il y a fort à parier que Hermann Yaméogo, avant le premier tour des élections, travaille à tirer toute la couverture du groupe sur son nom. Il en fait sa "chose" réduisant les autres présidentiables de la tendance à de simples faire-valoir de sa personne, présentée ainsi comme plus populaire au point d’avoir une coalition en son nom. Une manière à peine voilée de se créer une mouvance qui n’existe pas, histoire de donner la réplique à l’Alliance de la Mouvance présidentielle (AMP).

Après l’échec du CODECO, comme une réplique aux ABC et à l’AJSCBC, la Coalition Me Hermann Yaméogo risque fort de faire chou blanc sinon qu’elle pourrait annoncer un divorce qui ne dit pas son nom d’avec Alternance 2005. De fait, le divorce pourrait venir de la suite que la coalition voudrait donner à son chapelet de préalables.

Le vieux refrain d’idéaliser les opposants et de diaboliser le pouvoir

Préalable dans le premier sens du terme se définit comme ce qui vient en un premier temps avant toute chose. Dans le cas de la déclaration de la coalition, le terme a-t-il un autre sens ? Apparemment non. Il doit être compris comme un ensemble de conditions sine qua non sans lesquelles la participation au scrutin des signataires n’est pas acquise. Au-delà même des élections présidentielle et municipales le ou les signataires de ces préalables en font un viatique de la "restauration d’une saine pratique démocratique et de l’Alternance tant désirée par la majorité des Burkinabè".

Hermann Yaméogo et les siens ne demandent pas seulement de bonnes conditions d’organisation des scrutins dans un esprit d’équité. Ils posent la question de l’existence même d’une "démocratie réelle" au Burkina.

Au-delà du Burkina la coalition désespère de toute l’Afrique et s’assigne comme une mission de rédemption d’un continent en perdition. "La démocratie en Afrique est loin d’être acquise"... et "les perspectives sont d’autant plus décourageantes qu’on ne sent pas la communauté internationale soucieuse d’agir pour aider à la pacification de l’Afrique et son insertion dans le courant démocratique mondial". En somme, Hermann Yaméogo veut un discours de La Baule bis et des conférences nationales souveraines bis pour imposer la "refondation de la démocratie" et l’alternance seules à même de sortir le continent de "l’instabilité et des crises qui entravent tant les efforts de développement durable".

Evitons la polémique sur les causes de l’instabilité politique en Afrique. On pourrait être amené à discuter de la responsabilité de certaines oppositions et des exemples d’échecs cuisants d’alternance dans des pays comme la Côte d’Ivoire, les deux Congo, la Guinée Bissau, la Zambie, etc.

Cette tendance à idéaliser les opposants et à diaboliser les gouvernants sur le continent est un cliché absolument réducteur de réalités plus complexes. Les expériences de la démocratie en Afrique sont multiples. Chaque pays a ses particularités et dans une approche descriptive du processus on devrait éviter de partir du général pour expliquer le particulier sinon on court le risque de faire des analyses erronées. C’est le piège dans lequel est tombée Coalition Hermann Yaméogo.

Des préalables relatifs aux atteintes à la Constitution et aux lois

Ce préalable est une tentative maladroite de ramener au-devant de la scène l’éligibilité du président Blaise Compaoré. Dans ce débat, ceux qui sont contre n’ont jamais trouvé un argument convaincant pour battre en brèche l’argument décisif du principe de la non-retroactivité des lois. C’est un principe de droit, universellement reconnu.

Mais ceux qui tiennent à mettre hors-jeu un adversaire politiquement redoutable s’arc-boutent sur ce qu’ils appellent "l’esprit de la Constitution". Dans sa dernière déclaration Hermann Yaméogo n’hésite pas à faire écrire "jusqu’à preuve du contraire, le peuple n’a pas varié dans son attachement à cette limitation... Si le pouvoir en doute, ou s’il a envie qu’il y ait des changements à cet égard, qu’il ose, en démocrate et en mandataire du peuple, suivre le parallélisme des formes et interpeller par référendum le peuple, encore et surtout qu’il s’agit-là d’une question capitale". Ce dont il est question est de savoir si Blaise Compaoré peut ou ne peut pas être candidat pour l’élection de novembre 2005 et pourquoi pas en 2010 ? Sur cette question, l’opposition est-elle à mesure de gagner un quelconque référendum ? Pas sûr. Du reste, légaliste en parole, l’opposition radicale a montré par le passé qu’elle n’hésite pas à tomber dans la contestation violente. Aussi on peut légitimement se demander ce que recouvrent les affirmations du genre "déclencher une lutte sans délai et sans merci pour atteindre les objectifs..." posées en préalable.

Du retour au consensus électoral d’avant les élections de 2002

Après avoir participé aux élections législatives de 2002 qui ont été régies par le code électoral actuel et par la CENI dans sa forme actuelle, on n’est plus que surpris par le volte-face des rédacteurs de la déclaration de la coalition. La proportionnelle à la plus forte moyenne, objet du litige des coalisés contre le code électoral, est pourtant le mode de calcul qui a régi les élections municipales de 2000. Cela n’a pas empêché l’opposition d’avoir des conseillers municipaux de faire jeu égal avec le CDP dans certaines municipalités et de l’emporter dans d’autres (Koudougou, Boromo, Gaoua, notamment). Aujourd’hui la même opposition voudrait faire croire que la proportionnelle à la plus forte moyenne a pour "objectif d’assurer une mainmise totale sur la gestion des collectivités". C’est une théorie fondamentalement défaitiste. L’admettre voudrait dire que l’opposition s’attend à faire des résultats en-déçà de ceux de 2000. Alors que l’usure du pouvoir aidant on s’attendait à ce qu’elle soit plus optimiste sur ses propres chances.

Au demeurant, quand on se souvient du contexte de crise exacerbée qui avait prévalu au "consensus électoral d’avant les élections de 2002" on se demande si ce consensus en était vraiment un. L’opposition n’avait-elle pas, forte de la rue, dicté sa loi à un pouvoir aux abois ? Ce "consensus", à l’épreuve du terrain à montré des limites qu’il fallait corriger. Ce qui a été fait. Ce qui n’exclut pas d’autres corrections, selon l’évolution du processus et l’aménagement administratif du territoire.

Des préalables liés aux réajustements et à l’approfondissement du processus électoral

Les critiques des coalisés à l’encontre de la CENI, du CSI, de la Cour constitutionnelle relèvent parfois des a priori. Quand on connaît la composition de la CENI - représentation tripartite à part égale entre la mouvance présidentielle, l’opposition et la société civile - quand on a suivi le bon déroulement des élections législatives de 2002 pour lesquelles la coalition dans sa déclaration se réjouit "des résultats probants puisque toutes les listes qui se réclamaient de la différence d’avec le parti au pouvoir et qui ont battu campagne, ont obtenu 54 élus contre 57 au pouvoir" on ne comprend donc pas la grande méfiance des partisans d’Hermann Yaméogo, illustrée par la suggestion d’une multitude de détails allant jusqu’à la disposition des chaises des membres et scrutateurs des bureaux de vote. Quant au Conseil supérieur de l’Information, on lui fait une mauvaise querelle. Les partis politiques feraient mieux de discuter directement avec les responsables des organes de presses public ou privé au lieu de s’en prendre au CSI ou au ministère de l’Information.

Que dire alors du Conseil constitutionnel, jugé et condamné avant d’avoir été vu sur le terrain. En effet depuis l’éclatement de la Cour suprême en plusieurs chambres, c’est assurément la première élection que l’institution va superviser. Attendons de la voir à l’œuvre.

Quant aux kyrielles d’amendements, du "guide pratique destiné aux membres des bureaux de vote", ils n’ont fait qu’allonger une déclaration déjà trop longue. Ces amendements peuvent être discutés en réunion de la CENI et le sujet valablement introduit par les représentants de la coalition qui y siègent.

Le scénario de l’opposition togolaise ?

Au total, à 5 mois de l’élection présidentielle, cette charge de la coalition contre le processus électoral et les institutions républicaines n’augure rien de bon, quant à sa participation au scrutin Hermann Yaméogo pourrait être en train de préparer l’opinion publique à un retrait groupé des candidats de l’Alternance 2005 ou tout au moins la non-finalisation du dépôt de sa candidature à lui. Il aura beau jeu de dire par la suite aux chancelleries occidentales que les conditions ne sont pas réunies pour un scrutin transparent.

A moins qu’il ne préfère le scénario de l’opposition togolaise : battre campagne tout en réclamant le report du scrutin en gardant dans son carquois une dernière flèche, la contestation des résultats pour "irrégularités massives". Du déjà vu ici et ailleurs ! Affaire donc à suivre.

Djibril TOURE
L’Hebdo

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