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Youssouf Ouédraogo : " La CEN-SAD doit être un créneau de modernisme pour le développement"

Publié le vendredi 27 mai 2005 à 08h10min

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Du 1er au 2 juin 2005, se déroulera à Ouagadougou, la 7e session ordinaire de la conférence des leaders et des chefs d’Etat de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD). A une semaine de cette réunion au Sommet, nous avons rencontré le président du comité national d’organisation, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères Youssouf Ouédraogo.

Il commente le thème de l’événement, annonce les grands sujets à débattre à Ouagadougou et fait le point de l’organisation.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce qui a motivé le thème de ce 7e Sommet de la CEN-SAD : "Le rôle et la place de la CEN-SAD dans l’intégration africaine" ?

Youssouf Ouédraogo (Y.O.) : C’est un thème porteur parce qu’aujourd’hui, l’intégration est devenue le maître-mot de l’aménagement des espaces et des Etats dans la communauté internationale.

De plus en plus, nous sommes dans un grand mouvement mondial où les Etats eux-mêmes devront s’insérer dans des espaces communautaires organisés. Parce que ce sont les régions qui vont s’imposer dans les modes de fonctionnement et de régulation de la communauté internationale. C’est la raison pour laquelle nous devons travailler à tous les niveaux à l’approfondissement de l’intégration régionale. Dans le cadre de la CEN-SAD, il s’agit d’œuvrer au renforcement de l’Union africaine (UA). Partout dans le monde, la tendance globale, générale et irréversible est de faire de l’intégration. Il s’agit d’abandonner, petit à petit, les intérêts nationalistes, chauvins, spécifiques et réducteurs des Etats. Car c’est en mettant en commun leurs ressources, leurs capacités d’actions que les Etats peuvent agir valablement.

S. : Que peut-on attendre du Sommet de Ouagadougou ?

Y.O. : Il faut que la CEN-SAD joue pleinement son rôle et sa fonction de catalyseur et de dynamiseur de l’Union africaine.

Au départ, c’est la CEN-SAD qui a œuvré à l’avancée de la constitution de l’UA. Les Etats membres de la CEN-SAD ont travaillé activement et solidairement à bâtir cet acte constitutif de l’UA et ont été les premiers à le ratifier. Mais nous avons eu le sentiment qu’après cela, la CEN-SAD n’a pas trouvé le bon créneau pour continuer à jouer ce rôle de leader et de pivot. Il ne s’agit pas pour nous d’exercer une dominance sur l’UA. Quoique les 21 Etats de la CEN-SAD possèdent près de la moitié de la population africaine (environ 400 millions d’habitants) et plus de la moitié du Produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique. Ce qui fait de la communauté une masse critique incontournable.

La CEN-SAD, au-delà de son contenant (pays membres) doit avoir un contenu, c’est-à-dire un programme de travail. Ce qui est important aujourd’hui, c’est de générer des projets et programmes fédérateurs qui permettent de réduire la dépendance des Etats vis-à-vis de l’enclavement par exemple. L’ambition que nous avons, c’est d’arriver à un espace unifié où les citoyens peuvent circuler librement, avoir un droit d’établissement, y créer des activités ... Nous devons continuer à créer un espace de sécurité et aider à résoudre les conflits au sein des Etats membres de la CEN-SAD.

La CEN-SAD a la chance d’être une organisation transversale et non figée dans une seule région. Cet avantage fait qu’une fois une idée noble arrêtée au niveau de la CEN-SAD, chaque Etat membre devient le défenseur de cette idée auprès des organisations sous-régionales dans lesquelles il est, en même temps, partie et aussi au niveau de l’UA.

S. : N’y a-t-il pas un risque de doublon entre la CEN-SAD et l’Union africaine ?

Y.O. : Les petits canaris se mettent sur les grands et non le contraire. Un sous-ensemble reste un sous-ensemble.

Il y a plutôt la complémentarité surtout que nos plates-formes ne sont pas contradictoires à celles de l’UA. C’est la plate-forme de l’UA d’abord que nous voulons approfondir. La CEN-SAD se place un peu comme étant le fer de lance qui permet de relever les nouveaux défis au profit de l’UA. L’Union devrait au contraire s’en féliciter.

S. : Pourtant, certains soutiennent que la CEN-SAD est une organisation de plus voire un "jouet" du colonel Khadafi qui retarde l’intégration du continent ?

Y.O. : Ce n’est pas juste de le dire. C’est vrai que le colonel Khadafi a une forte personnalité. Le leadership ne se marchande pas et ne s’achète pas, il s’aquiert.

Ce sont ses idées, ses propositions qui lui ont valu ce leadership. Et je crois que ce n’est pas un mal que l’idée de la CEN-SAD soit venue de lui et que le siège soit à Tripoli. D’ailleurs, il y a beaucoup d’autres exemples où des hommes éminents ont été à la création d’organisations. Seulement lorsque l’organisation est créée, il revient à tous les membres de jouer pleinement leur rôle pour que ça soit l’affaire de tout le monde.

S. : A Ouagadougou, il est question de la dynamisation de la CEN-SAD. Comment cela va se manifester concrètement ?

Y.O. : Nous allons surtout travailler à la dynamisation des institutions de la CEN-SAD. Les chefs d’Etat ont voulu que les ambassadeurs des Etats membres qui sont à Tripoli puissent également présenter leurs lettres de créance auprès du secrétaire exécutif de la CEN-SAD, afin d’y représenter leurs pays. Aujourd’hui, la CEN-SAD doit être capable de porter des projets très grands sur les routes, les chemins de fer, les lignes aériennes.

En outre, la lutte anti-acridienne qui concerne la plupart des pays sahélo-saheliens peut être un grand programme fédérateur.

D’une manière générale, Ouagadougou sera aussi une tribune de réflexion politique poussée et stratégique.

Au cours de ce Sommet, les chefs d’Etat vont réfléchir puissamment sur les questions transversales et horizontales qui préoccupent la communauté internationale aujourd’hui. Il s’agit de la réforme des Nations unies, des conflits régionaux, ...

S. : Les chefs d’Etat arrivent dans quelques jours et les rencontres préparatoires ont commencé ; peut-on dire que tout se passe comme prévu au niveau de l’organisation ?

Y.O. : Avec les acquis des différents sommets que nous avons organisés à la fin de l’année 2004, nous avons à la fois les infrastructures et l’appareillage humain compétent pour accueillir la 7e session ordinaire de la CEN-SAD. Nous avons mis en place un comité national d’organisation qui reprend les personnes-ressources qui ont aidé à travailler pour les deux sommets précédents. Nous sommes à mesure de recevoir dignement hôtes. Il ne s’agit pas d’un étalage de moyens, mais de les mettre dans de bonnes conditions pour se concerter. De ce point de vue, je réponds oui, l’organisation est sur de bons rails.

S. : Malgré votre foi en la CEN-SAD, que retenez-vous aujourd’hui comme insuffisances au niveau de la communauté ?

Y.O. : Au niveau de l’organisation, le secrétariat exécutif n’a pas encore tout le personnel qu’il lui faut pour travailler. Il est important que le Sommet puisse dégager des orientations de manière à fortifier le secrétariat exécutif surtout que c’est l’organe d’exécution au quotidien à la fois des décisions et des directives qui sont prises par les chefs d’Etat. En tant que communauté économique régionale, la CEN-SAD doit aussi tracer un programme d’activités comprenant des programmes de développement fédérateurs. Cela permettra de justifier une communauté économique régionale et de montrer aux populations que l’appartenance à la CEN-SAD est un créneau pour un modernisme et un développement assurés.

Propos recueillis par Alassane KARAMA (karamalass@yahoo.fr)

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