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Incendie de Rood Woko : Deux ans de promesses non tenues

Publié le vendredi 27 mai 2005 à 07h44min

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Aujourd’hui vendredi 27 mai 2005, cela fait deux ans, jour pour jour, que Rood-Woko partait en fumée. Une rétrospective sur le drame ainsi que des mesures y consécutives, voilà ce que nous vous proposons dans ce mémorandum sur le deuxième anniversaire de la ruine de cette importante infrastructure marchande.

27 mai 2003 - 27 mai 2005. Voilà deux ans, jour pour jour, que le plus grand centre d’affaires du Burkina Faso, le marché Rood-Woko, au cœur de Ouagadougou, la capitale, partait en fumée. Du moins partiellement, car les efforts des uns et des autres ont permis de sauver ce qui pouvait l’être. Ce fut, faut-il aussi le rappeler, un jour de test opérationnel pour nos soldats du feu.

L’occupation anarchique du marché n’était pas de nature à permettre une intervention efficace des sapeurs-pompiers : rampes d’accès et bouches d’incendie obstruées par des échoppes ; et, comme pour accentuer le drame, l’incendie est survenu au moment où l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) avait organisé un rationnement général dans toute la capitale.

Ce sont là, entre autres, des difficultés auxquelles les sauveteurs étaient confrontés ; mais ce fut l’occasion de se rendre compte du dénuement matériel dans lequel ces derniers travaillent. N’eût-été le renfort venu de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (ASECNA) et des particuliers, qui avec du matériel d’extinction, qui avec des camions pour le transport de l’eau... les dégâts auraient été plus importants.

Fermeture du marché jusqu’à nouvel ordre

A la suite du drame, il a été décrété la fermeture, jusqu’à nouvel ordre, du marché et la mise en place d’une commission interministérielle élargie aux représentants de cinq organisations associatives et syndicales des commerçants, en vue de sa réhabilitation. La première tâche de cette commission a été le casernement des locataires dans les marchés de quartiers, puis la détermination du terrain de l’ASECNA, au secteur 16 de la capitale, où ils devaient s’établir provisoirement avant de rejoindre l’hippodrome de Nonsin au secteur 19.

Il était prévu l’aménagement de ce dernier site pour héberger transitoirement l’ensemble des commerçants, juste le temps de la réhabilitation de Rood-Wo. Ils furent 3 511 sur près de 8000 commerçants, selon les autorités, qui ont pu être relogés dans les différents marchés et yaars des quartiers de Ouagadougou. Si dans d’autres sites, comme Paglayiri, Hamdalaye, Baskuy, certains ont réussi, après avoir délié les cordons de la bourse, à se stabiliser, tel n’est pas le cas par exemple de ceux du terrain de l’ASECNA, où la majorité a dû déserter les lieux. Nombre de commerçants, ne sachant où aller, n’ont eu d’autre choix que de se loger dans des cours aux alentours du marché Rood-Woko.

Que de conférences de presse, de déclarations de partis politiques, pour accuser les autorités, chacun exploitant la situation dans son intérêt. On se rappelle que Simon Compaoré, en réaction aux pamphlets remettant en cause les efforts que la commune a déployés, s’est défoulé sur Halidou Ouédraogo avec son Collectif contre l’impunité. Il est même allé jusqu’à affirmer que c’est lui et son « Pays réel » qui ont cultivé l’incivisme au sein du marché Rood-Woko.

Bref, Simon a dû user d’un tapage médiatique pour faire taire les critiques acerbes à l’encontre de l’équipe communale, à laquelle ses contempteurs attribuent la responsabilité de ce qui est arrivé à Rood-Woko. Pour ce qui est des mesures de réorganisation des alentours du marché, l’on constate aujourd’hui que le tapage médiatique du maire n’a pas fait son effet. Le désordre, auquel il avait promis de mettre fin autour de cette zone commerciale, s’est plutôt amplifié. Et dans les rues riveraines du marché, l’on circule aujourd’hui dans tous les sens.

A ce jour, les travaux de ce site sont presqu’achevés. Ils ont été réalisés, pour le volet aménagement et viabilisation, par l’entreprise COGEB à hauteur de 909 980 659 FCFA, et pour ce qui est des ouvrages annexes (bitumage des rues Larlé et Djonfo qui mènent au site), à hauteur de 924 870 276 FCFA, par l’entreprise Oumarou Kanazoé. Aux commerçants, les autorités ont présenté deux types de boutiques à y bâtir ; ils devaient en outre participer au préfinancement de la construction.

Ceux-ci y verront une arnaque, puisqu’au regard des matériaux des échantillons des échoppes prévues pour être érigées sur le site, il n’est pas, selon eux, de l’intention des autorités de leur rouvrir le marché Rood-Woko après la reconstruction. C’est à ce niveau que le dialogue qui prévalait jusque-là entre victimes et administration va se bloquer. Une crise de confiance s’installe donc entre commerçants et administration, si bien que le projet d’érection de boutiques n’a pas encore connu un début de démarrage. Conséquence, le site de l’hippodrome attend toujours ses locataires.

La raison, les commerçants, auxquels les autorités avaient dit, après le drame, que ce site était destiné à les reloger en attendant la réouverture du marché, y ont vu une arnaque. Pour eux, si telle était l’intention des autorités, les boutiques qu’on leur a présentées n’allaient pas être en matériaux durables.

Cette situation sera, à un moment donné, exacerbée par une rumeur faisant état d’un dessein des autorités de « vendre Rood-Woko à un particulier ». Elle le sera davantage quand l’enseigne « Rood-Woko, marché central de Ouagadougou » disparaîtra de son emplacement. Les responsables des structures associatives et syndicales convoqueront leurs militants pour une assemblée générale le 12 février 2004 sur la place de Rood-Woko ; mais celle-ci se terminera d’une façon tragique, avec des blessés graves, suite à l’intervention de la Compagnie républicaine de sécurité. Hamidou Sawadogo, un commerçant cinquantenaire, l’une des victimes, évacué à l’hôpital Yalgado- Ouédraogo, sera par la suite amputé d’une jambe.

Alors qu’il avait été annoncé 18 mois pour la réhabilitation du marché Rood-Woko, aujourd’hui, 27 mai 2005, cela fait deux ans, jour pour jour, que rien n’a changé, et les commerçants se demandent toujours quand ils regagneront leur marché, d’où chacun tirait la pitance quotidienne de sa famille. Le rendez-vous n’ayant pas été respecté, ils sont alors impatients, à tel point que les responsables des organisations du secteur ne sont plus crédibles à leurs yeux.

Les autorités donnent 2006 pour le début des travaux

La CRM a été dissoute et remplacée par la Maîtrise d’ouvrage pour la construction et la réhabilitation d’infrastructures marchandes à Ouagadougou (MORIMO), à la charge d’un directeur général, en la personne de Gilbert Sedgo.

Pour Marou Sakandé, un des responsables d’une structure syndicale de petits marchands, les commerçants en ont assez "des promesses non tenues". Il se demande d’ailleurs pourquoi, en 2003, on avait estimé la reconstruction à trois milliards, et cette année on avance plus de 5 milliards. A ce rythme, dira-t-il, le montant de la reconstruction atteindra 6 milliards en 2006.

Pendant ce temps la MORIMO soutient qu’"On ne peut réhabiliter le marché central sans trouver une solution au surplus de vendeurs ». Et que pour cela, il faut au moins entre 18 mois et 2 ans pour que Rood- Woko soit rouvert et que le marché de Nonsin soit construit. "Ça prendra le temps qu’il faut, pour ne pas préparer un autre drame", ajoutera-t-elle, parce que les délais sont liés à la qualité des futurs ouvrages. Si l’on en croit donc le bourgmestre Simon Compaoré, ce sera finalement en 2006 que les travaux de la reconstruction vont débuter. Espérons que cette fois-ci, ce ne sera pas un faux rendez-vous.

Hamidou Ouédraogo
LObservateur Paalga

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