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Avis au président de l’Assemblée nationale : Parfois, il vaut mieux se taire que de raconter n’importe quoi !

Publié le jeudi 8 décembre 2016 à 23h10min

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Avis au président de l’Assemblée nationale : Parfois, il vaut mieux se taire que de raconter n’importe quoi !

Dans le but de désamorcer la polémique qu’a suscitée le « don » de tablettes numériques d’une marque chinoise aux députés par le gouvernement, le président de l’Assemblée nationale, M. Salifou Diallo, a déclaré lors d’une conférence presse tenue le 3 décembre :

« Nous n’avons jamais reçu des tablettes d’une société chinoise. Nous, nous avons reçu des tablettes du ministère de l’économie numérique. La ministre est venue à l’Assemblée, nous l’avons reçue, dans ma salle d’audience. Elle a dit qu’elle a eu à donner mille et quelque tablette aux étudiants l’an passé, elle en a donné à d’autres institutions ; elle est venue nous remettre aussi des tablettes dans le cadre de la connectivité des institutions. Nous l’avons remerciée, on n’a même pas lu quelle marque était écrite sur les cartons. Nous avons pris les tablettes, nous sommes rentrés distribuer aux députés. Nous on s’en fout d’où ça vient (…). Point barre ! »

Sacré Salifou Diallo ! Quand j’ai écouté ses propos, j’ai d’abord cru à une blague, le genre de blagues pourries dont sont coutumiers les usagers assidus des maquis et autres gargotes de Ouaga. Mais très vite, j’ai compris que pour un responsable politique de son niveau, tenir de tels propos, même pour amuser l’assistance, est tout simplement inadmissible. Manifestement, il semblait avoir oublié, à considérer qu’il le savait déjà que quand on a la chance ou la responsabilité de diriger l’institution politique qui représente le peuple, on se doit d’être exemplaire, tant dans ses actes que dans ses propos, faute de quoi on court le risque de mettre en péril la respectabilité de l’institution que l’on préside.

Au fond, lorsqu’on prend la peine de réfléchir sur ces malheureux propos de Salifou Diallo, on réalise qu’au-delà de son auteur, ils traduisent une déliquescence de la vie politique et un discrédit de la parole politique. A jouer les pitres, quand ils ne s’accaparent pas des parcelles, nos cher(e)s hommes et femmes politiques en sont venu(e)s à ne représenter qu’eux-mêmes, faisant de la politique le terrain de jeu de personnes sans autre vision que celle de leur statut social. L’une des conséquences de cette situation est que les citoyens se méfient de plus en plus quand ils ne se détournent pas complètement de la chose politique, accentuant ainsi une crise de légitimité qui, il y a à peine deux ans, a conduit le peuple à s’insurger.

Lors de son exercice de déminage, Salifou Diallo se demandait s’il était interdit au gouvernement de remettre des dons à l’Assemblée ? Je n’ai aucun élément légal me permettant de répondre à la question. Mais en renversant le sens de la question de sorte à se demander s’il était permis au député d’accepter un cadeau du gouvernement, la réponse ne fait plus de doute et vous verrez, elle est de bon sens. Dans la plupart des pays démocratiques, les parlementaires sont soumis à une interdiction générale d’accepter les dons et cadeaux, qu’ils proviennent de personne privée ou publique. La raison est simple, ces dons ou avantages peuvent entrainer le parlementaire dans un conflit d’intérêt et compromettre son indépendance dans l’exercice d’une fonction pour laquelle il est confortablement rémunéré comme c’est cas au Burkina Faso. De là, il apparaît que si l’on a besoin, comme l’a affirmé Salifou Diallo, « d’éduquer les députés en informatique », l’on a davantage besoin de les éduquer au bon sens, à défaut de leur interdire légalement l’acceptation de dons.

En guise de conclusion sur le dossier des tablettes, Salifou Diallo, visiblement content d’amuser l’assistance, termine sur un ton professoral avec un sermon : « Je pense que dans ce pays-là, nous devons mettre du sérieux dans nos démarches diverses. Nous devons veiller à la bonne gouvernance en tablant et en contrôlant les actions d’importance ». C’est peut-être vrai, sauf que ce n’est pas en faisant le pitre que le président de l’Assemblée nationale y contribuera.

Daouda OUEDRAOGO
Doctorant, université de Bordeaux
Mail : daou-ouedraogo@outlook.com

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