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L’anémie chez la femme enceinte, vue à l’hôpital St Camille par Kirakoya Madi

Publié le dimanche 4 décembre 2016 à 22h00min

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L’anémie chez la femme enceinte, vue à l’hôpital St Camille par Kirakoya Madi

« L’Etude des facteurs associés à la mauvaise observance du traitement préventif de l’anémie par la prise du fer chez la femme enceinte à l’HOSCO ». C’est sous ce titre que le désormais Dr Madi Kirakoya a porté le contenu de sa thèse de Doctorat en médecine qu’il a soutenue en SDS (Sciences de la santé) à l’Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo.

L’anémie chez la femme enceinte peut se comprendre, selon l’impétrant, comme une diminution du taux d’hémoglobine qui est inférieur à 11 g/dl (gramme/décilitre). Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), 51% des femmes enceintes étaient anémiées. Cette fréquence est plus élevée en Afrique, soit 57,1%. Au BF, l’OMS rapportait une fréquence de 58 % en 2011 et Bagagnan (auteur d’une thèse au Burkina) en 2013 retrouvait 66,90% au CHU-YO (Centre Hospitalier Universitaire Yalgado Ouédraogo).

« L’anémie chez la femme enceinte est d’étiologies diverses dont la carence en fer qui est plus marquée chez la femme enceinte du fait de l’augmentation de ses besoins et ceux du fœtus. Par ailleurs, elle pourrait avoir de nombreuses conséquences néfastes tant sur la femme que sur le fœtus ; d’où la stratégie de supplémentation en fer recommandée chez toutes les femmes enceintes par l’OMS. Plusieurs facteurs, dont l’observance du traitement, devraient contribuer à la réussite de cette stratégie. Mais, force est de constater une persistance du problème malgré cette supplémentation », situe l’étudiant Kirakoya, dont l’étude a pour but de vaincre l’anémie chez la femme enceinte liée à la carence du fer par une bonne observance du traitement.

Il s’est agi, d’une façon générale, d’étudier les facteurs associés à la mauvaise observance du traitement préventif de l’anémie par la prise de fer chez la femme enceinte à l’HOSCO (Hôpital Saint Camille de Ouagadougou) du 31 mars au 30 mai 2016.

Dans sa présentation, Madi Kirakoya est revenu sur la méthodologie de son étude, qui a consisté à inclure toutes les femmes enceintes ayant débuté la prise du fer à leur première consultation pré natale (CPN) et ayant un total de « oui » (un test comportant six questions dont les réponses sont soit ‘’oui’’ soit ‘’non’’ et dont l’auteur est X. Girerd) supérieur ou égal à trois et un total de « oui » inférieur ou égal à deux pour les témoins. Les données ont été recueillies sur des fiches de collecte individuelle et complétées avec les bulletins d’examen, les carnets de suivi de grossesse, les rapports d’activités mensuelles. C’en est suivi un travail d’analyse qui a abouti aux résultats, en deux mois, de 250 cas de mauvaise observance sur 809 patientes, soit une fréquence de 30,90% de mauvaise observance du traitement préventif de l’anémie par la prise du fer.

Les femmes mariées représentaient 78,80% parmi celles ayant une mauvaise observance du traitement (MOT). De ces patientes mariées, presque la totalité, soit 90,87% vivaient dans des foyers monogames. Les patientes scolarisées représentaient 62,40% des cas au cours de l’étude et parmi elles, 50,64% avaient un niveau secondaire. Près de 2/3 des patientes avaient un niveau socio-économique moyen, soit 66,40% au niveau des cas.

Pour les caractéristiques liées au fer, on note qu’au cours de l’étude, le fumarate ferreux était prescrit chez 54,40% des patientes ayant une MOT. La forme galénique du fer en comprimé et prescrite chez 46,80% des patientes ayant une MOT.
42,80% des femmes enceintes ayant une MOT ont déclaré préférer le fer en comprimé. « Et presque la totalité de nos parturientes, soit 91,20%, prenaient le fer après les repas. Les nausées suivies des vomissements étaient les effets secondaires les plus rapportés chez les femmes ayant une MOT. Par contre, près de la moitié des patientes n’ont pas notifié d’effets secondaires liés au fer », précise Madi Kirakoya.

Les vomissements et paludisme au cours de la grossesse et les effets secondaires, tels que la constipation et les vomissements, étaient retrouvés comme des facteurs associés à la mauvaise observance du traitement préventif de l’anémie par la prise du fer à l’HOSCO durant la période d’étude.

Après des démonstrations, l’étudiant a reconnu que son étude a montré des limites liées à son caractère transversal. « En effet, des biais d’observation de sélection pourraient être rencontrés. Notre étude ayant été réalisée seulement à l’Hôpital Saint Camille de Ouagadougou, nos résultats pourraient ne pas être rapportés à l’ensemble de la population burkinabè. Malgré ces limites et contraintes, nous sommes parvenus à des résultats qui, comparés à la littérature, nous ont permis de mener la discussion suivante. La fréquence de la mauvaise observance était de 30,90% dans notre étude. Ce résultat est sensiblement égal à celui de Seck au Sénégal qui rapportait 31%, mais supérieur à celui rapporté par Bekele en Ethiopie qui était de 20,40%.

Cette différence pourrait s’expliquer par notre méthode d‘étude d’une part et le niveau de sensibilisation qui pourrait être plus faible dans notre contexte. L’âge, l’occupation professionnelle, le statut matrimonial, le niveau socioéconomique n’ont pas été retrouvés comme des facteurs de mauvaise observance du traitement préventif de l’anémie chez la femme enceinte par la prise de fer dans notre étude. Ces données sont différentes de certaines retrouvées dans la littérature », illustre Dr Kirakoya. Ainsi, poursuit-il, Bagagnan au Burkina retrouvait, contrairement à l’âge, l’occupation professionnelle et le niveau d’instruction comme des facteurs influençant l’observance du traitement.

En conclusion, Madi Kirakoya note que la stratégie de la supplémentation en fer chez les femmes enceintes reste toujours un problème pour la lutte contre l’anémie chez la femme enceinte par la prise du fer. La bonne observance du traitement devrait permettre de venir à bout de ce problème, mais l’étude a permis de constater une fréquence toujours élevée de la mauvaise observance du traitement préventif de l’anémie par la prise du fer. Aussi, elle a permis de retrouver les grossesses non planifiées, la géophagie et la pathologie au cours de la grossesse et les effets indésirables liés au fer comme facteurs de mauvaise observance. D’où la nécessité d’insister sur l’éducation sanitaire et sensibiliser les femmes en âge de procréer pour renforcer et pour une bonne adhésion au traitement préventif de l’anémie par la prise du fer afin de vaincre l’anémie chez la femme enceinte.

Dr Kirakoya suggère donc la mise en place et le renforcement de partenariat public-privé afin de rendre disponible le fer gratuitement dans les structures privées de santé. Tout comme la mise à contribution des associations féminines pour une sensibilisation de proximité, le renforcement des séances d’éducation sanitaires sur la prophylaxie anti-anémique. Aux femmes enceintes, consulter en cas d’effets indésirables pour un changement probable du produit, effectuer régulièrement les consultations pré natales. A la communauté (les conjoints surtout), il suggère d’accompagner les femmes enceintes dans le suivi de leurs grossesses et faciliter l’éducation des filles.
La thèse, dirigée par Pr Jean Lankoandé, Pr titulaire en gynécologie et obstétrique à l’UFR/SDS (Unité de formation et de recherche en science de la santé (UFR/SDS) a eu pour co-directeur, Dr D. Paul Kain, assistant en gynécologie et obstétrique à l’UFR/SDS.

En plus du directeur de thèse, le jury était composé de Pr Ali Ouédraogo (Pr titulaire en gynécologie et obstétrique à l’UFR/SDS, président du jury), Dr Issa Ouédraogo, chef du service de gynécologie-obstétrique du CHR (Centre Hospitalier Régional) de Ouahigouya, assistant en gynécologie-obstétrique à l’UFR/SDS et Dr Emile W. Ouédraogo, pharmacien clinicien en service au centre national de vigilance des produits de santé à la DGPML (Direction générale de la pharmacie, du médicament et des laboratoires).

Le jury a, après avoir fait des observations dans la forme et dans le fond, salué l’actualité du thème et sa pertinence, car l’anémie reste, selon lui, un problème du fait de la pauvreté (on ne mange pas bien).

Aux termes de l’exercice, le jury a déclaré la thèse digne de la « mention très honorable » avec ses félicitations. Dr Madi Kirakoya rejoint ainsi ses devanciers pour apporter sa contribution dans un domaine crucial et plein de défis : la santé.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

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