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Nathalie Somé, présidente du Conseil Supérieur de la Communication : « Il faut que je me fasse à l’idée que les journalistes ne s’intéressent qu’au train qui arrive en retard »

Publié le mardi 29 novembre 2016 à 23h45min

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Nathalie Somé, présidente du Conseil Supérieur de la Communication : « Il faut que je me fasse à l’idée que les journalistes ne s’intéressent qu’au train qui arrive en retard »

Le jeudi 12 septembre 2014, Nathalie Somé prenait officiellement les commandes du Conseil supérieur de la communication (CSC). Deux ans après, la « maison » tient bon malgré les orages qu’elle a connus notamment sous la Transition. Suspension des émissions interactives, feuilleton judiciaire avec le bimensuel L’Evénement et le dernier en date, le remplacement de Désiré Comboigo au poste de Vice-président, décision annulée par le Tribunal administratif et dont le CSC a fait appel. En dépit de toutes ces turbulences, le Conseil supérieur de la communication s’est doté d’un plan stratégique 2017-2021 et il est prévu la relecture de sa loi organique. Autant de chantiers dont nous parle Nathalie Somé dans cet entretien.

Lefaso.net : Bonjour, Madame la Présidente. Pour commencer, j’ai envie de vous poser la question suivante. Qu’est-ce que bien communiquer ?

N.S : C’est une colle que vous donnez-là. Je ne savais pas que je devrais donner un cours de communication.
Mais bien communiquer pour moi c’est savoir répondre à un besoin d’information. Je dis bien savoir répondre parce que ces mots renvoient à la nécessaire maîtrise de l’information et du contexte. Pour faire simple je dirai savoir quand communiquer, quoi communiquer et comment communiquer. Pour une communication authentique qui atténue la manipulation et la désinformation, il s’avère utile à mon avis de connaître les valeurs qui fondent la société dont on rend compte pour le cas des journalistes.

Lefaso.net : Sur une échelle de 1 à 10, quelle note attribuez-vous à la qualité de la communication entre le CSC et les médias burkinabè ?

N.S : Votre question telle que posée m’embarrasse un peu. Elle laisse entrevoir une interaction qui voudrait que la note à donner soit la moyenne de deux notes. Celle attribuée d’une part au CSC pour sa communication et de l’autre la note des médias. Si je dois noter uniquement le CSC, je lui donne 8/10. En deux ans de mandat les échanges avec les médias et leurs acteurs sont nombreux et édifiants. Ils vont des visites de terrain, en passant par des rencontres d’informations, des communiqués de presse et bien d’autres choses. Mais si vous faites spécifiquement allusion à ce qui transparait souvent comme des incompréhensions entre le CSC et les médias, ceci est à placer dans le registre de l’amélioration continuelle et rien de plus.

Lefaso.net : Persona non grata au sein du CSC pour son implication présumée dans le coup d’Etat de septembre 2015, Désiré Comboïgo avait été éjecté de son poste de vice-président et remplacé à la vice-présidence par le conseiller Jean De Dieu Vokouma. Le Tribunal administratif vient d’annuler ce changement ; comment accueillez-vous ce verdict et quelles en sont les conséquences ?

N.S : Bien communiquer c’est aussi opérer le choix juste des mots pour apprécier une situation. Le mot éjecté me semble très chargé pour qualifier le remplacement de Monsieur Désiré Comboïgo au poste de Vice-président. Nous avons largement communiqué sur les circonstances de l’élection du nouveau vice-président, ce serait dommage de laisser entrevoir autre chose que ce qui est. Maintenant comment j’apprécie la délibération du Tribunal administratif d’annuler ce changement, je vous réponds que nous avons fait appel de la décision. C’est un collège qui a élu Monsieur Vokouma à la majorité absolue.

Lefaso.net : Un autre membre du collège du CSC, à savoir Madame Victoria Ouédraogo/Kibora, a démissionné. Comment avez-vous accueilli son acte ? A-t-elle été remplacée ?

N.S : J’ai lu dans un libre propos en réaction à une interview que j’ai accordée au quotidien Le Pays qu’il faut que je me fasse à l’idée que les journalistes ne s’intéressent qu’au train qui arrive en retard. Malheureusement même quand le train est à l’heure vous voulez qu’on dise qu’il est en retard. Pourquoi voulez-vous que Madame Ouédraogo reste au CSC quand d’autres opportunités s’offrent à elle ? Dans les textes portant organisation et fonctionnement du CSC, nulle part il n’est dit que quand on est nommé conseiller on y reste forcément jusqu’à la fin de son mandat. Bien au contraire la loi parle des conditions de remplacement. C’est ainsi que son remplaçant vient d’être nommé. Vous le connaîtrez quand il aura pris fonction.

Lefaso.net : Dans sa parution du 10 juin 2016, le bimensuel l’Evènement a indiqué que l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) a reçu la plainte d’une « taupe » contre votre directeur administratif et financier et vous-même pour malversations au sein du CSC. Certaines OSC avaient même demandé un audit de l’Institution. Un mot là-dessus ?

N.S : De quelles OSC parlez-vous ? On utilise aujourd’hui les OSC comme des épouvantails et c’est bien dommage. Le budget du CSC provient des fonds publics. C’est normal que l’Etat à travers ses structures habilitées, contrôle l’utilisation de ces fonds. Nous avons bien accueilli cet audit. Il y a malheureusement beaucoup de brouhaha tendancieux que certaines personnes entretiennent mais seule l’autorité de contrôle a voix au chapitre.

Lefaso.net : Une assemblée générale du personnel tenue récemment au sein du CSC a abouti à une déclaration d’apaisement au sein de l’institution, comment cela s’est-il passé ?

N.S : C’est un processus interne qui a débuté depuis le mois de mai 2016, donc depuis six mois, avec les cadres supérieurs du CSC autour de la Présidente et qui a abouti à cette déclaration d’apaisement. Comme quoi, la précipitation, même en période de crise n’est pas indiquée.
Il y a déjà de « petits malins » qui veulent en tirer avantage et ces gens vous diront qu’ils sont à l’origine de cette décrispation. Mais ce qui est important pour nous, c’est l’avenir que nous scrutons avec beaucoup de sérénité.

Lefaso.net : Quelle est l’ambiance aujourd’hui au sein du CSC ?

N.S : L’ambiance est au travail. Nous avons un plan stratégique 2017-2021 et sa mise en œuvre nous préoccupe plus que tout autre chose.

Lefaso.net : Un mot sur le plan ?

N.S : Le plan stratégique 2017-2021 est une feuille de route, c’est un document de planification d’un coût total de 9 milliards de francs CFA axé sur le développement institutionnel du CSC.
Nos devanciers Adama FOFANA (pour qui j’ai une pensée pieuse), Luc Adolphe Tiao et Béatrice Damiba, ont fait un gigantesque travail d’ancrage institutionnel du CSC, et l’hommage que nous leur devons c’est d’achever les chantiers laissés en latence, dont celui du développement institutionnel. Par développement institutionnel il faut entendre le développement des capacités opérationnelles du CSC qui passe par l’acquisition d’équipements performants pour l’observation des médias audiovisuels au nombre de 196 aujourd’hui, la modernisation de l’administration et les techniques de régulation, l’amélioration des conditions de travail, le renforcement de l’accompagnement des médias pour plus de professionnalisme, etc.

Lefaso.net : Il est question de relire la loi organique régissant le CSC ; pourquoi une telle opération ?

N.S : L’idée de relecture de la loi organique régissant le CSC s’inscrit dans le cadre des réformes en cours dans notre pays, et visant à asseoir des institutions fortes pour la consolidation de notre démocratie. Du reste, vous savez que la Commission constitutionnelle mise en place par le Président du Faso a entendu le CSC sur ses missions et son fonctionnement, ce qui a permis de relever les insuffisances et limites de la loi actuelle, donc la relecture serait une suite logique des échanges que nous avons eus avec la Commission constitutionnelle.

Lefaso.net : Quelles sont les failles actuelles et quelles pourraient être les nouvelles orientations ?

N.S : Plusieurs failles ont effectivement été relevées dans la loi et ce sont, entre autres, l’imprécision de certaines dispositions dont celle concernant la vice-présidence, l’absence d’une procédure disciplinaire à l’encontre des membres du collège, l’imprécision du pouvoir du CSC en matière de gestion de contentieux, l’absence d’une procédure claire applicable devant le CSC, etc.

Pour les nouvelles orientations, il m’est difficile de présager du contenu d’une nouvelle loi régissant le CSC, dans la mesure où c’est au législateur d’en décider. Même si nous pouvons faire des recommandations, allant dans un sens ou dans un autre, le législateur reste libre de nous suivre ou pas. Mais si je dois forcément donner une réponse, je dirai que nous souhaitons qu’une nouvelle loi aille dans le sens de la résolution des nombreux problèmes de fonctionnement que nous vivons aujourd’hui, et qui sapent nos efforts visant une régulation efficace et efficiente du secteur de la communication. A cet effet, la composition du Collège devrait connaître quelques précisions, notamment sur le profil des membres désignés, de sorte à s’assurer de leurs compétences techniques, mais aussi que leur spécialité, domaine de formation ou parcours puissent servir les besoins de la régulation. C’est pourquoi nous pensons qu’en plus des professionnels de la communication, il faut nécessairement le concours d’autres compétences comme celles de juriste, d’économiste et d’ingénieur télécom.
Pour le reste, il s’agira de faire quelques réajustements pour améliorer le fonctionnement du CSC.

Lefaso.net : Le CNT a voté en 2015 de nouvelles lois sur les médias burkinabè ; que retenez-vous d’essentiel dans ces nouveaux textes ? Comment appréciez-vous leur mise en œuvre un an après ?

N.S : L’adoption de ces textes était nécessaire afin de disposer d’instruments juridiques actuels qui cadrent avec les nouvelles réalités du secteur. Pour l’essentiel, nous pouvons dire que ces textes ont apporté plusieurs innovations à savoir l’éclatement du Code de l’information en trois lois tenant compte des évolutions, la loi sur la presse écrite, une autre sur l’audiovisuel et une troisième qui encadre la presse en ligne et le renforcement de la liberté de la presse à travers la dépénalisation des délits de presse.
Sans oublier la nouvelle loi sur la publicité qui va permettre de mieux organiser ce secteur. Pour leur mise en œuvre, il est trop tôt de donner une appréciation, les acteurs sont actuellement dans la phase d’appropriation.

Lefaso.net : Où en est-on aujourd’hui avec la gestion des émissions interactives dont vous avez recommandé l’encadrement ?

N.S : A chaque fois que le CSC est interpellé sur la gestion des émissions interactives, cela nous rassure sur le fait que tout le monde est unanime sur la nécessité d’encadrer ces émissions. La régulation est une mission de veille permanente qui incombe à tous et non uniquement à l’instance de régulation. C’est pourquoi dans notre stratégie nous avons des campagnes de sensibilisation. La dernière que nous allons bientôt lancer est celle sur l’éducation aux médias. La mission assignée au CSC que nous ne perdons pas de vue est d’asseoir une communication apaisée au Burkina et nous y travaillons chaque jour.

Lefaso.net : D’une façon globale, comment appréciez-vous l’état du secteur de la communication au Burkina ?

N.S : Il faut déjà se féliciter de l’évolution du cadre juridique du secteur de la communication avec les textes que nous évoquions tantôt. Ce sont des efforts du gouvernement qui, couplés à la subvention de l’Etat et aux fonds d’appui à la presse, doivent pousser davantage au professionnalisme. L’euphorie qui entoure le classement du Burkina en matière d’exercice de la liberté de la presse (1er dans l’espace francophone africain) fait oublier l’énorme part contributive de l’Etat dans ce classement. Le professionnalisme est une quête permanente et les hommes des médias ne devraient pas s’offusquer lorsqu’on fait appel à ce sens pratique surtout dans ce contexte de mondialisation de l’information et de bouleversement. Pour conclure je dis qu’il reste encore à faire.

Lefaso.net : Un dernier mot ?

N.S : Je vous remercie de l’occasion que vous nous donnez pour nous adresser à vos lecteurs.

Propos recueillis par Herman F. Bassolé
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