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Pré-campagne électorale : Les syndicats dérapent, les partis politiques observent

Publié le mardi 24 mai 2005 à 07h30min

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Ne dit-on pas que demain se prépare aujourd’hui ? La présidentielle avance à grands pas. Et pour l’heure, les politiques ne brillent pas par leur présence dans la préparation du scrutin ou plutôt brillent-ils par la diffusion dans les journaux de leurs bonnes vieilles déclarations.

Si quelques-uns ont écrit pour appeler leurs militants à s’inscrire sur les listes électorales, sur le terrain pratique, il revient que les agents en charge de la révision des listes se tournent les pouces. Les partis ne s’intéressent pas à ce préalable dans l’acte de voter. Dans cette atmosphère morose, la cerise sur le gâteau est venue de quelques leaders syndicaux.

Non satisfaction de leurs revendications, égale boycott des élections. On croit rêver ! Certains acteurs publics oublient qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis des institutions, de leur structure et plus important de l’opinion. Leur dérapage peut avoir sur elles des conséquences néfastes.

La liberté n’est certainement pas celle qu’ils pensent : dire n’importe quoi et n’importe quand.

Parlant à l’occasion de la grève du 10 mai pour revendiquer de meilleures conditions de vie, un "général" bien connu a fait une sortie malheureuse appelant à la grève d’inscription sur les listes électorales des militants syndiqués et plus tard à celle d’aller mettre son bulletin dans l’urne. Certainement là, la matérialisation du syndicalisme révolutionnaire de lutte de classes.

Pour revenir à cet amalgame dommageable pour l’esprit et le contenu de la république, il faut sans doute y voir la propension qu’ont nos leaders d’opinion à oublier qu’ils ont une partition importante à jouer. Celle de participer d’abord à la construction d’un civisme ou plus simplement à l’émergence d’une conscience citoyenne.

Ce type de chantage pour "augmenter son gombo" et sur un sujet aussi cardinal pour le devenir d’un pays ne peut que discréditer les syndicats et le syndicalisme. En s’oubliant au point de dire tout haut cette énormité, le leader en question a simplement confondu son syndicat à une armée obéissant au doigt et à l’œil.

Premier droit à l’expression

Sinon, il aurait compris que les militants sont dotés d’une conscience et ont chacun leur sensibilité politique. Autrement dit, le syndicat n’est-il pas ouvert à tous sans distinction aucune d’appartenance religieuse, ethnique, politique et tutti quanti.

N’est-ce pas du reste pour cela, qu’il se plait à mettre en avant son apolitisme en vue de pouvoir rassembler le maximum de travailleurs en son sein ? Il est vrai qu’en période électoral, l’oreille dit être disposée à tout entendre chacun voulant mettre à profit ce moment où il est courtisé pour dire sa vérité.

Mais toute vérité est-elle bonne à dire ? Depuis le début de l’année 2005, les syndicats sont au devant de l’actualité. Ils disent user de leur droit à la revendication, à aller en grève et à appeler les politiques à leur devoir. Mais devoir pour devoir, ne sont-ils pas tenus par celle de réserve, du moins sur certains sujets ? En effet, s’isoler dans l’urne, avoir le pouvoir seul de décider en étant sûr qu’aux alentours il n’y a trace ou possibilité d’aucune sorte d’influence, n’est-ce pas là l’expression même de la liberté.

Le droit de vote est le premier mode d’expression du citoyen. Celui par lequel il influe directement sur le cours de son destin. Comment quelqu’un, fut-il grand leader syndical, peut-il lui denier ce droit ?

Silence inquiétant

Tous les républicains ont entendu et certainement compris que le monde du syndicat a pris l’habitude de se parer de la tunique de diseur de la bonne parole. Pas que cela soit en soi mauvais, mais lorsque cette posture qu’elle prend heurte les valeurs de la république, on se demande pourquoi ces partis politiques sont aux abonnés absents. Non contents d’être le plus souvent à la remorque de la société civile, ils cultivent une complaisance de mauvais aloi dans le débat public. Leur devoir est d’abord d’afficher au moins une constance quant à l’intangibilité de certains principes, en particulier ceux qui contribuent à construire un Etat de droit et une nation.

Mis à part le FFS qui s’est désolidarisé de cette sortie malheureuse de nos syndicats là encore au travers d’une sempiternelle déclaration, tous les autres partis ont feint de n’avoir pas entendu la charge au vitriol. Chose difficilement compréhensible quand pour une fois sur la ligne de départ à la prochaine présidentielle, ils ne seront pas moins de dix postulants.

Dans la construction de l’Etat de droit, la phase qui est celle du Burkina Faso, à savoir l’apprentissage, peut engendrer des dérapages. Cela, du reste, se vérifie tous les jours. Mais qu’en de cas avérés et aussi patents, il n’y ait pas de droit de réplique, il est clair que la prise de conscience de la responsabilité des leaders d’opinion mettra du temps. Les élections à venir, en novembre puis février prochains, sont déjà là. La fièvre de la préparation est à la température zéro et les travailleurs travaillent à les banaliser, du style nos revendications sont plus importants. Le défi lancé aux partis politiques sera-t-il relevé ? Vont-ils montrer que ces échéances sont capitales et que le peuple doit sortir en grand nombre pour s’exprimer ? Car s’ils n’ont pas compris ces partis que le succès de la présidentielle et des municipales leur incombe au premier chef et en l’occurrence que la CENI ne peut tout faire seule autant qu’ils mettent chacun la clé sous la porte. Et telle que se présente l’avant-élection, l’heure n’est pas à l’optimisme. Mais qui sait ? Peut-être qu’ils mettront le turbo la saison hivernale venue !

Souleymane Koné
L’Hebdo

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