LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Simon Compaoré, maire de Ouagadougou :

Publié le dimanche 4 janvier 2004 à 17h42min

PARTAGER :                          

"Je suis parmi les responsables qui marchent le plus à Ouagadougou. Si vous devez en citer cinq, il faut inclure le nom de Simon Compaoré". Oui, le maire de Ouagadougou est un homme qui est sur tous les chantiers pour la construction de sa ville. En dépit de ses multiples occupations, il s’est aménagé un temps pour répondre à l’invitation de Sidwaya, lundi 24 novembre 2003.

Durant près de trois heures d’horloge avec son franc parler, le "Shérif" de la ville, comme il se nomme lui-même, n’a pas fui les nombreuses questions des journalistes.

Des sujets aussi délicats les uns que les autres comme le lotissement de la ville, la lutte contre la dépravation des mœurs, l’incendie du marché Rood Woko...
De sa vie d’homme politique, depuis le temps des CDR, il en a fait cas.
Nous vous invitons à le lire plutôt.

sidwaya (S.) : Un coup d’Etat vient d’être déjoué au Burkina. Quel est votre commentaire là-dessus ?

Simon Compaoré (S.C.) : Je suis de ceux qui pensent que le temps des coups d’Etat est révolu dans notre pays. Nous vivons dans un contexte national et international qui veut que chaque citoyen qui a des velléités de quelque nature que ce soit, sache que nous sommes à l’heure de la démocratie. Et qui dit démocratie dit acceptation des principes de conquête du pouvoir dans les Etats de droit. Par définition, le coup d’Etat est un acte de force contre un régime démocratiquement élu. On ne peut donc l’accepter, surtout pas dans notre pays où toutes les conditions existent pour la libre expression. Je condamne avec force cet acte parce que ceux qui en sont à la base travaillent à faire rouler la roue de l’histoire en arrière.

S. : Etes-vous de ceux qui pensent que ce problème doit être résolu politiquement ?

S.C. : Non ! Nous sommes dans un Etat de droit, il faut laisser le droit parler. Certaines déclarations m’ont donné froid au dos parce qu’en démocratie on peut demander que le droit soit dit. Mais si des gens manifestent parce qu’on a interpellé un homme politique, ce n’est pas normal. En tant que maire, si je venais à être arrêté un jour pour avoir posé des actes de malfrat, je dois être traité comme tel. Car, nul n’est au-dessus de la loi même pas le président. Face à cette tentative manquée de coup d’Etat, nous avons relevé deux façons de réagir dans le monde politique. Il y a ceux qui attendent de voir parce qu’ils n’en connaissent ni les tenants ni les aboutissants ; il y a également ceux-là qui crient au montage comme s’ils étaient informés bien avant. Je pense qu’il faut attendre les investigations de justice en cours pour être définitivement fixé sur les tenants et les aboutissants de ce coup d’Etat. Si c’est un montage le peuple le saura à la fin des enquêtes et je suis sûr qu’il ne restera pas impassible. Aussi, laissons la justice s’exprimer parce que nous sommes dans un Etat de droit.

S. : Vous dites être contre les coups de force. Cependant, il y a deux ans environ, vous avez conduit un groupuscule d’individus qui a envahi le domicile de M. Halidou Ouédraogo. N’est-ce pas là une preuve que vous avez des velléités putschistes ?

S.C. : Ne refouillons pas les poubelles (rires) ! En son temps, je suis intervenu pour dire que ce n’est pas Simon Compaoré qui a voulu investir le domicile de M. Ouédraogo. Je suis un homme tenace qui a le courage de ses opinions. Quand je veux agir, je le fais à visage découvert et je n’envoie pas quelqu’un à ma place. A l’époque, il y a eu un certain nombre de choses qui ont conduit à cette situation. Mais aujourd’hui, quand on parle de cette affaire, on ne fait pas cas de ces éléments. Bref !

C’est une affaire qui appartient maintenant à l’histoire, ne revenons pas dessus. Du reste, mon ami Halidou Ouédraogo a dû vous dire que lorsqu’on se rencontre, on se dit des choses.

S. : Il y a des noms de certains membres du CDP qui sont cités dans la tentative manquée de putsch. Qu’en savez-vous ?

S.C. : C’est peut-être là une façon de noyer le poisson dans l’eau. Et j’ai rigolé quand j’ai entendu cette nouvelle dans une des revues de presse à la radio. Jusqu’à preuve du contraire, je dis que c’est une diversion.

S. : Alors que les enquêtes ne sont pas terminées vous parlez diversion ?

S.C. : Oui ! Je dis que c’est de la diversion parce qu’on accuse des gens de mon parti que je connais bien. En plus, c’est un mois après qu’on découvre brutalement que des responsables du CDP sont mêlés à la tentative manquée de putsch. Vous dites que je suis pressé. Mais pourquoi des gens font les déclarations péremptoires. ?

Dites-leur de justifier leurs propos et de donner les éléments au juge pour permettre au dossier d’avancer.

S. : En tant que fils de pasteur, comment appréciez-vous l’implication d’un pasteur dans la tentative de coup d’Etat ?

S.C. : Si son implication s’avère, nous ne pouvons que nous démarquer d’un tel pasteur qui ne peut qu’égarer les brebis. Ce sera une mauvaise chose pour un pasteur qui a pour mission d’enseigner la sagesse, la tolérance, la rigueur et le respect des lois. C’est pour cette raison que nous les protestants respectons le drapeau qui est une valeur, un symbole de l’Etat. Nous combattons les sectes qui sont contre ce respect, car cela est contraire à la parole de Dieu.

S. : La ville de Ouagadougou est en passe d’être la capitale des altermondialistes et pour preuve. La tenue des réunions des cotonculteurs et du mouvement Emmaüs international. Qu’en dites-vous ?

S.C. : Le rêve d’un maire, c’est de voir sa ville propulsée. Aujourd’hui, on peut se féliciter que de grandes rencontres se tiennent à Ouagadougou. Et cela a une grande signification parce qu’on ne va pas dans une ville xénophobe, qui n’est pas sécurisante, une ville qui n’offre pas le minimum de liberté d’expression.

Si Ouagadougou est devenue une ville des grandes rencontres, c’est parce que nous avons des atouts qu’il faut biensûr consolider. Je ne peux que me réjouir de cette avancée.

S. : La crise ivoirienne perdure. En tant qu’homme politique, comment voyez-vous l’issue de cette crise ?

S.C. : Aucun Burkinabè ne peut souhaiter le malheur du peuple ivoirien, encore moins la classe politique qui connaît très bien les dirigeants de ce pays. Parce que ce sont des gens que nous avons côtoyés, que nous avons reçus à certaines rencontres ici à Ouagadougou. A plusieurs congrès du CDP, nous avons invité la classe politique ivoirienne, le FPI, le RDR, le PDCI etc. Ils nous ont toujours fait l’amitié de répondre présents. C’est pourquoi nous sommes tristes et déplorons ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Si vous observez la classe politique burkinabé et ivoirienne, on peut dire à peu de choses près qu’on devrait être sur la même longueur d’onde du point de vue de la vision du monde.

Malheureusement, cette situation qui perdure constitue un véritable problème, pas seulement pour les Ivoiriens, mais pour l’ensemble de la sous-région. En tant que Burkinabè, je ne peux que déplorer cette situation et souhaiter vivement qu’on trouve enfin une solution à la crise. Mais, j’avoue que je suis extrêmement perplexe parce qu’au moment même où les responsables politiques et administratifs de l’Afrique et de l’Europe cherchent une issue à la crise, d’autres personnes choisissent de jeter l’huile sur le feu. C’est très regrettable et c’est pourquoi je dis que tant que ces velléités vont continuer, la situation en Côte d’Ivoire ira de mal en pis.
<
S. : Une élection anticipée pourrait-elle être une solution de sortie de crise ?

S.C. : Personnellement, je suis sceptique quant à l’organisation d’une élection anticipée parce qu’il faut résoudre d’abord certaines questions existentielles et fondamentales. Il s’agit par exemple du problème agraire et surtout de nationalité. Car, on ne peut organiser des élections sans au préalable procéder à un recensement de l’électorat.

Alors qu’en Côte d’Ivoire, il se pose le problème de "délimitation" avec la question de l’ivoirité.

S. : Le consensus social et politique n’est-il pas totalement rompu en Côte d’Ivoire ?

S.C. : Je crois qu’il demeure en chaque homme un minimum de lucidité qui fait que quand bien même il est avancé dans l’erreur à un certain moment il revient sur ses pas. Prenons l’exemple de la Georgie, le président aurait pu persister dans l’erreur et faire tirer sur la foule. Mais après avoir pesé le pour et le contre, il est même venu à la démission. Je pense que c’est une solution de sagesse parce-qu’il n’a pas vu sa propre dimension mais plutôt l’intérêt du peuple. Une solution heureuse en Côte-d’Ivoire ne viendra que du courage dont ses dirigeants voudront faire preuve ; dépasser le moi et voir l’intérêt général. Si la Côte-d’Ivoire brûle aujourd’hui, il faudra des générations pour la rebâtir et nous en serons tous victimes.

S. : Vous avez mis en place des commissions d’enquête et commandé un audit sur les opérations de lotissement notamment dans certains arrondissements. Où en êtes-vous avec ces opérations ?

S.C. : Je suis né ici et la seule ville que je connais très bien au Burkina est Ouagadougou. Aujourd’hui, si je voulais m’enrichir, je suis de ceux-là qui pouvaient prétendre avoir, par le biais de la magouille, au moins une trentaine de parcelles au bas mot. La possibilité m’était donnée. Mais actuellement je défie quiconque de trouver une parcelle dans la ville de Ouagadougou donnée par l’administration à Simon Compaoré. Là où je vis aujourd’hui, c’est sur un lopin de terre que j’ai acheté après mes études.

Auparavant, j’étais dans la grande famille où mon père m’avait donné une section de sa parcelle quand j’étais au lycée. Lorsque je constate que des gens font la magouille pour avoir 5, 10, 20... parcelles, cela m’énerve. Ils ne sont animés que par l’appât du gain. Je connais la valeur de l’argent mais je pense que c’est abject de faire ce que certains ont fait. C’est pourquoi, je n’ai pas hésité un seul instant à faire diligenter des enquêtes, à demander un audit pour la transparence. On juge les gens globalement et il m’arrive souvent de lire des écrits où on nous peint avec des pinceaux de toutes sortes.

Vous me donnez l’occasion justement de demander un certain discernement. Jusqu’à la fin du monde, il y aura toujours des faussaires, des brigands, des voyous, des "délinquants au col blanc". Même dans les sociétés qui tentent de nous donner des leçons, il y a des bandits au col blanc, en Europe, aux Etats-Unis, et à tous les niveaux. Comme nous sommes un pays pauvre, c’est peut-être moins visible. Chaque fois que l’occasion nous est donnée de faire la transparence à quel que niveau que ce soit, c’est bon de le faire. Et comme vous le dites, les opérations de lotissement ont toujours été de tout temps un problème pour les autorités, qu’elles soient étatiques, communales ou autres. Elles ont trouvé en place un système dans lequel lorsque vous apparteniez à telle ou telle structure, vous aviez automatiquement un certain nombre de parcelles. Moi j’ai récusé ce système. Si vous êtes un agent des domaines, désigné pour travailler dans une commission et que vous n’avez pas de parcelle, formulez une demande et vous obtiendrez une parcelle en bonne et due forme.

Dieu merci, tout est rentré dans l’ordre sur ce plan. Il n’y a plus de revendications déplacées allant dans ce sens. Nous recherchons sans cesse la transparence, mais il faut dire que ce n’est pas facile parce que certains citoyens indélicats sont passés experts dans la fraude, au point d’être plus ingénieux que l’ordinateur.

Vous avez le cas des localités comme Zongo et Koubri. A Zongo, en réalité une localité d’environ dix-huit mille habitants au maximum et pourtant on y a recensé cinquante deux mille habitants. La population d’une ville ! Dans le temps, il y avait des petites provinces où la population dépassait à peine ce chiffre. En somme, ce sont les gens qui nous posent des problèmes au niveau des lotissements, en faussant les éléments de départ comme pour les élections.

C’est pour tout cela que nous avons initié des enquêtes, des audits concernant certains lotissements, où il y a eu des opérations frauduleuses. Les enquêteurs ont recensé des cas de personnes non résidentes des zones à lotir et pourtant inscrites comme résidentes. Déjà à ce niveau, on a commis des malversations en faisant du faux. Ensuite il y a ceux qui ont fait inscrire d’autres personnes, dans l’intention de récupérer les parcelles qui leur seraient attribuées après, parce qu’ils ont de l’argent. Même parmi les conseillers municipaux, il s’est trouvé des personnes qui ont pactisé avec des complices pour se rendre coupables de faux à cause de l’appât du gain facile. Ces actes sont condamnables. L’audit nous a permis de corriger les erreurs et de permettre à chaque arrondissement qui avait son lotissement, de refaire une relecture des cahiers de recensement. C’est dommage que ces efforts que nous faisons ne soient pas médiatisés. Combien de maires ou de conseillers sont allés en prison ? Est-ce que la presse en parle ? J’estime avoir fait mon travail et il faut le reconnaître.

S. : Tout au long de votre premier mandat, le problème de lotissement a été un goulot d’étranglement et ce problème demeure au cours du deuxième mandat. Peut-on dire qu’il y a des limites au niveau du Conseil municipal ?

S.C. : C’est un problème de société, tout comme la lutte contre le phénomène de la prostitution. Ce n’est pas à coup de fusil ou de marteau qu’on peut résoudre ces questions. Il y a eu des lotissements avant nous, même sous la Révolution où il y avait une certaine manière de faire. Entre-temps, la possibilité d’octroyer des parcelles a été retirée au CDR. Ceci parce qu’il commençait à y avoir beaucoup de magouilles. Les magouilles continuent sous une autre forme aujourd’hui parce qu’on n’a pas encore trouvé le bon bout. En France, il y a par exemple des Sans domiciles fixes (SDF) mais 90% de la population est bien identifiée, ce qui n’est pas le cas ici. Beaucoup de gens n’ont pas d’adresses précises. Sans informatisation et adresses précises, vous trouverez toujours des petits malins pour se jouer de vous, en essayant de tromper votre vigilance. Il y a donc des éléments de départ qu’il faut cerner si l’on veut résoudre de façon fondamentale la question, à moins de faire comme ce que nous avons l’intention de faire. C’est-à-dire, après ces lotissements, ne plus lotir.

Du reste, c’est la position du Conseil municipal actuel. Mais en 2005, notre mandat sera terminé et nos successeurs auront peut-être une autre lecture de la situation. De notre point de vue, il n’est pas indiqué de continuer les lotissements parce qu’on étend la ville à perte de vue alors que les services sociaux de base ne suivent pas. Finalement on est en train d’ériger des quartiers de seconde zone.

S. : Que pensez-vous du lotissement du secteur 27 ?

S.C. : Lorsqu’il a été question de lotir la partie du secteur qui ne l’était pas encore un recensement a été fait mais les agents recenseurs ont commis du cafouillage : en attribuant des numéros fictifs ou en inversant leur ordre. Finalement, nous avons dû recommencer, ce qui a abouti à une situation où le nombre de demandeurs était supérieur au nombre de parcelles qui pouvaient être dégagées dans la zone. Les agents recenseurs avaient déjà collecté les contributions. Celles-ci ont permis de payer le cabinet pour le démarrage des travaux et dégager le nombre de parcelles. Il fallait donc satisfaire la partie restante qui ne pouvait pas avoir de parcelle sur ces lieux. Il avait été question de négocier avec le département de Saaba pour qu’une partie contigue au secteur 27 soit aménagée. On était à ce niveau quand on a découvert que dans la passation des marchés, il y avait eu des problèmes. Les conseillers qui avaient été commis à cette tâche ont pris langue avec l’urbaniste. Ils ont reçu des pots-de-vin. Ce qui leur a valu un séjour à la MACO. Même le Secrétaire général de la mairie à l’époque, un agent de l’administration centrale qui était au centre de l’opération, a été arrêté. Finalement nous n’avons pas eu les fonds pour le lotissement supplémentaire. Entre temps il y a eu des changements de préfets et le dossier et la question sera résolue afin de permettre aux gens du secteur 27 concernés de rentrer dans leur droit.

S. : L’an passé vous avez fait un communiqué concernant les riverains des barrages n° 2 et n° 3 invitant ceux qui étaient dans le lit, à changer d’endroit. Qu’en est-il ?

S.C. : La ville est vaste et nous ne pouvons pas savoir tout ce qui s’y passe. Quand les journaux évoquent par exemple des problèmes de propreté ou d’hygiène à tel endroit, j’appelle le directeur de la propreté pour qu’il agisse. Mais quelquefois aussi, vous ne nous aidez pas, vous n’allez pas à la source. C’est une critique amicale que je vous fais. Si vous écrivez des choses qui ne sont pas bien vous n’encouragez pas nous autres qui avons des déchets tous les jours sur la tête.

Il s’agit en fait des secteurs 11 et 12 Kologh-Naaba et Dapoya, précisément ceux qui jouxtent le barrage n° 2 essentiellement. Il s’est trouvé qu’ily a des zones là-bas qui n’ont jamais été loties alors que le barrage a été construit sous la période coloniale. Tout simplement, parce que le colonisateur, en son temps, savait que par rapport à des abords de barrages, on ne permet pas aux gens de s’y installer, à cause des risques d’inondation en cas de fortes pluies. Il y a donc un périmètre de sécurité qui est laissé, et ce sont ces périmètres de sécurité qui sont envahis depuis des années. Beaucoup ont construit de manière anarchique et s’y sont installés depuis des décennies. Ils ne peuvent même pas vous présenter un titre de propriété. En ce moment, c’est délicat. Si vous n’agissez pas et qu’une forte tornade cause des inondations on vous tiendra pour responsable, parce que vous n’avez pas fait déplacer ces gens vers un autre lieu d’habitation, en dépit du danger. Et lorsque vous assumez vos responsabilités, on crie au scandale, à l’atteinte aux droits de l’Homme. Comme on le dit en mooré, "prends-moi, mais ne me touche pas", c’est un exercice extrêmement difficile. Il faut être un magicien. Cependant, avec l’ONEA nous avons essayé de faire quelque chose. A cet effet, nous avons initié un recensement qui est actuellement en cours et qui permettra de catégoriser les résidents de cette zone. Pour ceux qui ont des titres de propriété, nous demanderons aux maires qui font des lotissements de les prendre en compte pour qu’ils puissent être dédommagés. Ceux qui se sont installés au hasard, qui n’ont pas de titre de propriété, pour eux, il est difficile de parler de dédommagement. Mais on reste humain. Il y a des gens qui se sont installés depuis plus d’une vingtaine d’années, qui n’ont pas de papier et qui sont dans une situation extrêmement difficile. En faveur de ces gens on peut demander aux maires d’essayer de les recaser dans les zones où il y a des lotissements.

S. : Pour imiter le langage populaire, on dit que "Simon est un travailleur". On se demande si ce n’est pas des actions d’éclats ?

S.C. : J’ai fait des études pour gérer des entreprises mais pas pour gérer une ville. C’est par le biais de la politique que je suis venu à la gestion de la cité et pour moi, ce n’est pas du "One man show". Les journalistes courent des risques, mais moi j’en cours mille fois plus que vous. Le journal Sidwaya est voisin du grand marché Rood-Woko, vous avez vu comment on m’a ceinturé là-bas. Ce sont des exercices extrêmement périlleux lorsqu’on veut accomplir correctement sa tâche. C’est pas du tout du "One man show". Je suis jeune, même très jeune, à 51 ans on a le temps de voir venir. Je n’ai pas l’intention de vendre ma vie comme ça. Mais quand vous acceptez comme les Mossis le disent, qu’on vous mette la corde au cou, il faut accepter qu’on la tire. Non, ce ne sont pas des actions d’éclats, il y a une sincérité en moi. Je suis un hypertendu et généralement les médecins recommandent qu’ils ne soient pas excités, qu’ils ne bougent pas beaucoup. Mais je suis parmi les responsables qui marchent le plus à Ouaga. Si vous devez en citer cinq, il faut inclure le nom de Simon Compaoré. Je fais cela parce que par exemple s’il y a des problèmes à Zabré-Daaga ou à Boins-Yaaré, c’est le nom de Simon qui sera affiché tout de suite.

La ville, c’est Simon Compaoré. Je bouge beaucoup et quelquefois pendant le week-end à moto. Ça me permet de voir ce qui ne va pas dans tel ou tel endroit. Je note et quand je reviens lundi matin, j’appelle mes collaborateurs pour les instruire.

Ce ne sont pas des actions d’éclats. Moi, je suis né ici, si je ne peux pas avoir la fierté de faire en sorte que ma ville, la ville qui m’a vu naître soit une ville digne de ce nom, bien propre, bien "cirée", ce n’est pas la peine. Ce n’est pas quand on va m’amener à Dori par exemple que je donnerai mieux à vivre. Donc ce n’est pas du "One man show". Croyez-moi, je suis quelqu’un qui aime relever les défis. Et la ville de Ouagadougou s’appelle la ville aux mille défis.

S. : On vous reproche de vous occuper du centre ville, délaissant les quartiers périphériques sans minimum d’infrastructures : eau potable, électricité, assainissement, insalubrité.

S.C. : Vous dites que les centres villes sont bien balayés, les routes sont bien bitumées... Cela est vrai, et c’est une vérité dans toutes les villes. Je sais que cette réalité est aussi vécue dans certaines zones de la France.

Il faut en tous cas commencer à travailler quelque part. Et si l’on ne faisait pas ce travail vous-mêmes, vous aurez des difficultés à accéder à vos services. Il faut tout simplement dire que nous avons commis des erreurs au niveau du développement de la ville. En 1960, Ouagadougou comptait 60 mille habitants, aujourd’hui nos statistiques nous donnent près de deux millions d’habitants.

Cela signifie que la ville s’est agrandie et de façon anarchique. Quand un développement se fait de la sorte, les problèmes surviennent également de manière anarchique. En voulant donner donc beaucoup de parcelles aux populations, nous avons fait des lotissements qui sont à saluer, cependant nous n’avons pas eu la capacité financière pour rendre aptes nos actions afin de faire une bonne viabilisation. Il fallait même, si toutes les routes ne sont pas bitumées, que ce soit des routes carrossables.

Je suis d’accord avec vous qu’au niveau des périphéries il y a encore beaucoup de problèmes. C’est pourquoi ceux qui vont venir, trouveront encore du boulot ; la gestion communale n’est jamais un chantier qui s’achève. Nous sommes en train de réaliser des micro-actions dans les quartiers qui ne sont souvent pas perceptibles par tout le monde, car nous le faisons loin des plumes et de la caméra. Je vous invite à faire de temps en temps un tour dans les quartiers pour voir ce qui se fait et ce qui reste à faire.

S. : La lutte contre la divagation des animaux semble battre de l’aile. Pourtant, les animaux continuent d’être source de nombreux accidents de la circulation ?

S.C. : Là aussi nous faisons des actions qui ne sont pas connues de tous. Vous avez donc parfaitement raison de critiquer et de penser que c’est comme cela. Je suis sûr que parmi vous, il y en a qui ont des parents qui élèvent des animaux dans leur cour et qui créent des désagréments à leurs voisins. Moi je ne suis pas sûr qu’en allant dans ces cours pour des actions de répression, il n’y ait pas quelqu’un d’entre vous qui n’écrive pas quelque chose qui n’aille pas dans le sens de notre acte. On ne dira pas qu’il faut féliciter le maire et le Conseil municipal, on parlera plutôt de la pauvreté grandissante et du mauvais traitement infligé à ces personnes. Et c’est le pouvoir qui sera indexé. Alors tous ceux qui quittent les campagnes pour les villes doivent se plier aux exigences de ces villes, car ne vit pas en ville qui veut, mais qui peut. Cela ne veut pas dire que j’ai du mépris pour les populations, c’est la réalité et il faut l’accepter.

La ville n’est pas faite pour l’élevage. C’est pourquoi nous demandons votre implication dans la recherche de solutions à ces genres de situation. Souvent nous voulons agir, mais lorsque nous le faisons pour le bonheur de tous, ce sont les mêmes personnes qui crient halte à l’anarchie, qui vont nous critiquer.

Nous allons réagir face à cet état de choses, parce que la parcelle est destinée au logement et non à l’élevage et à la porcherie. Ceux qui veulent faire de l’élevage, qu’ils aillent à la périphérie.

Nous sommes en pourparlers avec les Imams et les populations du quartier Hamdalaye (secteur 10) pour que tous ceux qui désirent faire de l’élevage puissent se rendre dans la zone qui sera aménagée pour cette activité. Ceci permettra d’éviter la divagation des animaux dans les quartiers et également la cohabitation hommes-animaux.

S. : La lutte contre la prostitution, les installations anarchiques, la réglementation de la circulation dans la ville sont autant de combats que vous menez mais qui ne semblent pas donner les résultats escomptés ?

S.C. : A ce niveau, je dirai que lors de mon premier mandat, j’ai fait du volontarisme un peu mêlé à du spontanéisme, toute chose qui peut conduire à des dérapages. Je pensais que la volonté était suffisante pour enrayer tous ces maux de la société que sont la prostitution, les chambres de passe et autres. Cependant après les critiques très constructives des uns et des autres, nous avons reculé pour mieux sauter. Nous avons revu la commission que nous avions mise en place et qui comprenait des religieux, des sociologues, des coutumiers, des élus municipaux... Cette commission revue a travaillé et a fait un certain nombre de propositions sur la lutte contre la prostitution au Conseil municipal qui, après une délibération, attend de les mettre en œuvre. Les principales actions tournent d’abord autour de la nécessité de recenser les chambres de passe qui se comptent à des milliers. Ensuite, connaître la situation de ces sites, c’est-à-dire savoir si ce sont des parcelles à usage d’habitation, et qui en sont les bénéficiaires afin de procéder à des interpellations. Des parcelles à usage d’habitation ne doivent pas être transformées en bordel (excusez-moi du terme, je ne suis pas vulgaire, c’est le terme technique), ni en zone de commerce ; cela est contraire au texte en vigueur ; car au regard de la loi, ces personnes sont passibles de sanction, ce qui peut entraîner le retrait de la parcelle.

Pour avoir une parcelle à usage commercial il faut bénéficier d’une autorisation du Conseil des ministres. Ces transformations anarchiques de destination faussent le schéma de la ville. Une parcelle appartenant à M. X doit être occupée par celui-ci et non par des professionnelles du sexe. Ces parcelles seront transformées en logements ; ce qui permettra à tous ceux qui n’en disposent pas de pouvoir en bénéficier. Alors ceux qui refuseront de se soumettre à cette règle verront leurs parcelles retirées.

Pour celui qui voudrait transformer sa parcelle en zone de commerce ou en "bordel", il doit se munir d’une autorisation, ce qui permettra à la mairie de pouvoir imposer des taxes en bonne et due forme. Nous allons tout aplanir et décourager les promoteurs des chambres de passe. Cela ne veut pas dire qu’une attention ne sera pas faite sur le raccolage qui devient grandissant dans notre capitale. Des opérations "coups de poings" vont se multiplier dans ce sens.

S. : Un autre problème demeure la prolifération des débits de boisson, notamment l’alcool frelaté ?

S.C. : Oui, nous avons démarré "l’opération liqueur". Nos forces de sécurité sillonnent toutes les artères de la ville et procèdent à la confiscation de cette catégorie de boisson qui se vend sans autorisation. Une fois saisie nous les détruisons systématiquement car les 3/4 de ces liqueurs sont de l’alcool frelaté provenant du Nigeria essentiellement. Ces liqueurs qui ont déjà fait des victimes, constituent une menace pour la santé de nos populations. En plus de cette opération, il y a celle dite "épervier", qui consiste à la saisie à la volée des médicaments de la rue par nos éléments motorisés.

S. : De nombreux malades mentaux circulent dans la ville, pouvant semer l’insécurité sans que cela n’inquiète les autorités municipales. Qu’en dites-vous ?

S.C. : C’est le point faible de la ville. C’est une question qui a été déjà débattue dès mon premier mandat. J’ai discuté avec pas mal d’acteurs dont l’hôpital qui refuse de recevoir les malades mentaux sans accompagnant. Ces maladesn’ont pas toujours les parents à côté. Il y a des parents qui refusent même d’accompagner ou d’assister leur malade à l’hôpital.

Je vais vous raconter une anecdote, "pendant mon premier mandant, lors d’une grande manifestation internationale, nous avions voulu déloger les fous pour les caser quelque part. A la place de la Nation, un fou a dit ceci aux policiers : Ah, vous avez reçu des étrangers et voulez chasserlesautochtones ? Après leurdépart on se verra".

Cecipourdireque les malades mentaux constituent un problème public.

Nous avons voulu construire un centre à Tanghin mais les populations s’y sont opposées. Nous avons repéré une autre zone dans l’arrondissement de Bogodogo pour la même cause, ce fut la même réaction de la part des populations. Alors nous lançons un appel à tous, pour la réinsertion de ces personnes. Nous souhaitons avec la collaboration des ministères de l’Action sociale et la Solidarité nationale, de la Justice, de la Santé, organiser un forum sur la question, pour essayer de dégager des solutions qui pourront juguler ce problème.

S. : Malgré les mesures prises interdisant les cultes dans les maisons d’habitation, la pratique continue. Quelles dispositions allez-vous prendre pour faire respecter ces mesures ?

S.C. : C’est pareil, j’ai déjà eu une réunion avec Monseigneur Jean-Marie Compaoré de l’église Catholique, le Pasteur Freeman Compaoré de la Mission évangélique, le président de la communauté musulmane et le grand Imam de Ouagadougou autour de la question. Ils m’ont fait comprendre qu’en tant que responsables religieux, ils n’approuvent pas, eux aussi, certaines attitudes de leurs fidèles. Nous avons convenu d’attirer l’attention de ces fidèles sur les tapages tendant à troubler la quiétude des citoyens. Cependant nous n’empêchons pas les uns et les autres à pratiquer librement la religion de leur choix. Seulement il faut le faire en respectant aussi la liberté des autres.

S. : Ouaga n’a plus de marché central. Est-ce qu’il n’y a pas des possibilités de le réouvrir en isolant l’aile brûlée ?

S.C. : Sur ce point je crois que le gouvernement tout comme la ville ont été très clairs. Il ne faut pas regarder le problème du marché central avec un œil de néophyte. Vous n’êtes ni des architectes, ni des techniciens du bâtiment et vous ne pouvez pas savoir ce qui est atteint et ce qui ne l’est pas. La règle de l’art, c’est-à-dire la réglementation du bâtiment dans de telles circonstances, où les flammes sont arrivées à faire céder des tonnes de béton, exige beaucoup de précautions. Il faut procéder à des vérifications afin de ne pas laisser les gens rentrer dans une telle structure et qu’il advienne par la suite, des événements extrêmement malheureux. Nous n’avons pas déploré de victime, cela a été une chance, ce n’est pas le moment de polémiquer autour de la question. Pour ce faire, nous avons pris des dispositions extrêmes, consistant à fermer tout le marché pour procéder à des études sérieuses afin de voir ce qui va être fait. Donc nous sommes à ce stade. Aussi, je profite de l’opportunité que vous me donnez pour fustiger de façon catégorique les attitudes anti-citoyennes de certains habitants de la ville et précisément dans le milieu politique qui ont pensé que nous avons fait de la complaisance dans ce marché. Je suis profondément choqué par de tels propos surtout quand je pense que j’ai failli me faire tuer dans le marché central alors que ces politiciens n’ont pas levé le petit doigt pour "dire non" aux commerçants. Alors j’ai compris que certains voulaient que je fasse une erreur monumentale, en envoyant les forces de l’ordre dans le marché. Cette bêtise allait sans doute entraîner des pertes en vie humaine. A mon avis, l’honnêteté voudrait qu’on ne fasse pas de ce malheur une misère politique. Je pense que ceux qui se sont livrés à ce jeu ne méritent pas le titre de politique. C’est malhonnête de dire que nous n’avons rien fait. J’ai été pourtant de ceux-là qui ont affronté le courroux des commerçants et cela, par ma volonté de faire et d’assumer. Je sais parfaitement avec mes 51 ans qu’on ne meurt pas deux fois.

A une semaine avant le drame, lorsque nous avons appris que certains commerçants utilisaient des groupes électrogènes, je suis allé à Rood Woko avec des policiers. Mais ils n’ont pas voulu m’écouter. En plus, lorsque M. Bayala des Assurances s’est désengagé du marché, on a failli le lyncher. Simon Compaoré n’a vraiment rien à se reprocher.

S. : Simon descend sur le terrain avec les policiers, pourquoi prendre ce risque ?

S.C. : C’est vrai, certains ont dit que je joue au shérif, mais oui je suis un shérif. En fait, je sors avec la police pourquoi ? J’ai 300 policiers municipaux dont la moyenne d’âge est de 25 ans. Même s’ils sont formés à l’Ecole nationale de la police pendant deux ans, ils deviennent notre produit sur le terrain. Devant les situations, je préfère assumer au lieu de me débiner, c’est plus responsable. Mais ces jeunes n’ont pas toujours l’ouverture d’esprit, n’appréhendent pas les problèmes de la même manière que moi. De même je peux connaître les répercussions d’une action donnée en tenant compte de sa dimension sociopolitique. Cela n’est pas évident pour des jeunes. C’est pourquoi je suis souvent avec eux pour éviter certaines bavures. Je fais en même temps de la sensibilisation. Mais je ne veux pas dire qu’ils ne travaillent pas correctement, seulement ils n’ont pas les mêmes responsabilités que moi.

S. : M. le maire, les bus circulent presque vides, que comptez-vous faire pour remonter la pente ?

S.C. : Nous comptons sur tout le monde. J’invite les parents à cesser d’acheter les mobylettes pour les enfants, c’est dangereux. D’ailleurs, nous souhaitons avec le ministère de la Sécurité, instituer le port du casque, parce que les statistiques des accidents sont effroyables. Je pense qu’il est plus judicieux pour les pères et mères de famille de chercher un abonnement à la SOTRACO pour leurs enfants, surtout qu’il est prévu un tarif préférentiel pour les élèves et les étudiants. C’est plus sécurisant pour les enfants. Effectivement je constate avec vous que les bus n’ont pas encore fait l’objet d’engouement. Mais je pense qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne. Je pense qu’il y a un travail à faire. Je profite de l’occasion pour réfuter toutes les allégations qui ont été dites à propos d’une volonté morbide des autorités municipales de voir les taximen réviser leur taux. Ce que nous demandons aux taximen, c’est de payer ce qu’ils doivent. Un point, c’est tout. Je n’ai jamais demandé à un taximan d’ajouter un franc à ce qu’il doit payer. Chaque taximan nous doit 40 000 FCFA par an (20 000 au titre de la patente et 20 000 FCFA pour les frais de stationnement). Et quand nous sommes arrivés en 1995, la taxe de stationnement était de 33 000 FCFA. A la demande des taximen, nous avons diminué cette taxe. Ce qui est inhabituel car de façon générale les impôts, on les augmente.

Pour ce qui concerne la SOTRACO, je pense que ça va venir petit à petit. Les gens comprendront qu’ils ont intérêt à revenir aux bus pourvu que ces derniers maintiennent leur régularité. Parce qu’il n’y a rien de plus mortel que de compter sur des bus et ne pas pouvoir les emprunter aux heures désirées. Il faut que ça soit comme en France.

Nous travaillons pour élargir, actuellement nous sommes à trente (30) bus et nous voulons atteindre une centaine de bus. Je crois que nous devons mener des actions de promotion et ça va venir. Je reste optimiste que d’ici à l’année prochaine les gens vont sentir la nécessité d’utiliser les bus. Dans tous les cas, on nous a demandé avec insistance de mettre les bus en circulation. Nous avons conjugué nos efforts pour y parvenir et là, il faut féliciter les opérateurs économiques privés qui ont mis jusqu’à 680 millions de FCFA. La ville n’a mis que 120 millions. Ce qui fait un capital de départ de 800 millions de francs CFA.

S. : Changeriez-vous votre siège de maire contre celui de Premier ministre ou de ministre ?

S.C. : (Rires). Ce n’est pas aujourd’hui que je fais de la politique, ce ne sont pas des choses qui m’ intéressent en ce moment de ma vie. Et si vous regardez mon parcours, toute modestie gardée, je n’ai jamais couru après un poste. C’est vrai que quand j’ai fini mes études, j’ai cherché moi-même du boulot. J’ai demandé à être recruté à l’Autorité d’aménagement des Vallées des Voltas en présentant mes diplômes. Ça c’est purement technique, ce n’est pas de la politique. J’ai été nommé chef de service et après directeur sinon je n’ai pas couru après mes nominations comme haut-commissaire, directeur de cabinet, président de la délégation centrale à la justice populaire, député ou maire. Je n’ai pas cherché à être ministre ou Premier ministre, birn que ça soit tro grand pour ma taille. Je ne chercherai pas demain à l’être.

A chaque jour sa peine, je voudrais tout simplement que le jour où je quitterai la ville, que vous puissiez dire : "M. Compaoré, nous avons apprécié votre travail. Là je me sentirai très utile pour la société. Sinon la mairie ne nourrit pas son homme". Je vous dis que j’ai des diplômes pour gérer une société et vous savez ce que l’on peut gagner dans les entreprises. Mais à la mairie, au-delà des turbulences, vous ne savez pas comment on est traité.

S. : Vous vous sentez certainement à la mairie ?

S.C. : Quand j’ai quitté la CGP, je suis reparti sur le budget national et mon salaire net que je touche après 23 ans de service est de 198 000 FCFA/mois, mon salaire de la Fonction publique. A la ville (mairie) nous n’avons pas de salaire, mais des indemnités. Toutes les indemnités confondues, les deux maires les mieux payés sont ceux de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou avec un montant en tout et pour tout de 190 000 FCFA/mois chacun (logement, téléphone, responsabilité, etc.).

S. : Votre vie de CDR actif ?

S.C. : Je ne regrette pas d’avoir été un CDR actif. Ce statut fut une étape de ma vie. Quand je lis dans la presse des écrits me qualifiant de CDR, ça me fait rigoler. Pour moi, tout dépend du contenu qu’on donne au CDR. Si c’est parce que je suis souvent sur le terrain qu’on m’appelle ainsi, je l’accepte. Par contre si le concept est considéré dans son aspect négatif, là je suis désolé. Il ne faut pas ignorer les projets qui ont fait surface grâce à des pratiques dites CDR. La méthode CDR qui conduit les peuples à une prise de conscience afin qu’ils soient les artisans de leur propre développement, est à encourager, sinon il faut s’en éloigner comme la peste.

S. : Simon comme un baron ?

S.C. : Je ne suis pas un baron, le terme de responsable me convient mieux.

S. : Simon comme chef de clan ?

S.C. : C’est le CDP que vous appelez clan ? Moi je ne bois pas de cette eau parce que je ne connais pas de clan.

S. : Que pensez-vous de la relecture du code électoral que réclame le CDP ?

S.C. : A juste titre, comme il y a des gens qui sont contre, et c’est leur droit aussi, je suis de ceux qui pensent qu’il faut revoir certains aspects et je m’explique. Selon un président américain, la démocratie est le moins mauvais des systèmes. Cela signifie que même dans le contenu de ce que l’on appelle démocratie, il y a des imperfections, pour dire que la perfection n’est pas de ce monde.

Si je prends le cas des dernières élections législatives, considérant mon parti (au Kadiogo), nous avons obtenu 90 000 voix. Ce qui nous a valu quatre (04) députés. Un autre parti a obtenu un député avec 12 000 voix. Si je raisonne terre à terre, avec 12 000 voix on a un député, il faudrait seulement 48 000 voix à ce parti pour obtenir 4 députés. Et si je reviens à mon parti, le député correspond dans ce cas à 24 000 voix. Or quand nous nous retrouvons à l’hémicycle, il n’y a pas de député de 12 000 voix et de député de 24 000 voix. C’est ce qui me fait dire qu’il faut revoir le code électoral pour plus d’équité. Je suis pour la pluralité mais je ne veux pas que ceux qui ont enregistré des voix conséquentes soient lésés. C’est pourquoi je pense qu’il y a un juste milieu à trouver afin de ne pas pénaliser ceux qui ont plus de voix et pour favoriser la pluralité à l’Assemblée nationale.

Nous n’avons pas besoin de tricher pour gagner à Ouagadougou. Il faut peut-être pour les petits partis un peu d’honnêteté et d’humilité et ne pas faire comme le crapaud qui refuse de reconnaître que du point de vue taille, il n’est pas un bœuf. Pour moi, les petits partis doivent travailler à devenir grands. Lorsqu’on n’a pas une grande dimension, il vaut mieux focaliser ses forces sur l’espace qu’on maîtrise le mieux pour maximiser ses chances.

Le deuxième point de changement concerne les zones. Pour Ouagadougou, il n’y a pas de problème parce que la région se confond avec la province. Mais le constat est qu’il existe des provinces qui ne sont pas du tout représentées. Dans certaines provinces, il peut y avoir 2 à 3 députés alors que la province voisine n’en possède aucun. Cette situation peut créer des frustrations au niveau des populations de base qui doivent pourtant être impliquées dans la gestion du pays surtout que l’on parle de plus en plus de décentralisation.

S. : L’affaire Norbert Zongo a-t-il un peu refroidi le CDP ? Simon est sorti affaibli du dernier congrès du CDP ?

S.C. : Simon Compaoré n’a aucun problème. Vous savez, jusqu’à un moment donné, je ne faisais plus partie du bureau exécutif national. Je ne pense pas que cela ait eu un impact sur mon engagement dans la ville de Ouagadougou. Je crois que vous faites fausse route. Concernant l’affaire Norbert Zongo, il y a que les choses se sont passées à un moment où nous l’attendions le moins, nous venons de sortir des élections où notre candidat a gagné et nous nous apprêtions à faire la fête.

Cet événement m’a trop marqué, peut-être que des camarades en ont souffert moins, mais beaucoup ont affronté la bourrasque parce que notre parti n’avait rien à se reprocher. Et lorsqu’on a rien à se reprocher, on a toujours du jus pour rebondir, c’est ce que mon parti a fait.

S. : Quel bilan faites-vous de votre passage à la Caisse générale de Péréquation (CGP) ?

S.C. : J’ai fait ce que je devais faire tout comme mes prédécesseurs, à savoir travailler à ce que le Burkina soit approvisionné en matières de première nécessité comme le riz et subsidiairement la farine et le sucre. C’était les missions de la caisse. Et je pense que n’eût été la dévaluation du FCFA qui a fait que nous sommes passés du simple au double de nos importations, nous (mon équipe et moi) avons fait œuvre utile. Nous avons contribué à soutenir la riziculture nationale notamment au niveau des Vallées du Kou et de Bagré. Aussi, la Caisse générale de Péréquation a réalisé des subventions sur les hydrocarbures. Ainsi, la Caisse absorbait les fluctuations du prix du baril. C’est de cette façon que nous avons pu gérer la crise koweïtienne qui avait entraîné une augmentation du prix du pétrole au niveau international.

Quant à sa suppression, je pense que la CGP est morte de sa belle mort parce que les réformes économiques entamées au Burkina Faso avec pour maître-mot la libéralisation, devaient conduire à cela. Ce n’est que l’aboutissement d’un processus.

S. : Quelles appréciations faites-vous par rapport à la production nationale du riz ?

S.C. : Il y a des efforts qui sont faits au niveau du ministère de l’Agriculture et il y a aussi de plus en plus des actions de promotion. Le résultat de tous ces efforts est que le riz de Bagré est très en vue aujourd’hui. Ils ont même ouvert des succursales de vente. Dans ces domaines, je pense qu’il faut mener des activités publicitaires.

S. : Il y a un terrain de volley-ball à Ouagadougou qui porte votre nom. Pourquoi cela ?

S.C. : En effet, le terrain dont vous parlez est situé dans mon quartier natal. Il a été réalisé sur initiative de trois (3) conseiller du secteur n° 9 (une dame, un monsieur et moi-même).

Lors de nos campagnes électorales, nous avons promis aux jeunes de mettre l’accent sur les infrastructures sportives. Donc ce terrain est pour nous l’accomplissement d’une promesse électorale. Pour sa réalisation, la mairie n’a pas investi un (1) centime. C’est le fruit de nos actions personnelles et de nos relations.

Concernant le nom "Simon Compaoré" que porte le complexe sportif, cela a été une décision des habitants de mon quartier natal, une décision prise en mon absence. Je me suis toujours opposé, mais après trois (3) réunions, les habitants ont maintenu leur position.

S. : Quels sont vos rapports avec la presse ?

S.C. : Je n’ai pas de problème avec la presse. Elle me critique - je la critique. Nous nous critiquons. Il n’y a aucun problème entre nous.

S. : Il semble que vous avez une agence de presse : Labor Tribune ?

S.C. : (Rires aux éclats). Labor Tribune est de Ki Jean qui n’est ni mon promotionnaire et qui n’a ni mon âge. Il est juste venu me proposer ses services, c’est tout. En tous les cas, il reste votre confrère qui a eu des problèmes.

S. : Qu’est-ce que vous vous reprochez dans la vie ?

S.C. : Le fait que je suis trop bouillant. J’ai essayé de me corriger, j’ai d’ailleurs fait beaucoup d’efforts. J’étais plus bouillant que ça. Je vais vite à l’action, ce qui est bien et mauvais à la fois. Mauvais parce que quand vous allez vite à l’action, vous pouvez commettre des erreurs souvent irréparables.

,,C’est un peu ça mon péché mignon. J’aime l’action, je n’aime pas rejeter tout ce qui peut être fait aujourd’hui à demain

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique