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« Les questions de réconciliation ne sont pas des sujets qu’on décrète », interpelle le président des jeunes de l’ADF/RDA, B. Moussa Nébié

Publié le dimanche 30 octobre 2016 à 19h00min

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« Les questions de réconciliation ne sont pas des sujets qu’on décrète », interpelle le président des jeunes de l’ADF/RDA, B. Moussa Nébié

Il y a deux ans, l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération/Rassemblement Démocratique Africain (ADF/RDA) subissait les conséquences de l’insurrection populaire pour avoir aussi été porteur, aux côtés du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir), du projet de modification de l’article 37 de la Constitution. Dans le cadre de la commémoration de l’An II de cette page de l’histoire du Burkina, nous avons recueilli quelques propos au premier responsable des jeunes de ce parti (parti de l’éléphant), B. Moussa Nébié. C’était en marge d’une session du Bureau exécutif national du parti, tenue dans la matinée de ce samedi, 29 octobre 2016 au siège national du parti sis à Cissin, Ouagadougou.

Lefaso.net : Le Burkina commémore en ce moment, l’An II de l’insurrection populaire. Que vous inspirent ces moments comme réflexion ?

B. Moussa Nébié : Je voudrais d’abord avoir une pensée pieuse pour nos disparus et prier également que leur âme repose en paix. Nos pensées vont également aux blessés de cette insurrection et même des jours qui ont suivi, notamment le 2 (novembre 2014). Nos pensées, c’est aussi à l’endroit des familles de toutes ces victimes, leurs proches qui ont subi cette douleur de la perte d’un être cher. Dans cet ordre d’idées, nous avons des pensées pour tous ceux-là qui ont été victimes de la barbarie qui a soutendu cette insurrection, notamment les députés qui ont vu leur domicile et des biens privés incendiés par certains manifestants. Notre pensée va également à l’endroit du premier responsable de notre parti, Me Gilbert Noël Ouédraogo, dont les domiciles ont été incendiés par des manifestants.
Ceci étant, il faut relever que l’insurrection venait poser certaines questions de fond qui, avec un regard dans le rétroviseur, montrent que les politiques ont dévié ces préoccupations fondamentales. S’il y a eu insurrection, c’est parce qu’il y a eu une insuffisance dans notre système de gestion démocratique, politique, économique et sociale. L’insurrection devrait donc permettre qu’on puisse, véritablement, travailler sur ces questions de fond pour pouvoir offrir aux Burkinabè, un Burkina Faso meilleur. C’est vrai que durant la gestion de Blaise Compaoré, il y a eu des avancées notables, aussi bien sur le plan économique que sur le plan des libertés, mais il y a eu aussi des insuffisances qu’il était quand même bon de travailler à réduire. Ces insuffisances qui ont été à la base de ce qui a pu arriver. Malheureusement, on constate que ces questions de fond ne sont pas posées et les Burkinabè se demandent même aujourd’hui, à quoi tout cela a servi. Notre souhait est que les gens rectifient rapidement le tir, réunissent la nation autour de ce qui est essentiel : le Burkina Faso. Cela est plus important que nos intérêts partisans et politiques. Aussi, il faut dire que l’insurrection est venue mettre à nu, ce déficit de démocratie et de respect des principes républicains ; ce qui est arrivé est un échec collectif de a classe politique burkinabè qui, bien que se disant démocrate, a été portée à résoudre ses contradictions dans la rue et dans la violence. Cela devrait également amener les uns et les autres à se dire qu’il faudra effectivement travailler à l’ancrage institutionnel, à l’amélioration du niveau de notre démocratie. De sorte que, le respect des principes républicains soit la chose la mieux partagée et que nous puissions éviter, demain, d’être obligé encore à redescendre dans la rue pour régler des contradictions qui auraient pu trouver solutions dans le cadre des institutions républicaines.

Lefaso.net : Comment la jeunesse de votre parti, l’ADF/RDA, marque cette commémoration ?

B. Moussa Nébié : La jeunesse notre parti, tout comme l’ensemble de la jeunesse burkinabè, marque d’abord ces moments par instances de pensées pieuses et de prières pour les victimes. Elle se dit également qu’elle doit faire en sorte, avec tous les jeunes, qu’on puisse se réunir pour participer à une offre politique sérieuse au Burkina ; parce que, quoi qu’on dise, le Burkina dont nous devons hériter de nos aînés doit être fondé sur un socle solide, démocratique et républicain. La jeunesse de l’ADF/RDA s’attèle donc à cela. Elle œuvre également à apporter sa contribution à l’édification d’une nation qui consacre l’égalité des chances pour tous, l’égalité de tous devant la loi ; un Burkina de droit où seul prime le talent, où la politique ne sera pas le rythme quotidien des Burkinabè mais plutôt le travail, l’envie de se surpasser, de rivaliser dans la construction de notre Patrie.

Lefaso.net : Vous souleviez, plus haut, des insuffisances et failles qui seraient à la base de l’insurrection populaire. Deux ans après, et au regard des premiers pas du régime nouvellement élu, avez-vous le sentiment que les leçons sont tirées et que, par conséquent, ces insuffisances soient comblées ?

B. Moussa Nébié : Comme tous les Burkinabè, nous constatons, malheureusement, que le nouveau régime n’a fait qu’emboucher la trompette de la division, des accusations sans fondements. Que plutôt que de travailler à rassembler les Burkinabè, les uns et les autres sont en clin à exacerber les tensions, les divisions. Ce qui n’est du tout pas souhaitable dans un pays qui veut véritablement renouer avec lui-même pour pouvoir avancer. Ce qu’on ne dit pas aussi des déclarations des uns et des autres, c’est que pendant cette insurrection également, bien qu’il y ait eu une manifestation populaire d’un peuple qui voulait véritablement mettre un frein à cette volonté de modification de l’article 37, il y a eu aussi (et c’est un fait tout aussi indiscutable) de la récupération à des fins politiciennes, à des fins criminelles. Et aujourd’hui, les auteurs de tels actes s’en vantent et on fait croire que c’est une partie des Burkinabè qui est responsable de ce qui est arrivé alors que de l’autre côté, on se vante d’avoir été les concepteurs de cette insurrection. Et on veut en même temps faire croire qu’il y a une partie des Burkinabè qui ne veut pas qu’il y ait justice. Ce qui est curieux, est que cette partie de Burkinabè ne se retrouve pas aujourd’hui à la tête du pays (ce n’est pas elle qui gère le pouvoir). Mieux, c’est encore cette partie de Burkinabè qui demande qu’il y ait justice équitable aujourd’hui afin que la lumière soit faite et que les Burkinabè comprennent véritablement ce qui s’est passé et ce qui était en-dessous de ce qui s’est passé. C’est tout cela qui doit effectivement permettre d’aller vers la construction d’une nation rassemblée, une nation forte. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous constatons actuellement et on espère qu’à partir de cette commémoration, la raison va habiter les uns et les autres pour qu’ils (dirigeants) puissent véritablement donner des signaux forts pour aller vers une construction réelle de la nation.

Lefaso.net : Aujourd’hui, l’une des principales préoccupations, c’est la réconciliation… Comment peut-on aboutir vraiment à l’idéal tant prôné par l’ensemble des Burkinabè dans ce sens ?

B. Moussa Nébié : Il faut dire, d’ores et déjà, que les questions de réconciliation ne sont pas des sujets qu’on décrète. On ne peut donc pas décréter une réconciliation. Une réconciliation est un processus, avec des actes forts, surtout de la part de ceux qui ont le pouvoir. C’est à ces derniers d’afficher cette volonté d’aller à une réconciliation nationale et de faire en sorte qu’on puisse faire une démarcation nette entre les questions politiques et les questions judiciaires. Tant qu’on va vouloir instrumentaliser certaines questions pour essayer d’aiguillonner les préoccupations judiciaires en cours, ce serait plomber cette volonté à aller à la réconciliation. Pour nous, il est assez important que ces questions judiciaires, qui sont restées longtemps sans être résolues, puissent connaître un dénouement pour que tous les Burkinabè se sentent justiciables et que personne ne se sente au-dessus de la loi. Et quand on le dit, ce n’est pas seulement ce qui s’est passé à partir des évènements des 30 et 31 octobre et du 2 novembre mais également toute la période qui a précédé ces évènements ; des années 60 à ce jour. Donc, on a un passif judiciaire important qu’il va falloir travailler à vider et à donner des gages sérieux pour que le pays puisse véritablement amorcer une dynamique de l’Etat de droit où aucun citoyen ne se sentira en marge. Et ça, c’est la volonté politique des dirigeants qui peut permettre cela. Malheureusement, on constate que, plutôt que ce soient les dirigeants qui demandent à aller à la réconciliation, qui demandent à créer les bases pour à une réconciliation vraie, ce sont eux qui embouchent des trompettes qui ne favorisent pas le rassemblement des Burkinabè. Une réconciliation doit donc, à notre avis, se fonder sur des bases solides ; de sorte que tout le monde se sente concerné et que la justice puisse faire son travail sans immixtion politique. Faire dans le dilatoire, en disant qu’il faut qu’il y ait justice maintenant alors qu’on travaille en réalité à reporter ces questions (de justice), c’est un dilatoire, préjudiciable à la réconciliation. C’est donc une volonté politique d’abord et ensuite un engament de la part de tous.

Lefaso.net : A la faveur de cette commémoration, quel peut être votre message à l’endroit, d’une part de la jeunesse de votre parti et, d’autre part de la jeunesse burkinabè dans toute sa diversité ?

B. Moussa Nébié  : A l’endroit de la jeunesse toute entière, y compris celle de l’ADF/RDA, je dirais qu’il est temps de panser nos blessures, il est temps de dépasser l’amertume et les meurtrissures de nos contradictions politiques et travailler à contribuer véritablement à la confection d’une offre politique sérieuse qui se débarrasse de toutes ces tares que nous avons connues et qui nous ont conduits dans ces moments difficiles. La jeunesse burkinabè doit véritablement être au cœur de ce combat pour l’édification d’un Burkina Faso nouveau. Il n’est pas intéressant que pour des questions partisanes, nous soyons nous-mêmes acteurs d’une déchirure que nous allons hériter demain. Nous devons plutôt travailler à transcender ces questions partisanes et œuvrer auprès de nos aînés qui sont aux affaires en ce moment pour faire en sorte que le pays soit un pays auquel nous avons contribué à construire et à ériger des bases solides. C’est vraiment ce message qui me tient à cœur à partager à l’ensemble de la jeunesse burkinabè.

A la jeunesse de l’ADF/RDA, je dirais qu’elle n’a pas à rougir, elle doit véritablement s’engager et se dire que construire un Burkina Faso nouveau, comme nous l‘avons souhaité depuis longtemps, est plus que jamais possible.

Propos recueillis par Oumar L. OUEDRAOGO
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