LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Appels à candidature de Blaise : Pourquoi il doit se méfier

Publié le mercredi 18 mai 2005 à 07h12min

PARTAGER :                          

Sauf cas extrême de force majeure, les Burkinabè se choisiront un président du Faso : ce sera soit Blaise Compaoré (s’il décidait de se représenter) soit l’un de ses rivaux de l’opposition ou des partis politiques participants au gouvernement.

En attendant, on n’en est pas encore là puisque tous les possibles prétendants au trône ne se sont pas encore prononcés. C’est le cas par exemple pour Blaise Compaoré alors que des partis politiques, associations, personnalité de haut rang, vulgum pecus... lui suggèrent de compétir afin de conduire encore cinq (5) ans durant notre destinée.

A priori, dans la mesure où vous vivons dans un Etat de droit, qui garantit les libertés civiles et politiques tout en en définissant les limites, n’importe quel citoyen a le droit de demander à qui il veut de briguer la magistrature suprême s’il estime que l’intéressé peut faire l’affaire de notre cher Faso.

D’un autre côté, même si la corruption est passée de l’état rampant et discret au stade apparent et insultant, il est difficile voire impossible de nier que depuis 1990, la politique étrangère du Burkina, malgré nombre de ratés, fait du pays une plaque tournante des grandes manifestations internationales et draine des flux financiers qui ont contribué à changer le visage de plusieurs villes et de plusieurs villages de notre pays. Conséquence, beaucoup de ses compatriotes sont fiers lui et de la terre de leurs ancêtres.

Pour notre part, Blaise Compaoré est loin d’être un ange (y en a-t-il jamais eu sur cette terre et surtout en politique ?), mais la constitution, selon notre compréhension, ne lui interdisant pas de prendre part à la course pour la présidence, la décision finale lui revient.

A sa place, ce que chacun aura ressenti

En tant qu’individu nous avons besoin d’aimer et surtout d’être aimé. Pour un dirigeant politique le besoin d’être aimé est plus grand dans la mesure où il doit être proportionnel aux devoirs de l’intéressé. En effet, l’incarnation de la volonté générale que symbolise un président du Faso et subséquemment le travail qu’il doit abattre au profit de ces concitoyens sont tels qu’en retour il est en droit de s’attendre même s’il ne peut pas toujours l’avouer, à des manifestations de joie et à la reconnaissance de ces concitoyens quand il est à signaler que les choses ne se sont pas si mal passées.

C’est humain, c’est compréhensible et cela aide à recharger les batteries de l’ardeur au travail. Nul besoin donc de dire que si de façon répétitive il est opportun de dénoncer les maladresses et autres erreurs des dirigeants, il est tout aussi convenable d’en célébrer de temps en temps l’efficacité et la pertinence de certaines actions. Ne serait-ce que par souci d’objectivité, mais pas pour être objectif, car l’objectivité est d’abord un idéal dont on apprécie la manifestation à travers les précautions prises dans le cadre d’une démarche intellectuelle d’appropriation et d’explication des faits.

Son entourage aussi a de quoi pavoiser, car s’il y a des peuples chez lesquels l’existence d’un "primus inter pares", un premier parmi les égaux (c’est-à-dire un leader) n’est pas une nécessité, il n’en est pas pour autant de la proposition inverse ; effectivement il n’y a point de leaders sans entourage, sans peuple ; du reste, il est la résultante historique de ces derniers. Que les gens" réclament" la candidature de Blaise Compaoré n’est donc pas fait pour leur déplaire.

Il faut tout de même rester lucide

Tout cela est beau mais, nous serions à la place que nous nous méfierions pour plus d’une raison :

D’abord à lire certaines invites à compétir, on s’aperçoit qu’elles ne font même pas cas d’un probable futur programme dont le contenu devrait déterminer une fois pour toutes les auteurs de ces invites. En d’autres termes, il ne nous paraît pas sincère et honnête (bien que ce soient là de vaines vertus en politique) d’inviter un citoyen à briguer un poste électif, comme celui de président du Faso, sans émettre une réserve que son programme pourrait lever ou transformer en opposition.

Ce type de soutien est visiblement réactionnaire au sens des sciences politiques. Or un soutien réactionnaire est nocif et pour celui qui soutient, dans la mesure où il s’assume pas sa citoyenneté, et pour celui qui est soutenu, parce qu’il est aveugle et donc n’éclaire le soutenu sur aucun sujet, aucune action.

Ensuite, certains appels sont le fait de certains membres de son entourage, qui instrumentalisent quelques associations et/ou individus sans base sociale consistante dans l’intention unique d’avoir une part croustillante du gâteau après l’élection. A cette fin, deux (2) ou trois(3) déclarations dans la presse suffisent à donner l’impression qu’on est soutenu alors que dans la réalité, il n’en est rien ou bien cette réalité est en deçà du tapage.

Ce n’est pas que ce déphasage puisse changer grand-chose à l’issue des élections parce que si Blaise Compaoré renouvelle sa candidature et si en novembre, le pays est toujours aussi calme et stable, il n’y a pas de raison qu’il ne succède pas à lui-même. Seulement, le vainqueur qu’il sera serait davantage satisfait si le soutien qu’on dit lui avoir apporté était conscient et motivé. Si psychologiquement, cela est bon pour le moral et déstabilisant pour l’adversaire, sa contribution à la constitution d’un Etat démocratique laisse à désirer.

Enfin, il n’est pas exclu que ces soutiens suscités aient plus pour but de sauver la tête de leurs instigateurs que de faire l’affaire de Blaise Compaoré. En d’autres termes, les accusations dont certains responsables actuels de la République font l’objet en matière de gestion des droits humains et/ou de la chose publique peuvent en être la raison fondamentale. Il est vrai que les preuves de ces accusations sont rarement apportées, mais en elles-mêmes, elles suffisent à inquiéter plus d’un.

Ce sur quoi il faut appesantir

Dans ce climat, c’est à Blaise Compaoré de ne se pas laisser "saoûler" par cette clameur approbatrice, car les choses sont plus compliquées qu’elles ne paraissent. Tant et si bien que si notre avis était requis dans le cadre de la rédaction de son probable futur programme, nous évoquerions deux (2) points :

Premièrement, malgré la pertinence des deux (2) précédents programmes de Blaise Compaoré en matière de développement, un aspect a été insuffisamment abordé et dont les performances pratiques sont décevantes :

il s’agit de l’autosuffisance alimentaire. Les discours qui sont tenus en matière de démocratie, de liberté, etc., sont pertinents, mais ils ne peuvent être compris par ceux qui ont faim. Dans cette affaire, la responsabilité de la nature est vite pointée du doigt.

C’est juste, car il est indiscutable que notre climat est moins clément que celui d’autres pays ; mais il est tout aussi indiscutable qu’il y a des pays qui sont plus mal lotis que nous. Et n’oublions pas que si le genre humain n’a pas encore disparu de la surface de la terre et n’est pas près de disparaître (à moins qu’avec les armes nucléaires il n’en vienne à s’autodétruire), c’est surtout dû à son aptitude à s’adapter à toutes sortes de conditions climatiques. C’est dire que si nos dirigeants font preuve de plus d’intelligence dans la conduite de nos affaires, l’autosuffisance alimentaire n’est pas hors de portée.

Deuxièmement, son probable futur programme se doit de prendre davantage en compte ce qui divise les Burkinabè : les dossiers judiciaires pendants. Si mathématiquement, les Burkinabè qui sont pour le pardon tel que proposé par la Journée nationale de pardon (JNP) constituent la majorité écrasante, il faut continuer à tendre la main à ceux qui s’y opposent et le condamnent. Quand on est président du Faso, on l’est pour l’ensemble des Burkinabè, pour ceux qui approuvent votre programme et pour ceux qui le désapprouvent.

Et comme "C’est la pintade rebelle qu’il faut amadouer pour pouvoir l’attraper", il faut oser aller vite et bien dans le traitement des dossiers judiciaires emblématiques.

C’est ainsi, du moins pour nous, que les frontières intérieures qui nous divisent pourraient être effacées, que Blaise Compaoré pourra un jour tirer tranquillement sa révérence et que son entourage aussi pourra espérer ne pas être inquiété le jour où son mentor n’aura plus à présider aux destinées de la nation.

Z.K.

L’Observateur

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 18 mai 2005 à 12:50, par Ragnimf zamé En réponse à : > Appels à candidature de Blaise : Pourquoi il doit se méfier

    Merci pour votre analyse pertinente, car il n’est pas acceptable que les habitants de notre capitale souffrent chaque année de pénurie d’eau alors que l’eau coule 365 jours sur 365 jours dans les cascades et dans la guinguette. Si les occidentaux ont pu faire des oleoductes sur des milliers de kilometres pourquoi ne pouvons nous pas approvisionner en eau suffisante notre capitale a quelques centaines de kilometres.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique