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Unités de production des eaux de boisson préemballées (1/11) : Il faut maintenant secouer le baobab

Publié le mardi 30 août 2016 à 08h34min

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Unités de production des eaux de boisson préemballées (1/11) : Il faut maintenant secouer le baobab

En 2013, une enquête sur la qualité des eaux de boisson préemballées dans les sachets plastiques nous laissait sans voix. Le secteur était laissé à lui-même, faisant la part belle à toutes sortes d’investisseurs dans le domaine. Le secteur est infesté de commerçants peu scrupuleux aux pratiques tout aussi peu orthodoxes. Retour sur un secteur d’activités qui nourrit son homme mais est laissé à lui-même, faisant de l’Etat et des consommateurs les seuls perdants.

L’eau est source de vie dit-on. Mais, elle peut aussi être source de mort. Principal constituant de l’organisme, l’eau est un véritable danger pour lui, si elle est polluée ou contaminée. En effet, une étude de l’Agence française de développement(AFD) réalisée en 2003, révélait que 30 millions de personnes, meurent par an à travers le monde de suite d’une contagion due à la pollution des eaux.

Des maladies liées à la consommation des eaux dites minérales mais parfois ou souvent impropres (c’est selon), les spécialistes citent couramment la dysenterie, la diarrhée, le choléra etc.

Et pourtant, le consommateur ne sait toujours pas qu’il consomme des eaux de mauvaise qualité qu’on retrouve sur le marché. Partout, à l’occasion des cérémonies publiques ou privées, les eaux en sachets sont distribuées à la pelle. Sans pour autant qu’on ne sache si ces eaux sont de bonne qualité.

Une activité commerciale aux enjeux de santé publique

En 1952, l’Organisation mondiale de santé (OMS) donnait cette définition de la santé publique : « la santé publique est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé et la vitalité mentale et physique des individus, par le moyen d’une action collective concertée visant à assainir le milieu, lutter contre les maladies, enseigner les règles d’hygiène personnelle, organiser des services médicaux et infirmiers en vue d’un diagnostic précoce et du traitement préventif des maladies et mettre en œuvres, des mesures sociales propres à assurer à chaque membre de la collectivité, un niveau de vie compatible avec le maintien de la santé ».

Cette définition est toujours d’actualité et couvre les aspects curatif, préventif, éducatif et social de même qu’elle inclut les efforts sociaux, politiques organisationnels qui sont destinés à améliorer la santé de groupes ou de populations entières.

Si la production et la vente des eaux de boisson préemballées dans les sachets plastiques ont un enjeu de santé publique, certains producteurs n’en ont cure et mettent du tout à la disposition des honnêtes citoyens.

En effet, entre les mauvaises conditions d’hygiène dans certaines unités de production, le foisonnement et la clandestinité de certaines marques, les pratiques peu scrupuleuses de certains producteurs, le domaine est infesté de praticiens véreux, faisant dans la concurrence déloyale à ceux d’entre eux qui ont pour souci, la qualité et la santé du consommateur.

Mauvaises conditions de production et d’hygiène, foisonnement et clandestinité de marques

Des résultats d’études menées par le Laboratoire national de santé public(LNSP) en 2012 à Ouagadougou et en 2013 à Bobo Dioulasso, puis en 2016 permettent de comprendre et de cerner les choses. Les résultats de ces études montrent clairement la mauvaise qualité de certaines eaux dites minérales préemballées dans les sachets plastiques. En effet, beaucoup de ces produits ne sont minérales que de nom. Ils sont contaminés par des microorganismes potentiellement pathogènes. Cette contamination est due d’une part aux conditions d’hygiène de production et aux conditions climatiques du Burkina Faso d’autre part. En effet, les enquêteurs ont découvert que certaines unités sont entourées d’habitations avec des latrines traditionnelles, des fosses septiques et des ordures pouvant facilement infecter la production.

On note aussi une mauvaise évacuation des eaux usées, une mauvaise aération qui entretien une humidité interne, propice au développement des Pseudomonas qui sont les germes les plus rencontrés (54,5%) dans la pollution des eaux en sachet.

Il convient cependant de signaler qu’une eau peut sortir conforme et de qualité au niveau de la production et se retrouver contaminée chez le grossiste ou le détaillant du fait de sa manipulation et des mauvaises conditions de stockage(en plein air, sous le soleil…à la merci des intempéries).

Pour ce qui est du foisonnement et de la clandestinité des marques, on se gardera d’en citer tellement il y a de marques sur le marché. Plus de 100 à Ouaga et aussi le même nombre à Bobo Dioulasso sans compter les autres localités du pays. Des noms les plus ronflants au plus fantaisistes avec toutes sortes d’inscriptions sur les emballages. Ne vous y fier pas trop car beaucoup de ces marques font dans le faux et la publicité mensongère. Et c’est même un parcours de combattant pour les autorités chargées du contrôle et des inspections, de déterminer l’emplacement de certaines marques qui sont sur le marché. Des marques qui échappent du coup aux taxes et autres impôts de l’Etat.

Nous en savons aussi quelque chose nous qui avons à plusieurs reprises, et maintes rendez-vous par le biais des contacts téléphoniques indiqués sur les emballages, n’avons pas pu rencontrer certains producteurs choisis au hasard. Ils ont usé du dilatoire pour ne pas nous rencontrer.

Des pratiques peu scrupuleuses dignes de mafieux

Alphonse Yakoro, biologiste et en charge de l’assurance qualité au niveau du LNSP nous confiait en 2013 lors de notre première enquête : « la question de l’appellation même de l’eau est une question polémique parce que la définition de l’eau minérale ressort dans la réglementation. Si on doit tenir seulement compte de cette définition, la plupart de nos eaux produites ne sont pas des eaux minérales. Ensuite, la composition chimique ne doit pas varier alors qu’il y’a des producteurs qui ne sont même pas capables de vous dire exactement quelle est la composition chimique puisque ce sont généralement des sachets qu’ils font pré imprimer pour y transvaser après l’eau produite…Du coup, on constate qu’il y’a beaucoup qui ne respectent même pas l’étiquetage comparé à la qualité de l’eau contenue dans l’emballage », sans commentaire ! Certains commandent donc des sachets pré imprimés dans les pays voisins avec les différentes mentions avant la production même de l’eau. Beaucoup font donc du faux quant à la qualité du produit, les informations sur les numéros de lot, la date de péremption etc. Même le poids et la taille des sachets diffèrent d’un producteur à un autre. Des emballages d’ailleurs non-biodégradables pour beaucoup d’entre eux. Causant alors d’énormes dégâts à l’environnement et aux animaux surtout.

D’autres pratiques consistent à prendre directement l’eau de l’ONEA, la nationale de l’eau et de l’assainissement pour la mettre dans les sachets. Avec bien sûr des mentions telles « eau pure et naturelle ou eau de forage ou de source ». Il ne s’agit nullement ici de remettre en cause la qualité de l’eau servie par l’ONEA. Sur les 52 marques qui avaient été contrôlées en 2013 à Bobo Dioulasso, 18 prélevaient directement l’eau de l’ONEA. Une eau traitée au chlore. Alors que la définition de l’eau minérale dit ceci : « une eau minérale naturelle est une eau qui provient directement de nappes souterraines par des émergences naturelles ou forcées (forages) pour lesquelles les précautions ont été prises afin d’éviter toute pollution ou influence extérieure sur la composition chimique de ses constituants ».

Ça fait froid au dos de savoir qu’un producteur mettait sur le marché, une eau avec un taux d’arsenic trois fois supérieur à la normale que le LNSP avait débusqué. L’arsenic est une substance hautement dangereuse et cause de cancer. Avons-nous actuellement la certitude que ce genre de production a totalement disparu ? Surtout lorsque toutes les marques ne se soumettent pas au contrôle de qualité et que certaines exercent dans la plus totale clandestinité ?

Il faut appliquer les textes, rien que les textes

S’il est vrai qu’il n’existait pas de cahier de charge à proprement parler jusqu’en 2015, ce ne sont pas les textes qui manquent en la matière. En effet, on peut citer quelques textes de lois qui régissaient le domaine : La loi n°23 /94/ADP du 19 mai 1994 portant code de santé publique ; l’arrêté conjoint ministère de la santé, ministère de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques ; ministère du commerce, de la promotion de l’entreprise et de l’artisanat du 30 janvier 2004 et celui n°2006-246 des mêmes ministères du 09 octobre 2006. D’autres lois et décrets d’applications ont été pris pour régir le domaine. Ces textes pour l’essentiel, précisent les normes et conditions à respecter par les eaux minérales préemballées, les modalités d’inspections sanitaires des unités de production et de distribution, les modalités d’ouverture de ces unités, les autorisations à obtenir et les contrôles qui doivent être fait.

Mais dans la pratique, c’était un total laissez aller ou laissez faire. D’où justement l’infiltration de producteurs véreux dans le secteur. A qui profitait un tel désordre ?

En tout cas les choses doivent maintenant changer car beaucoup ont eu largement le temps de s’en mettre pleins les poches, au détriment de la qualité dans la production et partant de la santé du consommateur et du trésor public.

Et c’est sans doute conscient de la situation inqualifiable qui prévalait que la Transition politique a voulu y mettre de l’ordre. En prenant des arrêtés interministériels (ministère de l’industrie, du commerce et de l’artisanat ; ministère de l’économie et des finances ; ministère de la santé, ministère de la recherche scientifique et de l’innovation ; ministère de l’agriculture, des ressources hydrauliques, de l’assainissement et de la sécurité alimentaire ; ministère de l’environnement et des ressources halieutiques ; ministère de la fonction publique du travail et de la sécurité sociale).

Celui n°2014-0353, fixe les conditions de distribution et de commercialisation des eaux préemballées destinée à être utiliser comme eaux de boisson. Le deuxième lui, est relatif à l’implantation et à l’exploitation d’unités de production d’eaux préemballées.

Fait à Ouagadougou le 3 aout 2015, ces textes ont fait l’objet de larges diffusions au niveau des services en charges des contrôles et des inspections de même que des producteurs eux-mêmes.

Un article, notamment le 71, dispose qu’ « en cas de non-respect des dispositions du présent arrêté, le promoteur s’expose, selon la gravité du non-respect, aux sanctions suivantes : saisie, retrait du marché, déclassement du produit et amendes ; suspension de l’activité ; saisie du matériel de production ; retrait de l’autorisation d’implantation et de production ; fermeture de l’unité de production. Et dans les dispositions transitoires et finales, l’article 72 mentionne clairement que « les promoteurs disposant d’une autorisation d’implantation d’unité de production d’eaux préemballées, antérieure à la date de signature du présent arrêté, ont un délai d’un(01) an pour se conformer aux dispositions du présent arrêté.(Lire aussi synthèse de ses textes règlementaires).

Finis donc les fuites en avant et autres collusion d’intérêts manifestes parfois à des niveaux insoupçonnés. Il faut maintenant sévir en mettant tous les moyens là où il faut pour la traque à ces bandits d’une autre époque.

Le consommateur aussi doit être sa propre sentinelle en faisant des choix judicieux et en se servant de ses sens naturels. En effet, rien qu’à la vue, au toucher ou à l’odorat, on peut deviner que le produit proposé n’est pas de bonne qualité.

Angelin Dabiré
Lefaso.net

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