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Pr Séni M. OUEDRAOGO à propos de la décision N° 2016-08 du Conseil constitutionnel sur l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 497-3° du Code de procédure pénale

Publié le mercredi 24 août 2016 à 22h47min

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Pr Séni M. OUEDRAOGO à propos de la décision N° 2016-08 du Conseil constitutionnel sur l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 497-3° du Code de procédure pénale

Le Conseil constitutionnel a, le 12 juillet 2016, rendu une décision sur le 3° de l’article 497 du code de procédure pénale, jugé contraire à la Constitution. Une décision qui n’est pas passée inaperçue dans le milieu des praticiens et sur laquelle, Pr Séni M. OUEDRAOGO, Agrégé de droit public et Avocat à la Cour, fait un diagnostic à travers ce commentaire.

L’ADMISSION EN CLAIR-OBSCUR DU DROIT D’APPEL DE LA PARTIE CIVILE EN MATIERE PENALE :

A PROPOS DE LA DECISION /CC SUR L’EXCEPTION D’INCONSTITUTIONNALITE DE L’ARTICLE 497-3° DU CODE DE PROCEDURE PENALE.

La doctrine burkinabè écrivait à propos de la toute première mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité que « le Conseil constitutionnel ferme les portes du développement du contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, un pan important de la justice constitutionnelle. Notre juridiction constitutionnelle risque de demeurer encore longtemps dans le rôle restrictif du contrôle de constitutionnalité des lois et du contentieux électoral » . Fort heureusement, les sagesont décidé de faire mentir cette prédiction. Le Conseil a décidé à travers la décisionn° 2016-08/CC sur l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 497-3° du code de procédure pénale de s’investir utilement sur le chantier de la protection des droits fondamentaux. Sa première tentative de protéger le droit des citoyens à partir de l’exception d’inconstitutionnalité aura été mitigé.

Incontestablement, l’après insurrection a sonné le réveil des Burkinabè et certaines de leurs institutions entraînant une abondante production juridictionnelle au niveau du Conseil constitutionnel. Les juristes et autres partisans d’un Etat de droit démocratique ne peuvent que se féliciter de l’activisme débordant du juge burkinabè longtemps sclérosé par une hypothèque partisane.
La décision qu’il nous revient de commenter est inhérente à une action judiciaire dont l’ambition est de provoquer l’avènement d’un ordre de protectionplus efficace des droits humains. Les conseils d’une partie civile à un procès pénal ont interrogé le juge constitutionnel sur la constitutionnalité de l’alinéa 3° de l’article 497 du code de procédure pénale qui limite le droit d’appel de la partie civile à ses seuls intérêts civils.
Les recourants ont fait observer que cette limitation méconnaît le principe d’égalité devant la justice contenu dans l’article 1er de la Constitution et qu’il viole le principe du double degré de juridiction découlant de l’article 4 de la Constitution et des principes généraux de droit à valeur constitutionnelle qui gouvernent tout procès juste et équitable ».

Les principaux points de droits qui devraient être discutés par la saisine peuvent être résumés en deux moyens.

-  Les dispositions de l’article 497-3 du code de procédure pénale, en ce qu’il restreint la faculté d’appeler de la partie civile qui a mis en mouvement l’action publique par voie de citation directe à ses seuls intérêts civils est-il conforme aux principes d’égalité des citoyens devant la loi et la justice et au principe du double degré de juridiction notamment par les articles 1 et 2 de la constitution, ainsi qu’au des principes généraux de droit à valeur constitutionnelle qui gouvernent tout procès juste et équitable tiré de la garantie des droits des victimes ? ;

-  Quels sont les effets d’une éventuelle inconstitutionnalité de la disposition précitée du code de procédure pénale ?

Accessoirement, il s’agissait pour le juge constitutionnel de profiter de cette affaire pour rattraper les insuffisances de sa décision Eroh . Le Conseil constitutionnel a pourtant manqué l’occasion d’apporter des clarifications notionnelles ainsi que de procédures sur des questions substantielles. La notion de juridiction ainsi que le délai du traitement de l’exception par la juridiction saisie méritaient réponse.
Pour tenir compte des contraintes inhérentes à la publication, l’analyse qui se veut succinct montrera que la qualité de la décision est à la périphérie des standards de protections des droits fondamentaux. S’il en est ainsi, c’est parce que la décision procède d’une reconnaissance atypique du droit appel en matière pénale (I), qu’undispositif en clair-obscur a permis d’assombrir davantage (II). *

I. La reconnaissance atypique du droit d’appel en matière pénale

1. L’enchevêtrementde saisinesirrégulières : du relevé d’appel devant la cour d’appel de Ouagadougou à la saisine indirecte du Conseil constitutionnel

La lecture de la décision du Conseil constitutionnel est saisissante et l’on ne peut s’empêcher de se demander quels sont les arguments de droit qui ont conduit les juges d’appel et le Conseil constitutionnel à accepter l’examen du recours introduit contre la conformité de l’article 497-3 à la constitution.Or comme nous allons le montrer dans les lignes qui suivent l’impossibilité pour la chambre correctionnelle de la Cour appel de recevoir l’appel était manifeste. Ce qui devait conduire le Conseil constitutionnel à rejeter l’exception d’inconstitutionnalité.

L’irrecevabilité manifeste de l’appel par la chambre correctionnelle de la Cour d’appel découle d’une jurisprudence constante. Lorsque le prévenu bénéficie d’une relaxe et que le parquet ne relève pas appel devant la chambre correctionnelle de la cour d’appel, la dévolution d’appel de la partie civile est formellement irrecevable. Cette irrecevabilité qui s’explique parle fait que la partie civile n’a aucun droit au maintien de l’action publique, trouve son fondement dans la philosophie qui sous-tend l’action publique (réprimer les infractions commises à l’encontre de la société). Or cette mission relève du ministère public. En l’espèce, le procureur n’ayant pas relevé appel de la décision du TGI de Koudougou ordonnant la relaxe des prévenus, les avocats de la partie civile n’étaient plus juridiquement fondés à introduire un appel devant la chambre correctionnelle de la Cour d’appelquant à l’action publique. C’est contre ce droit constant qu’ont agi les avocats de la partie civile. Ils ont non seulement relevé appel mais encore ils ont soulevé une exception d’inconstitutionnalité. Curieusement, les juges d’appel ont décidé de suivre la partie civile sur cette prétention. Au lieu de déclarer irrecevable leur demande , le Président de la Cour d’appel par lettre n° 455/2016 du 16 juin 2016 transmet la requête en date du 20 mai 2016 aux fins d’inconstitutionnalité de l’article 497-3° du code de procédure pénale de la partie civile.Cette saisine peut avoir une double signification. Soit la Cour d’appel s’est reconnue compétente lors d’une audience pour connaitre de la dévolution d’appel de la partie civile en dépit de la relaxe. Cette solution marque alors un revirement de jurisprudence qui appelle nécessairement commentaire. Dans cette hypothèse, la référence de cette audience devrait figurer dans le visa de la décision du Conseil constitutionnel. Cette dernière n’ayant fait référence qu’àla décision n° 003/2015 du 7 janvier 2015 du Tribunal de grande instance de Koudougou, on peut penser que la Cour d’appel n’a organisé aucune audience pour se reconnaitre compétente ou le Conseil a omis de mentionner les références de celle-ci.
Si la première hypothèse devrait prévaloir, on pourrait craindre que l’exception d’inconstitutionnalité ait été introduite à la lisière de la légalité.
En tout état de cause, on se demande pourquoi le Conseil constitutionnel a été expéditif sur l’examen de la recevabilité de ce recours.

2. Le cheminement difficile sur le chantier de la protection des droits fondamentaux

L’article premier du dispositif de la décision prévoit que « l’alinéa 3° de l’article 497 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution ». On est bien loin de la décision EROH dans laquelle le juge constitutionnel n’a pas recherché la finalité du mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité. Il s’est contenté d’une lecture littérale et minimaliste à la seule fin de servir une cause.

Au contraire, dans cette décision, le juge constitutionnel avoulu apporter un correctif au droit d’appel. Le juge constitutionnel suit les requérants dans leur démonstration en s’appuyant sur une double argumentation. Il a d’abord considéré que la limitation du droit d’appel aux seuls intérêts civils de la partie civile est contraire au principe d’égalité. Or, faut-il le rappeler, le principe d’égalité n’est pas un principe absolu et il est de jurisprudence constante qu’en cas de situation différente, il peut avoir un traitement différent tout comme il peut avoir un traitement différent quand l’intérêt général l’exige.

Il a ensuite admis que le législateur a méconnu au principe de double degré des juridictions en ne permettant pas un droit d’appel en matière correctionnelle. La lecture de la démonstration du Conseil appelle quelques observations. Le juge constitutionnel a réussi un exploit, celui de rendre une décision différente de celle de son homologue français sur une cause et aux moyens d’inconstitutionnalités pourtantidentiques à propos de la disposition de l’article 497 issue du code de procédure pénale français. Le Conseil constitutionnel français avait conclu que les dispositions contestées « ne sont contraires ni à la présomption d’innocence, nià aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit » (cons. 9), avant de déclarer le 3° de l’article 497 du code de procédure pénale conforme à la Constitution.

La conclusion invraisemblable du juge constitutionnel est le fruit d’un raisonnement parsemé d’insuffisances. En somme ; le juge constitutionnel a servi une argumentation en dilettante.

3. Une argumentation en dilettante

Il est évident, le juge constitutionnel s’est trompé dans cette décision. Il avait pour souci de protéger les droits du citoyen. On en doute qu’il soit parvenu à trouver l’équilibre entre la protection du droit du prévenu et de la partie civile. Une rapide démonstration permettra de le vérifier. L’objectif du droit d’appel est de conférer au citoyen une chance supplémentaire pour mieux assurer la défense de ses prétentions.

Dans la procédure pénale deux situations sont en cause, à savoir l’action pénale et l’action civile. La partie civile est une personne qui demande à un tribunal pénal l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi lors de la réalisation d’une infraction pénale. Le tribunal ainsi saisi statuera en même temps sur les actions pénale (sur la peine de prison et/ou l’amende) et civile (l’indemnisation touchée par la partie civile). Il convient aussi de rappeler qu’en matière pénale, le ministère public détient l’action publique et est souverain de l’appréciation de l’opportunité de la poursuite. Les trois considérants du Conseil constitutionnel français rendues dans la Décision n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014 sont très explicites sur le sens de l’article 497 du code de procédure pénal.

« Considérant qu’aux termes de l’article 1er du code de procédure pénale : « L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. - Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code » ; que le premier alinéa de son article 2 dispose : « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ;

Considérant que les dispositions contestées sont applicables à l’exercice du droit d’appel des jugements rendus en matière correctionnelle ; qu’elles limitent le droit d’appel de la partie civile à ses seuls intérêts civils ; qu’il en résulte notamment que, en cas de décision de relaxe rendue en première instance, les juges du second degré saisis du seul appel de la partie civile doivent statuer uniquement sur la demande de réparation de celle-ci ; qu’ils ne peuvent ni déclarer la personne initialement poursuivie coupable des faits pour lesquels elle a été définitivement relaxée ni prononcer une peine à son encontre ;

7. Considérant qu’il résulte par ailleurs de l’article 497 du code de procédure pénale que l’appel du ministère public conduit à ce qu’il soit à nouveau statué sur l’action publique, mais est sans effet sur les intérêts civils ; que l’appel du prévenu peut concerner l’action publique comme l’action civile » ;

Dans l’affaire querellée devant le juge de grande instance de Koudougou, des prévenus avaient été inculpés pour une infraction pénale. Dans sa décision n° 003/2015 du 07 janvier 2015, le Tribunal de Grande Instance de Koudougou a relaxé les prévenus, « pour infraction non constituée s’agissant des faits de coups et blessures volontaires et pour doute quant aux faits de vol ».

Devant une telle relaxe au plan pénal, le droit burkinabè permet, au regard de l’article 497 du code de procédure pénale, la faculté d’appeler au prévenu, à la personne civilement responsable, au procureur du Faso, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique et au procureur général près la cour d’appel.

Si toutes ces personnes ne jugent pas utiles de demander une condamnation au pénal des prévenus, l’appel n’est pas pour autant fermé quant aux intérêts civils. C’est pourquoi dans le souci de préservation des intérêts des parties civiles, le législateur prévoit que ces derniers ont la possibilité de relever appel sur le plan civil à l’exception de la matière pénale. La finalité d’une telle mesure est d’éviter une privation de liberté à un prévenu qui a déjà bénéficié d’une décision favorable. Reconnaitre un droit d’appel à la partie civile comme le prétende les recourants reviendraient juridiquement à créer une concurrence entre le citoyen et le procureur sur l’appréciation de l’opportunité de la poursuite.

Le problème qui peut se poser pour la partie civile est certainement le sort de sa prétention en ce qui concerne la réparation du préjudice civile si l’infraction pénale n’est pas constituée. L’appel pourrait être dans ce cas la seule voie de reconnaissance de l’infraction afin d’en tirer l’existence du préjudicie civil. C’est bien ce que le juge judiciaire français a clarifié en affirmant « que la cour d’appel, saisie par le seul recours de la partie civile, est tenue de rechercher si les faits déférés constituent une infraction pénale avant de se prononcer sur les demandes de réparation de la partie civile » .

Le juge constitutionnel n’a pas fait une véritable démonstration puisqu’il s’est contenté d’une lecture simpliste pour admettre qu’il y a une rupture d’égalité. Pour lui, si certaines parties ont le droit d’appel à l’exclusion d’autres, il y a rupture du principe d’égalité. Dans une décision relative à une question de constitutionnalité portant sur la même disposition du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel français a jugé inopérant le moyen tiré de la violation du principe d’égalité « Considérant, d’une part, que la partie civile n’est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou à celle du ministère public ; qu’il en est notamment ainsi, s’agissant de la personne poursuivie, au regard de l’exercice des droits de la défense et, s’agissant du ministère public, au regard du pouvoir d’exercer l’action publique ».

On s’étonne également que le juge constitutionnel ait pu fonder sa décision sur la violation du principe de double degré de juridiction au motif que certaines parties au procès (prévenu, personne civilement responsable, procureur du Faso, administrations publiques et procureur général près la cour d’appel).disposent du droit de relever appel. Si ces personnes n’ont pas jugé opportun d’exercer le droit d’appel quant à la décision de relaxe, sauf à indexer la corruption du ministère public, il est curieux de conclure que ne pas autoriser un second jugement pour explorer la condamnation du prévenu est anticonstitutionnel. L’argument du Conseil constitutionnel français est imparable : « …que, par suite, l’interdiction faite à la partie civile d’appeler seule d’un jugement correctionnel dans ses dispositions statuant au fond sur l’action publique, ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la justice ; que, d’autre part, la partie civile a la faculté de relever appel quant à ses intérêts civils ; qu’en ce cas, selon la portée donnée par la Cour de cassation au 3° de l’article 497 du code de procédure pénale, elle est en droit, nonobstant la relaxe du prévenu en première instance, de reprendre, contre lui, devant la juridiction pénale d’appel, sa demande en réparation du dommage que lui ont personnellement causé les faits à l’origine de la poursuite ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif manque en fait.

La pratique du droit burkinabé semble ne pas accorder cette possibilité à la victime. Il ne peut faire appel même uniquement sur ces intérêts civils en cas de relaxe. Tel est ce qui ressort de la jurisprudence de la Cour d’appel. C’est peut-être cette attitude de la Cour d’appel qui fait dire au Conseil constitutionnel qu’il y a violation de la règle du double degré de juridiction. Même dans ce cas, les motivations du Conseil constitutionnel ne sont pas imparables. C’est à la Cour de cassation de ramener la Cour d’appel à l’ordre. L’exception d’inconstitutionnalité n’est pas opérant ici parce que le double degré de juridiction n’est pas une garantie constitutionnelle. Sinon que dire des jugements en assise. C’est pourquoi, de nombreuses juridictions comme la Cour européenne des droits de l’homme estiment que le principe de double degré de juridiction est une règle fondamentale de la procédure civile qui n’a cependant pas, en lui-même, valeur constitutionnelle .

4. Les curieuses omissions

Le dispositif de l’exception d’inconstitutionnalité mérite des clarifications sur au moins deux points : l’identification de la juridiction de renvoi et le délai pour celle-ci de procéder ou pas à la saisine du Conseil constitutionnel. La rédaction de l’article 157 de la constitution même après la révision du 5 novembre 2015 reste laconique. Le constituant et le législateur organique ne sont pas tous deux assez précis sur la juridiction de renvoi. Dans sa décision sur l’affaire Eroh, le juge constitutionnel s’était contenté de dire qu’il n’avait pas été saisi par une juridiction. Or génériquement, une juridiction est un organisme institué pour trancher les litiges qui lui sont soumis. On se demande alors s’il s’agit de l’ensemble des cours et tribunaux du Burkina ou seulement des juridictions supérieures ? Il s’agissait donc de mentionner comme c’est le cas dans de nombreux pays que les juridictions concernées sont le Conseil d’Etat et la Cour d’appel ou de cassation . En France, l’article 23-1 de loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution précise qu’« un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office ».

Le droit positif ne précise pas non plus le délai de traitement de la saisine par la juridiction devant laquelle l’exception a été soulevée. La loi française précitée précise que devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le traitement se fait sans délai, alors que devant ces deux juridictions se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

II. Le voile assombrissant d’un dispositif en clair-obscur

1. L’indétermination dangereuse des effets de l’inconstitutionnalité constatée

Le Conseil constitutionnel est resté silencieux sur la détermination de la portée des effets de l’inconstitutionnalité constatée. Il s’est contenté de dire que la disposition querellée de loi est contraire à la constitution.Suivant la distinction classique entre le contrôle par voie d’action et le contrôle d’exception, l’inconstitutionnalité consécutive à une exception d’inconstitutionnalité aun effet inter partes (entre les parties). En admettant cette solution dans le cas d’espèce, on débouche sur une rupture d’égalité au détriment des justiciables qui ne soulèveraient pas dans leurs affaires l’exception d’inconstitutionnalité de la limitation du droit d’appel de la partie civile aux intérêts civils. C’est en cela que la voie ouverte par le conseil d’Etat français sur la modulation effets des décisions de justice reprise par le conseil constitutionnel dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité devrait trouver à s’appliquer dans le cas d’espèce. À l’occasion de deux décisions rendues le 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a précisé, par un considérant de principe, les effets dans le temps de ses décisions et les conditions dans lesquelles ces effets peuvent être modulés (n° 2010-108 QPC et n° 2010-110 QPC). Le Conseil constitutionnel a jugé que : « si, en principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration ». Le constituant nigérien a été plus clair en disposant qu’« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’alinéa ci-dessus est caduque de plein droit. L’arrêt de la Cour constitutionnelle établissant cette inconstitutionnalité est publiée au Journal officiel suivant la procédure d’urgence » .
Dans tous les cas qu’il ait déterminé ou pas les effets de l’annulation du 3° de l’article 497, le juge constitutionnel burkinabè a certainement minimisé les conséquences de sa décision.

2. Des conséquences minimisées

De nombreuses conséquences peuvent découler de la mise en œuvre du droit d’appel de la partie civile alors que les autres parties n’ont pas fait appel. Hypothétiquement, le prévenu qui a été relâché peut se voir condamné en appel si le juge d’appel décide de suivre la partie civile. Le désaveu du parquet serait cinglant. Le problème de droit qui pourrait se poser est relatif à la prétention de la partie civile. En effet, quel argument pourrait avancer la partie civile pour obtenir la condamnation d’un prévenu relaxé ?
Dans la pratique cependant, et par solidarité corporative, le juge d’appel peut décider de suivre l’inaction pénale des parties qui n’ont pas relevé l’appel et principalement l’attitude du parquet. La partie civile court le risque dans ce cas de fragiliser la défense de ses moyens civils.

Que retenir ?

Le Conseil constitutionnel de notre pays a opéré un important revirement de jurisprudence de la procédure pénale. Il faut s’en tenir…

Séni M. OUEDRAOGO
Agrégé de droit public
Avocat à la Cour

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