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Lassané Zoundi, secrétaire à la formation de la Fédération nationale des boulangers : « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour que nos patrons signent la Convention collective »

Publié le jeudi 16 juin 2016 à 05h53min

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Lassané Zoundi, secrétaire à la formation de la Fédération nationale des boulangers : « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour que nos patrons signent la Convention collective »

Du 9 au 12 juin 2016, les employés des boulangeries et pâtisseries du Burkina étaient en grève. Pour en savoir d’avantage sur les motivations des grévistes, leurs revendications et faire le bilan de la grève, nous avons rencontré le secrétaire à la formation professionnelle de la fédération nationale des boulangers et pâtissiers du Burkina Faso, Lassané Zoundi.

Les employés des boulangeries et pâtisserie étaient en grève du 9 au 12 juin 2016, quels étaient les motifs de cette grève ?

Nous voulions premièrement que les patrons respectent la liberté syndicale. Deuxièmement qu’ils acceptent de signer la convention collective des boulangers et pâtissiers et qu’ils reprennent les boulangers licenciés.

Quels sont les points essentiels de votre Convention collective ?

Dans notre convention, il est question de la classification et de l’avancement des boulangeries et pâtisseries. Il est aussi question de la grille salariale des boulangers et pâtissiers, les congés de maternité, les jours de repos.
Il faut travailler dans les boulangeries Wend Konta pour bénéficier des congés de maternités et le repos. Ils ont essayé de respecter un peu le Code du travail. Si vous allez dans certaines boulangeries, il n’y a pas ces pratiques. Et les jours fériés pour que certains patrons payent leurs travailleurs c’est compliqué.

Qu’est-ce que vous avez obtenu de ces trois jours de grève ?

Dans un premier temps, la grève a été observée à Ouagadougou, Koudougou, Dédougou, Yako, Ouahigouya, Ziniaré, Koubri, Tenkodogo. Il y a beaucoup de provinces qui ont suivi le mot d’ordre de grève mais dans certaines provinces c’était de façon partielle. Nous étions contents et nous avons écouté les encouragements de la population. Pour nous c’est un acquis.

Mais du côté des patrons, nous n’avons rien obtenu de concret. Il y a le ministre du commerce de l’industrie et de l’artisanat, Stéphane Sanou qui a promis nous accompagner pour négocier avec nos patrons et les amener à signer la convention. Tous les patrons étaient présents au ministère du travail. On a négocié ensemble et au final ils refusent de signer la Convention.

Depuis quand est-ce que vous menez la lutte ?

La lutte a commencé avec nos doyens. En 1981, ils sont allés en grève sans obtenir gain de cause. Le projet est resté dans les tiroirs au ministère du travail. On a déposé la requête en 1997 et là encore pas de réponse. En 2011 même scénario. Ce n’est qu’en mars 2015 alors qu’on avait déposé un préavis de grève que le ministère du travail nous a convoqués de venir parce que les patrons disent qu’ils étaient prêts pour la négociation de la convention le 5 mars 2015. Suite à cela, nous avons suspendu notre grevé parce qu’on avait l’espoir que les patrons accepteraient la convention.

L’ouverture de la convention le 5 mars 2015 a connu la participation du directeur Général du Ministère du travail et son directeur adjoint. Le Ministère a mis en place des moyens pour financer le projet. On a épuisé tous ces moyens. On nous a traités de la même façon qu’on nous traite dans les boulangeries. Mais on a accepté. On a fini et ils refusent maintenant de signer. Or nous nous sommes convenus sur tous les points. Je pense que les autorités se laissent faire. Je pense que si les travailleurs veulent négocier, les autorités doivent les accompagner. Les autorités doivent prendre leurs responsabilités pour que le secteur de la boulangerie ne tombe pas en grève tout le temps, parce que le pain est fait maintenant partie des habitudes alimentaires des Burkinabè. Seules les autorités peuvent avoir une décision sur la question.

Est-ce tous les patrons de boulangerie qui ont refusé de signer la convention ?

Les patrons sont divisés en deux. Il y a l’Union des fondateurs de boulangerie du Faso qui regroupent les étrangers mais aussi des nationaux comme Wend Konta. Leur groupe est prêt à signer la convention. Ils sont allés voir le ministre lui disant qu’ils sont d’accord pour la convention. Mais l’Union des patronats des boulangeries, pâtisseries et confiseries du Burkina ne veut pas de la convention. Ce sont les patrons des boulangeries comme four mix, Faso pain, etc. Ils disent que l’Etat doit d’abord accepter l’augmentation du prix du pain, chose que nous tous nous ne voulons pas, avant qu’ils ne signent la convention. Mais nous n’allons pas nous laisser faire.

La grève coïncide avec le mois du ramadan. Etait-ce votre choix ?

Certains disent que nous avons choisi expressément le mois de ramadan pour aller en grève. Pourtant ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup de musulmans chez nous. Il y a même des musulmans qui ne peuvent même pas donner l’argent de la popote à leurs femmes pour le carême. Nous avons déposé le préavis de grève bien avant le mois du ramadan en pensant que les patrons allaient nous convoquer pour régler la situation.

Certaines personnes parlent d’augmentation de salaire dans les boulangeries. Est-ce que c’est effectif ?

A quel moment et par quel patron ? C’est ce que les gens de dehors disent. Il n’y a pas eu d’augmentation de salaire. Il y a des boulangers qui touchent 25 000, 30 000 ou 40 000FCFA par mois.

Quelles sont les conditions de travail des boulangers ?

Le boulanger a huit heures de travail. Ce sont les travailleurs qui font tout. Hygiène et production. Le boulanger fait les huit heures debout. Si tu travailles le matin tu peux avoir, 25 ou 30mn de pause. Si les enfournements commencent vous devez rester à côté du four. Or, il fait plus de 260 degré Celsius. Ce sont les tenus que nous portons. Il n’y a pas de combinaison spéciale.
Avec un sac de farine de 100kg, on fait 330 à 340 pains. Et on fait 20 sacs et plus la nuit. Mais il y a des boulangeries qui font 700 pains ou 800 pains. Il y a un arrêté qui dit que le pain doit avoir 180g à 200g, est ce que le ministère suit cela. Si tu vois un boulanger devant le four à partir de 22h tu ne souhaites même pas être un boulanger ni que ton frère le devienne tant que les conditions ne changent pas. C’est difficile à expliquer. Nous n’allons pas en grève pour l’augmentation des salaires, mais pour les conditions du travail. Il est inutile de travailler pendant des heures et ne pas pouvoir nourrir ta famille à la fin du mois.

Quand on demande des visites médicales, des soins à nos patrons c’est dure. Chaque jour nous sacrifions notre santé pour faire de bons pains et de bonne qualité pour nos consommateurs. La farine et les gaz dégagés par le four que nous respirons chaque jour nous donnent des maladies. Cela peut entrainer des pertes de sensibilité. C’est rare de voir des boulangers qui n’ont pas de douleur au dos. Les sacs de farine que nous soulevons. Nous risquons notre santé pour eux, mais en retour ce qu’on leur demande, c’est d’enlever un peu pour nous. Mais les patrons sont réticents. C’est en ce moment que tu vois les injures. Les boulangers sont des voleurs, ceci, cela. Mais, c’est ce même boulanger qui a détruit sa santé pour que tu réussisses. Par exemple la boulangerie Four mix s’est installée en 2009, de nos jours on compte plus de 9 boulangeries. Preuve que c’est rentable.

Qu’est-ce que vous comptez faire pour la suite ?

Vraiment c’est dur pour nous. Le ministre a promis nous aider. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas contents de la manière dont on traite les boulangers. C’est cela qui nous a amené en assemblée générale. Les travailleurs veulent qu’on continue la lutte et c’est ce que nous allons le faire. S’il n’y a pas gain de cause, nous allons continuer la lutte. Nous allons déposer un préavis de grève et continuer notre lutte. Il y aura d’autre forme de lutte. On va faire tout ce qui est nécessaires pour aboutir à la signature de la convention.

Propos recueillis par
Wendkuni Diane Kagambèga (stagiaire)
Lefaso.net

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