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« Quelqu’un qui brûle le feu est un assassin », dixit Ousmane Sawadogo, président de l’Association fondation one village

Publié le mercredi 8 juin 2016 à 23h13min

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 « Quelqu’un qui brûle le feu est un assassin », dixit Ousmane Sawadogo, président de l’Association fondation one village

Bien connu des usagers du Boulevard des Tensoba communément appelé Circulaire, Ousmane Sawadogo s’investit depuis quelques années dans la régulation de la circulation. Marié et père de trois enfants, ce chauffeur de métier a abandonné la conduite pour se consacrer entièrement à la régulation de la circulation à travers son association Fondation one village qui compte aujourd’hui 42 jeunes. C’est au niveau du carrefour de Katr-yaar qu’il a débuté son activité.

Lefaso.net : Depuis quand êtes-vous dans la régulation de la circulation ?

Ousmane Sawadogo  : Ça fait trois ans que j’ai commencé à réguler la circulation au carrefour de Katr-yaar.

Et comment est venue l’idée de réguler la circulation à ce carrefour ?

J’habite non loin du carrefour de katr-yaar et chaque fois qu’on entend un bruit de pneus qui freinent, on sait que c’est un accident et la plupart du temps, mortel. Les gens ne respectaient pas le feu et il y avait trop d’accidents. J’ai donc décidé que je devais faire quelque chose. J’avais déjà une association que j’ai créée en 2008. C’est l’Association fondation one village (AFOV). Au départ, je voulais m’investir dans le domaine de la protection de l’environnement. J’ai acquis un terrain dans un village où j’ai planté 2000 plants. Mais avec les habitants du village, j’ai eu des différends et je suis revenu à Ouaga. C’est comme ça que je me suis dit qu’avec les coupures de courant, je pouvais réguler la circulation au carrefour de katr-yaar. Et j’ai commencé vers fin 2012. A l’origine, j’étais chauffeur, mais j’ai laissé ce métier pour m’investir dans la régulation de la circulation. Il m’a fallu trouver des jeunes qui allaient accepter de travailler bénévolement, sans salaire. Et pour cela, il faut qu’ils puissent aimer ce qu’ils font.

Mais avant de commencer, je suis allé voir les autorités, notamment la police municipale et la mairie pour leur parler de mon initiative. Elles ont adhéré et ont donné leur feu vert.

Racontez- nous un peu vos débuts ?

Au début ce n’était pas facile. Les gens m’insultaient et disaient même que je ferais mieux d’aller chercher du travail plutôt que de passer mon temps à siffler. C’était difficile et c’est toujours difficile de faire comprendre aux usagers de la route que c’est dans leur intérêt de s’arrêter au feu rouge.

Et avec la police, comment ça se passe ?

Au tout début, il y avait quelques policiers qui ne me comprenaient pas. J’ai eu quelques problèmes avec eux. C’est tout à fait normal. Je collaborais plus avec la police municipale, la police nationale ne me connaissait pas. Mais avec le temps et les actions que je mène, tout va bien. Quand ils arrivent et me trouvent sur le terrain, en toute honnêteté ils me laissent le terrain. Ils me viennent en renfort quand il y a des gens qui me manquent de respect. Ils leur donnent des conseils. Nous avons même participé à un atelier avec la police.

Avec combien de jeunes travaillez-vous ? Et à combien de carrefours sont-ils postés ?

A ce jour je travaille avec 42 jeunes, tous bénévoles. On était 52, mais il y a 10 qui sont partis. Ce n’est pas tous les jeunes qui acceptent de travailler sans salaire. Ce sont les contributions que les usagers de la route nous donnent qu’on se partage. Et c’est aussi avec cette contribution que je leur donne 300 FCFA à midi pour déjeuner. Mais c’est peu. Je ne peux donc pas en vouloir à ces jeunes. Actuellement, j’ai des jeunes postés à neuf carrefours de la ville de Ouagadougou. Quand je les recrute, je les forme avant de les envoyer sur le terrain.

Parlant de formation, avez-vous reçu une formation dans le domaine de régulation de la circulation ?

Comme je vous le disais au début, je suis chauffeur. J’ai obtenu mon permis en 1989. Avant de commencer à réguler la circulation, j’ai observé les policiers sur le terrain, les gestes qu’ils faisaient. Et je les ai imités. Je suis même retourné à l’auto- école pour me recycler. J’ai réappris le code de la route et aussi à lire les panneaux. Tout ça, c’est pour mieux réguler la circulation.

Hormis la régulation de la circulation, menez-vous d’autres activités ?

Oui, nous menons des campagnes de sensibilisation aux carrefours où nous sommes. On aimerait bien faire des caravanes de sensibilisation à travers toute la ville et mener d’autres activités, mais nous n’avons pas les moyens. Aujourd’hui c’est CIM Burkina et la CBB qui nous accompagnent. Grâce à eux, chaque fin du mois chaque jeune reçoit 30.000 FCFA.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

Réguler la circulation, ce n’est vraiment pas facile. L’incivisme règne partout. Il y a des usagers qui ne veulent jamais s’arrêter au feu rouge. Il y a quelqu’un qui m’a dit un jour que si on veut résoudre le problème de l’incivisme, le gouvernement doit cesser de nous piller. Ils disent qu’ils ne peuvent pas respecter le feu tricolore parce que le gouvernement ne respecte pas la population et que rien ne va au Burkina. Brûler le feu, c’est donc leur manière de montrer leur mécontentement. Moi j’ai l’habitude de leur dire que ce n’est pas le gouvernement qui est sur la moto. Et s’ils font un accident, ce n’est pas le gouvernement qui risque de mourir. Les gens doivent comprendre que quelqu’un qui « brûle » le feu est un assassin, non seulement il met sa vie en danger, mais il met aussi en danger celle des autres. Quelle éducation nous donnons à nos enfants en nous comportant ainsi ? Il y a des gens qui m’insultent chaque jour, mais ça ne me décourage pas.

Avez-vous un appel particulier à lancer aux usagers de la route ?

Je demande à la population d’être courtoise en circulation. Je lui demande au nom de Dieu d’arrêter de brûler le feu. Cessons de mal nous comporter en circulation. Quand vous voyez un jeune arrêté avec un panneau stop aux feux tricolores et qui siffle en vous demandant de vous arrêter, faites-le par respect pour vous-même. Ne nous insultons pas en circulation, soyons fair-play.

J’invite chaque usager à aller à l’auto-école pour apprendre le code de la route. J’appelle aussi les responsables des entreprises de la place à soutenir toutes les différentes initiatives de régulation de la circulation.

Entretien réalisé par
Justine Bonkoungou (Stagiaire)
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