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Condamnation de Hissène Habré : Le CIFDHA appelle à la mise en place d’une Cour africaine permanente

Publié le mercredi 1er juin 2016 à 22h33min

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Condamnation de Hissène Habré : Le CIFDHA appelle à la mise en place d’une Cour africaine permanente

Le Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) a appris avec satisfaction et soulagement le verdict rendu ce lundi 30 mai 2016 dans le procès qui opposait depuis dix mois, l’ex-président tchadien Hissène Habré à ses victimes devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE). Pour le CIFDHA, la condamnation à la prison à vie de M. Hissène Habré, un ancien chef d’Etat, pour des faits constitutifs de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et d’actes de torture commis sous son régime et pour lesquels ce dernier a été arrêté en 2013, est un signal fort contre l’impunité envoyé aux dictateurs et à tous ceux qui seraient tentés d’accéder ou de se maintenir au pouvoir au prix de violations graves des droits humains.

L’aboutissement d’un combat de longue haleine contre l’impunité

Chassé du pouvoir en 1990, l’ex-président avait trouvé à Dakar au Sénégal un exil doré dans une quiétude relative. Malgré les actions intentées par ses victimes et la pression des organisations internationales et non gouvernementales pour que justice soit faite, les autorités judiciaires sénégalaises avaient refusé de poursuivre des crimes commis par un étranger, hors du territoire sénégalais. Et pourtant, en la matière, un choix s’imposait au Sénégal : poursuivre ou extrader. La justice avait refusé par ailleurs de l’extrader vers la Belgique qui avait lancé un mandat d’arrêt contre lui en vertu de la compétence universelle. Cette posture de la justice et des autorités politiques sénégalaises de l’époque vient rappeler le manque d’audace et d’indépendance de nos juridictions africaines et l’absence totale de volonté politique des autorités publiques. Il aura fallu le changement politique intervenu en mars 2012 pour que le Sénégal s’ouvre à la perspective du jugement de l’ex-président tchadien sur son territoire par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), une juridiction spéciale à caractère international mise en place dans le cadre d’une négociation avec l’Union africaine.

Un signal fort contre les dictateurs et leur propension à violer les droits humains

Dans un contexte africain marqué par les tripatouillages constitutionnels (Burundi, Congo…) et les "glissement" de calendriers électoraux (RDC) pour se maintenir au pouvoir souvent au prix de violences politiques, d’entraves aux libertés fondamentales et de violations graves des droits humains, ce verdict vient rappeler si besoin est, que les crimes ne resteront pas impunis et les bourreaux des peuples auront à répondre de leurs actes devant les juridictions compétentes. Il vient rappeler aux bourreaux qui bénéficieraient éventuellement de garantie d’impunité dans leur exil, que leur protection n’est que temporaire ; la détermination des organisations à lutter contre l’impunité de leurs crimes finit toujours par porter ses fruits. Tôt ou tard la justice se fera !

L’espoir de la répression effective des crimes internationaux et la construction d’une justice pénale régionale africaine

Dans un contexte où de nombreux chefs d’Etat africains sont très critiques, à tort, vis-à-vis de la Cour pénale internationale (CPI) qu’ils entendent quitter massivement, ce procès fonde l’espoir que malgré tout, l’impunité ne l’emportera pas sur le droit à la justice des victimes et de leurs ayant-droits. Mais pour être efficace, la répression sur le territoire africain des crimes internationaux a besoin d’une cour permanente, et non de tribunaux spéciaux ad’hoc comme les CAE qui montrent leurs limites. La mobilisation des ressources pour faire fonctionner les CAE à Dakar n’a pas été une sinécure. Il aura fallu encore la contribution de bailleurs de fonds étrangers pour que le jugement puisse avoir lieu. Si le verdict ouvre le chemin vers la rédemption des victimes, la réparation effective et adéquate reste encore à venir puisqu’il fera l’objet d’une autre série d’audiences devant les Chambres africaines extraordinaires. Il faut noter que l’indemnisation des victimes, qu’elle prenne la forme de sommes d’argent versées individuellement ou collectivement aux victimes, reste tributaire de contributions volontaires, de la part d’institutions internationales, de pays étrangers mais aussi d’ONG. Un fond d’indemnisation sera mis en place à cet effet, car ni le Tchad, ni l’Union africaine ne semblent être à mesure de satisfaire aux besoins de réparation des victimes de la répression de Hissène Habré, dans une Afrique qui entend pourtant s’assumer, affirmer son indépendance et sa capacité à rendre aussi justice.

Appel et recommandations

C’est pourquoi le CIFDHA appelle à l’opérationnalisation effective de la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme pour qu’elle puisse, malgré ses imperfections, constituer une cour permanente de prévention et de répression des violations des droits humains, notamment ceux commis par les dirigeants politiques conformément au vœu des africains. Le CIFDHA interpelle par ailleurs les pays africains et l’Union africaine à assumer le prix de l’indépendance et de la lutte contre l’impunité en Afrique. Enfin, le CIFDHA appelle les juridictions des pays africains à faire preuve d’audace et d’indépendance afin de saisir la pleine mesure de la compétence universelle que leur confère certaines conventions notamment celles sur la torture et les statuts de Rome fondant la CPI, et surtout d’user du principe de subsidiarité afin de poursuivre dans le respect des procédures les crimes internationaux attentatoires aux droits humains.

YAMEOGO Urbain Kiswend-Sida
Président du CIFDHA
Email : yameogo.urbain@cifdha.org

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