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Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

Publié le lundi 9 mai 2016 à 20h18min

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Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

Chaque Etat dispose selon ses réalités d’un instrument de contrôle de la gestion saine et efficace de ses deniers publics.

Le Burkina Faso avait depuis 1991, consigné ce dispositif de contrôle dans sa loi fondamentale qui a été par la suite enrichie sous la transition par la loi n°004-2015/CNT du 03 mai 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso qui, a tant bien que mal, encadré le processus de déclaration d’intérêt et de patrimoine assorti évidemment de sanction en cas de manquements constatés.
L’objectif de la déclaration de biens, faut-il encore le rappeler, est de permettre aux citoyens d’être acteurs de la transparence de la vie publique. Il s’agit d’une mesure formalisée dans les toutes premières constitutions de la république française et transposée par le biais du mimétisme législatif dans les constitutions des Etats de l’Afrique Occidentale Française dont le Burkina Faso. Elle vise à lutter contre le vol, la corruption, la gabegie, l’enrichissement illicite, le pillage des ressources financières et matérielles. En tout état de cause, la déclaration de bien vise à assainir la gestion financière et matérielle des ressources de l’Etat.

Malheureusement malgré l’avènement de la loi n°004-2015/CNT du 03 mai 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso, cette pratique républicaine de déclaration d’intérêt et de patrimoine n’est pas satisfaite avec la rigueur qu’il faut.

Avant d’en aborder la quintessence des violations qui persistent, jugeons d’emblée ensemble de l’état de satisfaction de cette exigence sous la transition.
Il faut rappeler que l’article 10 de la charte de la transition n’avait certes pas donné de délai pour une déclaration en amont des biens mais avait belle et bien mentionné un délai maximum d’un mois suivant la fin de la transition pour y satisfaire.

Cette disposition s’applique également à tous les membres des organes de la transition institués par la Charte, à l’entrée et à la fin de leurs fonctions.

Nous avons constaté avec amertume que non seulement à l’entrée de leur fonction au sein du CNT par exemple, ni le président Cherif SY encore moins les députés de la transition n’ont donné satisfaction à cette exigence. Il en va de même pour les membres la commission nationale de la réconciliation et des réformes. Aucun acteur de ces organes de la transition n’a respecté les prescriptions de la charte.

S’agissant du gouvernement de la transition, nombreux sont les ministres qui n’ont pas satisfait au respect du délai d’un mois suivant la fin de leur fonction pour déposer leur déclaration qui d’ailleurs comportait pour certains des anomalies sans qu’une conséquence juridique ne soit tirée.

L’absurdité relève du mutisme du Conseil constitutionnel en relation avec la Cour des comptes, qui était chargé selon la charte de veiller à l’application de ces mesures et avait été investi d’ailleurs de tous les pouvoirs pour établir le patrimoine des personnalités concernées.

Ceux qui s’agitait autour de cette transition supposés être mieux éclairés n’ont pas daigné tirer la sonnette d’alarme, d’où d’ailleurs de nombreuses dérives constatées aujourd’hui avec l’audit réalisé par l’ASCE-LC.

A l’issue des élections couplées de novembre dernier, c’était avec un espoir que le peuple fondait sur les autorités nouvellement élues à donner non seulement l’exemple mais aussi à engager des poursuites judiciaires à l’encontre justement de ceux qui se sont illustrés négativement sous cette transition.

L’exemple tant attendu, tarde à venir et pire, ces nouvelles autorités à leur tour sont rentrées en conflit avec la loi n°004-2015/CNT du 03 mai 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso.

En effet aux termes de l’article 14 de cette loi, les membres du gouvernement disposent de 30 jours après leur installation pour déposer un inventaire de leur patrimoine au greffe du Conseil Constitutionnel. En rappel, c’est depuis janvier que ce gouvernement a été installé mais jusqu’aujourd’hui certains Ministres continuent et peinent d’ailleurs de faire leur déclaration de bien.

Aussi, convient-il de préciser que l’article 13 fixe clairement le champ d’application personnel de la loi n°004-2015/CNT du 03 mai 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso. Jusqu’à présent, aucun membre du pouvoir législatif, judiciaire, les autres personnalités politiques et administratives, les membres des institutions et des autorités administratives indépendantes etc. n’a encore déposé sa déclaration de patrimoine.

Même pour les autorités toujours en fonction depuis la transition et qui n’ont pas encore été pour le moment éjectées devraient aussi satisfaire aux exigences de l’article 116 de la loi qui fixe un délai d’un an en terme de disposition transitoire pour s’y conformer.

Aussi, au delà des déclarations fantaisistes et fallacieuses des biens de certains membres du gouvernement, convient-il tout de même de rappeler qu’il s’agit des déclarations incomplètes dans la mesure où le champ d’application matérielle de ces déclarations concerne aussi bien les actifs que les passifs tel que prescrit à l’article 24.

En effet, considéré comme l’ensemble des biens et des obligations d’une personne envisagée comme formant une universalité de droit, le patrimoine comporte deux grands ensembles et permet d’apprécier objectivement le degré d’enrichissement d’une personne.

A ce niveau, des conséquences doivent être tirées. Soit le canevas proposé par l’ASCE-LC n’est pas conforme à la loi soit les personnes assujetties à cette obligation refusent de déclarer leur passif.

L’ASCE-LC ne joue pas à mon humble avis son rôle. En effet, ceux qui font une déclaration tardive ou qui ne font aucune déclaration devraient être rappelés par les soins de l’ASCE-LC par exploit d’huissier de s’y conformer à défaut se voir priver d’un quart de leurs émoluments.

Il en va de même de toute personne qui fait une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, devrait en principe, être privée du tiers de ses émoluments sans préjudice à toute poursuite judiciaire. C’est ce que l’on constate aujourd’hui avec certaines déclarations qui s’assimilent selon les obligés à un véritable mépris vis-à-vis des populations.

Il s’agit parmi tant d’autres des cas de violation de cette loi n°004-2015/CNT du 03 mai 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso.
Il faut que l’ASCE-LC, le Conseil Constitutionnel, la Cour des Comptes, en se ressaisissant dans une logique d’entraide administrative, travaillent sans aucune considération et avec la dernière rigueur pour rendre effectif ce nouveau dispositif juridique d’assainissement de la gouvernance.

Sondé Auguste COULIBALY
Juriste
(augustecoulibaly@yahoo.fr)

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Vos commentaires

  • Le 9 mai 2016 à 20:42, par Tagsbeogo En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    Une mise au point salutaire qui était très attendue. Entre le non respect ou la non application des textes en vigueur et l’impunité, les liens de causalités sont indéniables. Avec les RSS, on a l’impression qu’on prend les mêmes et on recommence. Peuple du Faso prépare-toi. Une nouvelle insurrection semble inévitable. Tagsbeogo.

  • Le 9 mai 2016 à 20:50, par Gang En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    Exactement et belle analyse . Nous constatons de la mauvaise gouvernance actuellement au Burkina Faso. Tenez vous bien, le gouvernement doit vite etre repris apres les élections car nombreux sont les minsitres vraiment pas des gens qui incarnent l’insurrection. Au Ministère de la Jeunesse, suite à ce tatonnement piloté par le DRH et autres à travers des nominations claniques, sans logiques et sans tete , actuellement le torchon brûle entre les cadres et le faux programme BAC+2. Les jeunes ainsi que les cadres de ce Ministères sont tous d’accord et reconnaissent que ce programme est nul. Les responsables ont passé par des intimidations et autres pressions pour même retirer tous ceux là qui critiqueront ce projet du comité. Toutes les Directions régionales sont debout et sont prêts pour soutenir leurs camarades. Nous tenons BOUDA et son Staf pour responsable de ce climat pas vivable et celà doit obligatoirement necessité le depart de BOUDA et son DRH. Non à la dictature dans ce ministère, non à l’intimidation des cadres, non à la politisation du ministère, non à la manganisation du ministère, non à BOUDA et vive les proprietaires de la maison que sont ses cadres

  • Le 9 mai 2016 à 21:13, par OUEDRAOGO En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    C’est : " on ne peut plus clair ". A bon entendeur salut .

  • Le 9 mai 2016 à 21:48, par gangobloh En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    Hummmhhh je ferai un rapport complet à bon Diru .

  • Le 9 mai 2016 à 22:46 En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    M. COULIBALY, ce que vous feignez d’ignorer c’est qu’en général en Afrique, la loi est faite pour les autres. Et c’est qui les autres ?

  • Le 9 mai 2016 à 23:22 En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    c’est ça l’incivisme, l’injustice, l’impunité. cela se repercute ds la rue. si seulemnt les gouvernant etait civiqe, le peuple aussi le serait

  • Le 10 mai 2016 à 07:42, par verité En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    Je valide internaute 5 : ici en Afrique , la loi c’est pour les autres .
    Hummm, "le refus de s’assumer" , c’est ça qui tue nos Etats.Comment amener chaque citoyen, les personnes commises à faire correctement leur travail, à jouer leur rôle sans état d’âmes ? c’est un défi pour la bonne gouvernance.
    Ce qui se passe c’est parce que l’on sait qu’il n’y aura rien que les gens se fichent de respecter la loi : c’est ça l’incivisme.
    Comment créer le "burkinabé nouveau" consciencieux qui assume ses responsabilités ?
    En réalité la situation traduit sans équivoque jusqu’où nous sommes descendus bas : ce sont là les manifestations de la corruption généralisée , de la compromission , l’enrichissement illicite à ciel ouvert et autres complicités .
    Il faudra un jour punir aussi ceux qui refusent de s’assumer , ceux qui entretiennent le laxisme par leur inaction car c’est de la complicité qui ne fait que entretenir la mal gouvernance.Que celui qui n’est pas capable d’assumer ses responsabilité ait le courage de démissionner pour ne pas continuer de nous conduire tout droit dans le gouffre.

  • Le 10 mai 2016 à 12:56, par Sraza En réponse à : Assainissement de la gouvernance au Faso : Le nouveau dispositif juridique constamment violé

    Très belle analyse, la démocratie impose le respect de nos lois. Les acteurs concernés doivent veiller à l’application de ces lois.

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