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Presse et renouveau démocratique : Trois éminents professeurs décortiquent le sujet à travers un panel

Publié le mercredi 4 mai 2016 à 11h39min

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Presse et renouveau démocratique : Trois éminents professeurs décortiquent le sujet à travers un panel

A l’occasion de la célébration de la journée mondiale de liberté de la presse, le centre national de presse Norbert Zongo a organisé, le mardi 3 mai, un panel sur le thème « la presse du Burkina Faso face au défi du renouveau démocratique ». A la même table, trois éminents enseignants-chercheurs : Pr Serges Théophile Balima, Pr Mahamadé Savadogo et Pr Etienne Traoré. La modératrice du jour n’était autre que Béatrice Damiba, ex- présidente du Conseil supérieur de la Communication.

D’entrée de jeu, le Pr Serge Théophile Balima a rappelé les acquis engrangés par les journalistes burkinabè bien avant l’insurrection populaire. « Ils se sont constitués en juges des tribunaux populaires quand les députés se sont montrés serviles et quand les juges se sont mis aux ordres du pouvoir ». Aussi, il fait remarquer que ces hommes et femmes de médias ont contribué de façon multiforme à réhabiliter le journalisme, « un métier qui se dissolvait à cause de la relative léthargie des médias publics naguère confrontés aux luttes d’influence et aux pressions des caciques du pouvoir d’Etat ».

Les remèdes pour le renouveau démocratique

Pour le Pr Balima, la recette de la contribution des médias au renouveau démocratiques passe d’abord par la réforme du champ médiatique pour en faire un espace de corporation fondé sur les règles qui font la grandeur du métier. « La lutte entre dominant et dominés se matérialise par diverses formes de pression et de sanction doit sortir des calculs de positionnement social qui ont contribué souvent à galvauder l’identité et la dignité de certains journalistes », a-t-il souligné.

Cette réforme du champ médiatique est intimement liée la clarification du champ journalistique des acteurs qui sont si divers. Car il n’est pas rare de voir « des journalistes propriétaires d’organes de presse ou directeur de publication, commerciaux, hommes politiques déguisés ». A en croire le panéliste, il se pose des questions de positionnement qui peuvent emporter certains journalistes ou médias de façon à travestir la démocratie. D’où la consolidation de l’autonomie du champ journalistique pour résister « aux manipulations divisionnistes de certains acteurs publics et privés ».

Le troisième remède est la sacralisation des normes et des règles de la profession en veillant à ce que les journalistes ne diffusent pas des informations peu fondées à l’heure où les réseaux sociaux, qui ont actuellement le vent en poupe, se font des relais de diffusion à grande échelle d’un certain nombre d’informations qui ne sont pas toujours justifiées. « Il faut labelliser les informations journalistiques pour conserver la notoriété et la noblesse du journalisme professionnel », a souhaité le Pr Balima.

Recourir à la diversité des sources avant de livrer certaines informations à un public « devenu une instance de régulation et de décision » est la quatrième proposition du Pr Serge Théophile Balima qui estime que les médias sociaux sont une sorte de piège pour les journalistes confrontés à « une concurrence bouillante ». Les journalistes courent donc le risque de devenir « des portes paroles de leurs sources et ce serait alors une forme de complicité avec elles », avance le Pr Balima.

Enfin, la dernière recette apparait comme un conseil aux professionnels qui doivent cultiver plus de vigilance à la problématique récurrente de la survie socio-économique des médias qui peut engendrer le phénomène de commercialisation de l’information. « Il s’en suit des connivences directes ou indirectes, manifestes ou latentes entre l’univers du puissant et l’univers des médias », a conclu le panéliste.

Privilégier l’information à la communication

Le Pr Serge Théophile Balima sera rejoint plus tard par le Pr Etienne Traoré qui exposa sur la vision politique du rôle de la presse. Après avoir rappelé les valeurs de liberté, d’égalité, des droits de l’homme, la séparation du pouvoir, l’existence de contre-pouvoir civil et politique, chère à la démocratie, le Pr en philosophie a défendu la thèse selon laquelle la presse devrait renforcer cette opinion publique capable de peser sur l’action des gouvernants. « Ils doivent privilégier l’information à la communication car bien informés, les hommes deviennent des citoyens et mal informés, ils deviennent des sujets », a-t-il déclaré.

Multiplier les débats contradictoires sur les gouvernances politiques, sociales et économiques, veiller pour ce qui concerne les médias d’Etat, à l’équilibre de l’information, renforcer le professionnalisme des journalistes par des formations sur l’éthique et la déontologie du métier, renforcer le contrôle interne au niveau des médias pour prévenir et punir les différentes dérives, sont entre autres les propositions faites par le Pr Etienne Traoré dans le cadre de la contribution des journalistes au renouveau démocratique.

Enfin, pour ce qui est du Pr Mahamadé Savadogo, également enseignant de philosophie, il a tenu à clarifier, dans son exposé axé sur la société civile, que cette entité ne concerne pas que les organisations nées pour lutter contre le projet de révision de l’article 37. Les syndicats, les organisations de défense des droits humains et même la presse en font partie. Et puisqu’elles contribuent à la défense des intérêts de leurs membres et à l’évolution de la société dans son ensemble, les OSC attendent donc de la presse une certaine visibilité de leurs actions. Pour lui, les médias ont certes un rôle de diffusion de l’information mais ils doivent aller à la source de cette information et continuer à exercer un contrôle sur l’action étatique à travers des investigations et des reportages.

« Mais, il ne suffit pas qu’il ait libération de la parole, il faut qu’on avance vers le social et la lutte contre les discriminations », a souhaité le panéliste avant de préciser le sens de la responsabilité d’une presse « crédible », nécessaire pour la suite du combat pour le changement social.

Herman Frédéric BASSOLE
Lefaso.net

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