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Floby, « …Quand tu commences à pousser des ailes, il y a des gens qui sont là juste pour te plumer »

Publié le jeudi 28 avril 2016 à 07h31min

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Floby, « …Quand tu commences à pousser des ailes, il y a des gens qui sont là juste pour te plumer »

Depuis maintenant 10 ans, Florent Bélemyegré alias Floby berce les Burkinabè et pas seulement de sa voix mélodieuse. En quatre albums, celui qui se fait appeler le Karansamba (le maitre), le King Zodanga ou le Kirikou d’Afrique s’est imposé comme l’un des meilleurs artistes Burkinabè. Parti du néant, le jeune artiste, timide au départ, a résolument pris son envol remportant le Kundé d’or 2010 et écumant les scènes nationales et internationales. Cette année encore, il est dans le trio pour les Kundé d’or. Dans cette interview, Floby déballe tout sur ses 10 ans de carrière, sa difficile vie de famille, les rumeurs les plus folles sur lui, ses projets…

Lefaso.net : Quelle est l’actualité de Floby en ce moment ?

Floby : Je me prépare pour le concert des monstres sacrés de la musque burkinabè à Abidjan où je dois également finaliser le tournage d’un clip. Après je reviendrai pour préparer mes 10 ans de carrière. Depuis janvier j’étais en tournée.

2006 pour le premier album, cela fait 10 ans maintenant que l’aventure dure, quel bilan faites-vous en une décennie de carrière ?

Le bilan est très positif pour moi. Les disques ne s’achètent plus comme avant. Quand je vends 3000 CD, c’est satisfaisant même si cela ne couvre pas les dépenses. Mais pour le moment, je suis le seul artiste qui peut vendre autant de CD. Je sens également que mes fans m’ont définitivement adopté, c’est ce qui m’encourage et me fait dire que le bilan est très positif.

Avec ton dernier album, tu as donné plusieurs spectacles en Côte d’Ivoire, raconte nous comment ça s’est passé ?

Ce n’était pas la première fois que je me produisais en Côte d’Ivoire, mais cette fois ci, il y a vraiment eu une particularité. Ce ne sont pas seulement les burkinabè qui venaient à mes concerts. A toutes mes prestations, il y avait simplement un public africain.
J’ai été très bien accueilli, partout où j’ai déposé mes valises en Côte d’Ivoire. Quand on fait un travail qui est bien apprécié, cela ne fait qu’encourager. Des gens venaient squatter à mon hôtel juste pour me voir, cela m’interpelle à toujours redoubler d’effort dans la création.
Entre 2003 et 2004, je traversais la rue avec ma guitare, personne ne me regardait. Et ceux qui me regardaient, c’était pour m’injurier. Si aujourd’hui des personnes que je ne connais même pas squattent devant mon hôtel pour me voir, ça motive.

En 2006 tu sortais ton premier album, "Mam Sooré’’, 10 ans après quel bilan peux-tu faire de ta vue d’artiste ?

C’est une nouvelle vie pour moi. 10 ans après, Floby n’est pas riche financièrement, mais est riche humainement. Je suis entouré de milliers de personnes qui prient pour moi. Être artiste pour moi, était juste un rêve, un moyen de dévoiler ce que j’ai en moi, faire entendre ce que j’avais au tréfonds de mon âme.

En plus d’être une passion pour moi, la musique est devenue aujourd’hui, un business. Je vis de cela, je nourris des familles. Je dis merci à Allah, le créateur et je dis merci à tous ceux qui de près ou de loin, m’ont soutenu durant ces 10 ans de carrière. Je suis dans un rêve et je demande à Dieu de ne pas me réveiller maintenant.

En 2006, je ne m’attendais pas du tout à vivre toutes ces émotions. A cause de la musique je me suis battu contre vents et marées. J’étais sûr que j’arriverais à me faire entendre, maintenant être apprécié c’est Dieu qui le savait. C’est la vie. Si moi Floby, je peux réussir, c’est que tout le monde peut réussir.

Je dis tout le temps à mes concerts, de ne jamais perdre espoir, quelle que soit la situation. Quel que soit ce que vous faites, une porte s’ouvrira, il suffit de prendre ce que l’on fait au sérieux. Floby est un exemple. Je ne pouvais même pas acheter un caleçon, mon pantalon, je faisais trois jours sans manger. Mais aujourd’hui Dieu merci je tends la main à mes proches.

De "Mam Sooré’’ en 2006, au dernier album, M’pengda Wendé en 2015, Floby a aussi beaucoup changé musicalement…

C’est vrai que chaque artiste doit avoir une identité. En 10 ans, j’ai fait 4 albums, et quand vous les comparez, vous verrez que Floby a une identité. En 2013, j’ai commencé à faire de la musique tendance, je disais que c’était une transition. Quand vous écoutez le 4e album, il n’y a pas de Naija, de la tendance, j’ai juste fait de la musique. Les singles, c’est souvent juste une transition et c’est à la demande des fans.

Des artistes comme Meiway se métamorphosent. Un artiste qui ne peut souvent sortir de lui, faire parler de lui, meurt vite artistiquement. Voilà pourquoi souvent je ‘’déraille’’ et je reviens, ce sont les délires de l’art.

N’est-ce pas aussi souvent pour des exigences purement mercantiles ?

Bien sûr, il faut vivre. Nous sommes à une période où les CD ne s’achètent plus. Il faut vivre de ses spectacles. Quand on veut compter sur le live, qu’on a deux ou trois fois dans le mois, c’est vraiment compliqué.

Le style tendance, c’est souvent aussi pour se conformer aux exigences du marché, c’est ce qui se vend bien actuellement ; mais je garde ma musique d’avant parce qu’il ne faut pas oublier les fans de la première heure. Je fais donc les deux, j’essaie de satisfaire les deux camps. Floby était aimé des jeunes, mais aussi des personnes d’un certain âge. On ne s’empêche donc pas de faire des semi-live qui payent bien actuellement. Dans le mois, j’ai au moins 15 à 20 concerts. Il y a trente personnes qui travaillent avec moi, qui ne vivent que de la musique.

En 10 ans de carrière on a aussi entendu beaucoup de rumeurs te concernant. Comment tu as vécu tout cela ?

Au début quand j’entendais ces genres de rumeurs me concernant, je m’enfermais dans ma chambre toute la journée. J’ai supporté ainsi pendant deux ans. Les rumeurs arrivaient tout le temps. Floby fume la drogue, Floby sort avec la femme de quelqu’un, Floby est même mort.

Des gens qui m’appellent au téléphone pour me demander si je suis mort. Souvent je ne savais même pas comment répondre, comme si c’est mon fantôme qui répondait au téléphone, puisqu’on dit que je suis mort. Après, j’ai lu des grands artistes comme Alpha Blondy qui disait qu’un artiste qui ne fait pas parler de lui, est un artiste qui ne vit pas.

Avec le temps je me suis rodé. Quand les rumeurs arrivent, je les prends comme telles tout en sachant que je ne suis pas la personne dont on parle. J’ai compris que quand tu commences à pousser des ailes, il y a des gens qui sont là juste pour te plumer. Mais c’est grâce à ces personnes qu’on évolue. Quand tu penses qu’il y a des gens qui sont là juste pour te nuire sans que tu ne leur ai fait quelque chose, cela te galvanise pour ne pas leur donner raison.

Le temps de l’homme n’est pas celui de Dieu. Le jour que Dieu va décider que Floby deviendra fou, il sera ainsi. Mon inspiration, c’est Dieu qui me l’a donnée, et non pas la drogue, l’alcool. Il faut seulement prendre ce que l’on fait au sérieux. Dieu ne laissera pas celui qui se bat pour réveiller celui qui dort pour aider. Il faut se battre dans la vie, les rumeurs, ça arrive. Sans cela, l’artiste même ne vit pas, c’est ainsi que j’ai compris maintenant.

Certains fans te reprochent également d’avoir changé dans ton style vestimentaire qui ne ferait pas sérieux, de ne plus reconnaitre le Floby sage du début…

Vous savez, l’habit ne fait pas le moine. Tout dépend de ce que l’on a au fond de soi. Il faut chercher à connaitre l’homme. C’est vrai, quand j’ai commencé à changer de coiffure, il y a des fans qui sont venus me voir pour dire qu’ils n’aiment pas du tout. Je suis un artiste, je ne déteste pas les critiques qui me permettent de progresser.

Dans la vie, il faut souvent faire ce que le cœur dicte, tant que ce n’est pas mauvais. Mon style avant plaisait certainement à certaines personnes et déplaisait à d’autres. Aujourd’hui, c’est pareil, pendant que certains me critiquent, d’autres aiment.

C’est ainsi quand on est un homme public. On a beau faire, on ne plaira pas à tout le monde. Ce n’est pas parce que j’ai fait kirikou (Ndlr. Une touffe de cheveux sur la tête) que je suis un braqueur, que je dors dans les maquis et boites de nuit, que je ne travaille plus. On a souvent juste envie de s’éclater. Je dis seulement à mes fans de ne pas s’inquiéter. Demandez au journaliste qui s’entretient avec moi actuellement, il est dans mon studio (Ndlr. L’entretien a été enregistré le 26 avril aux environs de 13h. Nous avons trouvé l’artiste en plein exercice de création dans son studio).

Kundé d’or en 2010, tu es encore nominé dans cette catégorie cette année. Comment tu as accueilli cette énième nomination ?

Je n’ai pas été surpris. Depuis le premier Kundé, je me suis donné un défi. Chaque album que je sors, doit être nominé au Kundé. Je vous disais que les fans ont bien accueilli l’album, M’pengda Wendé. Je suis nominé dans la catégorie avec Imilo Lechanceux et Dicko Fils, tous sont mes amis. Je me suis voté et j’ai voté pour eux. Que le plus chanceux gagne, mais pas le meilleur, puisque nous sommes tous meilleurs. Si l’album fait partie des trois meilleurs de l’année, ce n’est pas rien.
Mais si on me donne l’or, je ne refuserai pas (Rires). Si je gagne, je veux. Si je suis nominé, c’est que je peux remporter. Mais si ce n’est pas le cas, ce ne sera pas non plus la fin du monde. C’est la musique burkinabè qui gagnera de toute façon. Le 29 avril, il n’y aura pas de défaite, c’est la musique qui sortira vainqueur.

Avec toutes ces tournées, comment Floby a concilié sa vie d’artiste avec celle de famille ?

C’est vraiment compliqué (Ndlr. La voix est plus pausée). J’ai une petite fille, mais actuellement je ne vis pas avec ma femme, peut-être que ça ira dans les jours à venir. Je suis dans un domaine où il faut croiser une personne qui puisse vraiment comprendre. C’est vraiment compliqué, la vie de l’artiste.

Nous qui sommes tout le temps partis, cela ne veut pas dire que nous avons nos C….sur nos fronts, mais il faut avoir une personne capable de comprendre cela. L’art absorbe tout. Souvent en famille même c’est compliqué, je ne suis jamais là. J’ai fait presque 5 fois le tour du Burkina. Je crois que même le président ne connait pas le pays autant que moi. J’ai voyagé partout, et je continue de voyager.

Des projets ?

Si tout va bien, j’ai vais débuter ma tournée internationale en Europe et aux Etats-Unis en juillet. Et pour les 10 ans de ma carrière, il y aura trois concerts, deux à Ouaga et un à Bobo. A Ouaga, ce sera un concert VIP et un autre gratuit, à la place de la nation le 30 juin gratuitement, pour dire merci à Dieu, à ceux qui ont été à la base de ce que je suis actuellement. Il y aura aussi des œuvres caritatives à l’endroit des orphelinats, les associations pour donner ma contribution à ces personnes qui manquent souvent du minimum.

Pour finir, je dis merci à mes fans. Mes sincères remerciements vont au maitre suprême, Allah qui me comble de sa grâce tous les jours, qui me donne la force de continuer à courir. Chacun des 7 milliards d’humains sur cette terre a un don, quelque chose de particulier que Dieu lui a donné. Je suis comme un cultivateur qui ne peut jamais finir de dire merci à la pluie, je ne peux finir de dire merci à mes fans. Je peux compter sur eux, ils peuvent compter sur moi pour le travail. Yaa Ya Boin…

Interview réalisée par Tiga Cheick Sawadogo
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