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Cléophas Adrien Dioma, agent du ministère italien des Affaires étrangères : « L’Afrique est devenue l’une des grandes priorités de l’Italie »

Publié le mercredi 27 avril 2016 à 00h25min

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Cléophas Adrien Dioma, agent du ministère italien des Affaires étrangères : « L’Afrique est devenue l’une des grandes priorités de l’Italie »

L’Afrique occupe actuellement une place de choix dans la politique extérieure de l’Italie. Foi de Cléophas Adrien Dioma, un émigré burkinabè qui pilote aujourd’hui le groupe « Migration et Développement » du Conseil National pour la Coopération au Développement rattaché au Ministère italien des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale. Journaliste, écrivain, formateur, artiste, Cléophas Adrien Dioma a plusieurs cordes à son arc puisqu’il est aussi promoteur d’un Festival baptisé « OttobreAfricano ». Dans cette interview, il parle de son parcours d’émigré, de ses activités et du festival qu’il organise.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Immigré burkinabè résident en Italie, je suis formateur, écrivain-journaliste, directeur et co-fondateur du Festival OttobreAfricano (www.ottobreafricano.org), président du comité d’organisation du RomAfrica Film Festival (RAFF - http:// www.romafricafilmfest.com).
Depuis Avril 2015 Membre du Conseil National pour la Coopération au Développement au Ministère italien des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, coordinateur du groupe “Migration et Développement”.
Travaillant dans le monde de la communication et de la formation depuis 2002, j’ai collaboré avec plusieurs revues et journaux italiens (Internazionale, SolidarietaInternazionale, Repubblica delle donne...)
Mon expertise en communication, médiation culturelle, formation et organisation d’événements culturels, de conférence sur la coopération internationale et sur le rôle des immigrés dans la société italienne a amené le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale du gouvernement Italien à me choisir comme seul représentant de la diaspora dans le Conseil National pour la Coopération Internationale crée en 2015. Je coordonne le groupe “Migration et Développement".

Vous avez un riche parcours. Quels avantages cela vous confère ?

Je suis appelé dans toute l’Italie pour tenir des conférences sur l’immigration, la coopération internationale, l’Afrique.
Je réside depuis 2014 à Rome, la capitale de l’Italie, pour la création d’une plateforme en collaboration avec les ambassades africaines à Rome, les ministères des Affaires Etrangères, de la Culture et de l’Economie italiens qui permettrait de mieux présenter les pays africains et par conséquent accompagner les entreprises et les administrations africaines et italiennes dans la mise en œuvre de leurs projets stratégiques en Afrique et en Italie.

Vous êtes Burkinabè vivant en Italie. Qu’est-ce qui vous a motivé à immigrer en Italie ?

L’Italie n’était pas ma première destination. Je dis toujours que c’est le hasard qui m’a amené là-bas. J’ai passé d’abord par la France et après étant devenu clandestin, j’ai dû me déplacer en Italie dans l’espoir de me régulariser. J’ai attendu deux ans pour y arriver. Durant ces deux ans, j’ai vécu au sud de l’Italie, Naples plus précisément. Apres m’être régularisé, je me suis déplacé vers le nord, à Parme, où il y avait plus de possibilités au niveau du travail.

Comment s’est passée votre intégration ?

Les débuts étaient difficiles surtout dans ma période de clandestinité. Mais j’ai vite compris que le seul moyen que j’avais pour m’intégrer était de parler la langue italienne. Donc j’ai commencé les cours dans un centre pour immigrés géré par la Caritas. Et de là est parti tout le reste : les premiers amis, une meilleure compréhension du contexte et de la langue et surtout un accompagnement dans la régularisation. Après j’ai commencé à être invité dans des écoles italiennes pour parler de mon histoire, de l’Afrique, du Burkina. Et comme j’aimais bien travailler dans les écoles, j’ai fait une formation en médiation culturelle et j’ai commencé à travailler comme éducateur/formateur dans un centre pour jeunes immigrés et italiens. Grâce à ma mère qui est enseignante, j’ai beaucoup appris. C’était donc assez facile lorsqu’il s’agissait de l’écriture. J’ai donc collaboré avec une des revues les plus importantes italiennes, Internazionale (www.internazionale.it).

Vous êtes le coordinateur du groupe « Migration et Développement » du Conseil National pour la Coopération au Développement rattaché au Ministère italien des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale. En quoi consiste votre travail ?

Le Conseil National pour la Coopération au Développement est un organe consultatif créé par le Ministère italien des Affaires Etrangères. Nous avons comme fonction de donner des avis sur la nouvelle coopération italienne.
Le Conseil regroupe les Organisations de la société civile, les ONG, les sociétés privées et la diaspora que je représente. Je coordonne donc le groupe 4, “Migration et développement". Ce groupe doit réfléchir et proposer des idées qui devraient amener les immigrés et les associations d’immigrés à participer non seulement au développement du pays d’accueil mais aussi à accompagner le développement de leurs pays d’origine.

Depuis quelques années, on assiste à une immigration massive de jeunes Africains vers des pays européens. Qu’est-ce qui est fait en Italie pour l’accueil de ces candidats à la migration ?

L’Italie est assez submergée par cette situation et pas assez préparée à cela. Elle est aussi un peu abandonnée par l’Europe qui s’en lave un peu les mains. Donc il y a, je dirais, un sauve-qui-peut général. L’Italie essaie, à travers des associations et autres institutions et structures, d’organiser l’accueil des immigrés. Il y a beaucoup d’efforts qui sont faits aussi pour la formation, même si le plus gros problème est de savoir qui des immigrés ont droit à être mis en règle ou pas. La nouvelle vision de la coopération internationale italienne tient aussi compte de ce facteur : comment par l’investissement, le transfert de know how et la formation lutter contre l’émigration clandestine et comment ici, en Italie, organiser les immigrés et associations d’immigrés à être mieux structurées et organisées pour accompagner les autorités italiennes dans ce sens.

Avec les drames auxquels on assiste, est-ce encore la meilleure option ?

Non je ne crois pas. Mais actuellement je n’en vois pas d’autre. Avec les problèmes politiques, humanitaires, le manque de débouchées pour les jeunes africains, c’est sûr que nous aurons encore beaucoup qui viendront en Europe. Fermer les frontières n’est pas la solution mais c’est aussi clair que les Etats européens ne sont pas préparés à accueillir cette immigration aussi massive.

Quelle place occupe l’Afrique dans la politique extérieure de l’Italie ?

L’Afrique est devenue l’une des grandes priorités de l’Italie. En 18 ans de vie ici c’est la première fois qu’un premier ministre visite autant l’Afrique. Le premier ministre, Matteo Renzi, est allé en Angola, au Mozambique, au Congo-Brazzaville, en Ethiopie, au Sénégal, au Ghana, au Nigeria.Dernièrement le chef de l’Etat Mattarella est allé en Ethiopie et au Cameroun. Donc les Italiens se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient plus rester à la traine par rapport au continent. Le 18 juin 2016, il y aura en Italie le sommet Italia-Africa avec tous les ministres des Affaires étrangères d’Afrique. Tout cela pour dire qu’il y a un intérêt énorme pour le continent qui ne s’arrête plus aux projets humanitaires mais atteint le désir d’investissement et de rapports économiques et commerciaux. Le nouveau vice-ministre à la coopération internationale est régulièrement en Afrique. Il était au Burkina Faso juste après les attentats et dernièrement il était en Namibie et en Tanzanie.

Le Burkina compte aujourd’hui beaucoup de ressortissants en Italie. Que faut-il pour permettre à ces personnes de vivre et mener dans la tranquillité leurs activités ?

L’Etat burkinabè devrait avoir un meilleur regard sur cette forte communauté en Italie. Non seulement c’est une des communautés les plus appréciées (nous sommes reconnus comme de grands travailleurs et des personnes sérieuses) mais elle est aussi assez organisée et fait beaucoup pour le pays. Il suffirait d’aller dans la zone du Boulgou pour voir les œuvres de cette communauté : écoles, lycées, dispensaires, etc. Beaucoup de réalisations ont été faites par la diaspora burkinabè. Nous avons donc besoin d’une présence forte et d’un accompagnent de notre ministère de tutelle, le ministère des affaires étrangères, de notre ambassade et de nos consulats.

Vous êtes également journaliste, formateur, musicien, poète. Comment arrivez-vous à cumuler toutes ces fonctions ?

Je suis un passionné de la littérature et de la culture. Donc c’est assez aisé pour moi d’écrire et de participer à des rencontres formatives. La poésie pour moi est essentielle. Elle est curative. Elle me libère dans mes moments de détresse. Elle est une amie. Donc aucun inconvénient pour moi à lier ce je que fais sur le plan professionnel à mes passions.

Vous organisez le Festival OttobreAfricano, quels en sont les objectifs ?

L’objectif de l’OttobreAfricano est de mettre en valeur les productions artistiques et intellectuelles africaines et dépasser le folklore et les clichés misérabilistes afin de les affirmer comme parties prenantes du contexte culturel mixte qui se dessine aujourd’hui en Italie. Donner naissance à un tel projet a permis d’introduire un regard nouveau sur l’immigration, sur les autres cultures grâce aux événements culturels mais aussi aux rencontres mettant en présence des porteurs de richesse de tous horizons. Des moments capables de favoriser la socialisation et l’intégration. Le festival est devenu un véritable générateur d’enrichissement mutuel pour la société italienne, réunissant autochtones et immigrés.

Comment est perçue la culture africaine en Italie ?

Les italiens sont curieux de l’Afrique. Il y a quelque chose d’énigmatique pour eux, de mystérieux. Ils se posent beaucoup de questions : Qui sont ces Africains qui vivent parmi nous ? Quelle est leur culture ? Qu’est-ce qu’ils pensent de nous ? Donc l’événement est beaucoup apprécié parce qu’il essaie de donner des réponses à ces questions. En plus, la culture est le meilleur moyen de créer des rencontres, faciliter la connaissance…

Qu’est-ce qui est fait au cours de ce Festival ?

Cinéma, conférences, libres, diner, show-cooking, musique, expo : l’Afrique a 360°

Quelles seront les innovations de la prochaine édition ?

Cette année nous allons réunir les excellences culturelles africaines et italiennes dans le cadre d’une nouvelle édition intitulée “La Culture entre Art et Diplomatie”.
Le thème phare de cette année serait donc la diplomatie culturelle. Nous pensons que cela soit évident que les rapports entre les pays passent aussi et surtout à travers la culture. Les facteurs culturels devraient être donc au centre de chaque projet de coopération, ne pas en tenir compte pourrait amener à leur échec. La culture est redevenue une priorité dans les politiques de coopération internationale, nous pouvons même dire qu’elle est quasi devenue un enjeu géopolitique. Elle est considérée comme un facteur de meilleure connaissance entre les peuples et donc comme facteur de paix. La culture peut être, à la fin, un moyen pour mieux présenter les pays et par conséquent faciliter les investissements et les relations commerciales.

Propos recueillis par Jacques Théodore Balima
Lefaso.net

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