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Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (2/3)

Publié le samedi 16 avril 2016 à 15h51min

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Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (2/3)

S’il est une arme dont se sert avec brio l’acteur politique comme celui du théâtre, c’est bien celle de la communication. Communiquer pour captiver et exister. Pour l’homme de théâtre, la communication permet d’établir une relation sociale et émotionnelle ponctuelle en captivant un auditoire pour faire passer un message. Il s’agit de deviner les maux, les sentiments des spectateurs pour exprimer par les mots ce qu’eux-mêmes n’arrivent pas à traduire et dire.

En communiquant, l’acteur de théâtre porte et défend la cause des sans-voix. Il caricature, dénonce et interpelle les puissants et les faibles sur leurs tares et travers. Contrairement au politicien, l’homme de théâtre ne cherche pas la visibilité à tout prix, il veut surtout faire passer un message et provoquer des changements sociaux et politiques salutaires. C’est d’ailleurs pour cela que le théâtre est considéré comme une technique de communication sociale pour le changement de comportement !

Comme les acteurs de théâtre, les vrais politiciens sont les maîtres du verbe et de l’éloquence. En politique, tout se passe avec les mots comme au théâtre. Pour cela, les politiciens en général et les populistes en particulier ont une rhétorique bien rodée et maîtrisée dans laquelle le mot peuple revient à profusion pour donner à ceux qui écoutent un fort sentiment d’inclusion, de solidarité et d’unité. L’art de l’homme politique, c’est de faire croire qu’il va construire un monde meilleur et plein de bonheur pour tous les opprimés. C’est de faire rêver les exclus du système politico-économique. En se faisant passer pour un sauveur et un bienfaiteur, il s’impose comme le porte-parole et le défenseur des exclus. Il crée un lien fictif ainsi qu’un sentiment affectif basé sur une illusion de proximité, suscitant une confiance aveugle des citoyens vis-à-vis d’un parfait inconnu. De nos jours, bien d’acteurs politiques ne viennent que pour séduire, persuader, tromper et mobiliser les autres pour réaliser leurs propres ambitions et défendre leurs intérêts personnels. Ils sont simplement des imposteurs déguisés en démocrates. Or, le bon sens nous enseigne qu’on ne confie pas son destin à un inconnu parce qu’il parle bien. Et depuis l’école primaire, on nous a appris que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.

La communication comme une arme de destruction massive

Si l’acteur de théâtre utilise la communication comme une arme de défense des droits des citoyens, l’imposteur politique utilise la communication comme une arme de destruction massive de ses con-citoyens. Grâce à elle, il manipule un grand nombre de personnes et les entraine à sa suite dans l’incertitude du lendemain et parfois la perdition. C’est ce que fit Hitler quand il entraina toute la jeunesse allemande dans la deuxième guerre mondiale. Ils furent tués en masse sur tous les champs de bataille d’Europe après avoir été harangués par le Führer. Hitler et Mussolini étaient des tribuns, des maîtres de la parole.

Par le souffle, la voix, le ton et le geste théâtral, ces politiciens racistes ont usé de la mécanique discursive de séduction, d’invasion, de confiscation et de domination de la pensée des autres pour s’imposer en messies alors qu’ils étaient des dictateurs fous et prétentieux. Ils ont su mobiliser des millions de leurs jeunes concitoyens pour les conduire dans l’enfer de la guerre et de la mort. En donnant l’illusion de comprendre les maux de la société, ces politiciens ont usurpé et mis en scène les sentiments nationalistes, les aspirations et les rêves de leurs concitoyens en promettant de les concrétiser mieux que quiconque. Aujourd’hui encore, bien de leurs semblables se mettent en scène en promettant monts et merveilles à une jeunesse en quête de meilleurs lendemains. Ils brassent les mots avec dextérité et assomment la conscience sans laisser le temps de discerner la vacuité de leurs propos. Ils adoptent et changent de langage au gré des circonstances et des interlocuteurs pour imposer une pensée unique, la leur. Avec des idéologies confuses, ils sèment la destruction et la désolation autour d’eux au lieu du bonheur promis et espéré par les peuples. Ce n’est pas du théâtre.

Sous nos tropiques pauvres et misérables, le bon politicien est celui qui sait être le plus menteur, malhonnête, hypocrite et traitre. Le personnage de composition qu’il s’invente ne se limite pas en définitive à la fonction et au rôle politique à remplir. Comme dans un nouveau scénario de sa propre vie, il s’invente une nouvelle identité pour flatter son égo, en pensant se réaliser. Il s’entoure d’un maximum de griots, de suiveurs et de courtisans pour vanter ses mérites irréels. Il s’attribue le mérite des efforts et du travail des autres en se faisant applaudir par eux et en recevant tous les honneurs à leur place. Cette tendance au marketing personnel de l’imposteur politique permet de créer de toutes pièces des personnages héroïques imaginaires et bien souvent ridicules et décevants. De nos jours, leur visibilité est amplifiée et renforcée par les réseaux sociaux qui donnent la possibilité à ces politiciens imbus de leurs personnes de se mettre en scène auprès d’un vaste public virtuel. Echappant ainsi aux dures réalités de l’action politique de proximité dictées par les attentes et aspirations des citoyens, ces politiciens d’un autre genre deviennent comme des as du paraître. Ils font semblant de s’occuper des attentes du peuple.

Servir le peuple ou se servir du peuple

Une pièce de théâtre est toujours une caricature des faits de la vie sociale et politique quotidienne. Certaines représentations illustrent les acteurs et les actions politiques pour en montrer les tares et méfaits, les grandeurs et les hauts faits, les points forts et les points faibles. En mettant en scène les faits politiques, l’acteur de théâtre veut informer, sensibiliser, éduquer, conscientiser, dénoncer et interpeller les gouvernants à mieux jouer leurs rôles. L’acteur de théâtre dénonce ce qui ne va pas dans la société du fait des actes répréhensibles des dominants et des gouvernants. L’acteur de théâtre s’engage pour servir les sans-voix et porter leurs protestations et leurs revendications, pour dénoncer l’oppression pour défendre les plus faibles et confondre les coupables intouchables. Dans un jeu de rôles, il met en scène les faits réels du quotidien pour libérer la parole citoyenne et émanciper les peuples. L’homme de théâtre se positionne comme le dénonciateur des gouvernants qu’il ridiculise et ramène à leur dimension humaine et à leurs responsabilités de satisfaire les attentes du peuple. Ce n’est pas un hasard si les grandes pièces théâtrales de l’histoire sont des moqueries contre les puissants gouvernants.

Par contre, l’acteur politique confirme par son comportement et ses actions toutes les tares sociales que critique l’acteur de théâtre. Bien souvent, au lieu de servir les autres comme promis, les acteurs politiques se servent de leurs rôles pour devenir des personnages immondes d’une cupidité sans limite. Tellement occupés à se servir, ils oublient les promesses faites au peuple et la mission que ce dernier leur a confiée. Comme dans la France du Moyen Age et de la Renaissance où les souverains et leurs courtisans ont abusé de leurs rôles à cause de leur amour de la luxure et l’opulence, plusieurs générations de politiciens contemporains tombent aussi dans la jouissance sans modération des facilités et avantages liés à leurs fonctions. Ils deviennent alors de dangereux criminels dotés d’un grand pouvoir de nuisance. En définitive, le plus dur pour eux, c’est juste d’obtenir ou d’arracher la confiance du peuple par le vote ou par d’autres moyens. Une fois en poste, ils prennent leurs mandats électifs et nominatifs comme une occasion de divertissement, d’auto-gratification et de jouissance sans réserve. Ce genre de politiciens oublie vite qu’ils sont sur une scène publique avec le peuple comme mandataire, témoin, spectateur, bénéficiaire et victime silencieuse de leurs mauvaises actions.

L’imposteur politique se joue du peuple

En réalité, l’imposteur politique ne se gêne pas et se sert au lieu de servir le peuple qui l’a mandaté. Il se met à l’aise pour jouir du pouvoir, des plaisirs et des avantages liés à son rôle. Oubliant vite son passé modeste ou pauvre, il s’invente une nouvelle identité et pense ainsi être enfin devenu « quelqu’un ». Plusieurs acteurs politiques de ce genre font bombance et s’engraissent à vue d’oeil. D’autres s’habillent en Faso Dan Fani pour faire bonne image aux yeux du peuple tout en commandant caviar et champagne de Paris pour leurs diners de parvenus. Ils construisent de grandes maisons luxueuses et achètent de grosses voitures cylindrées pour contenir leurs égos démesurés. Ils congédient ensuite les vieilles épouses fripées, édentées ou tout simplement défraichies et les remplacent par de jeunes donzelles aux yeux de biches, adeptes de tontons bedonnants et de liasses sans nombre. Ils attirent des saprophytes de tout genre qui, appâtés par leurs richesses de circonstance, comptent bien profiter de leurs largesses de fanfarons.

Pour le malheur du peuple, ils se contentent seulement de commander de beaux costumes infroissables, des boubous bazins brodés et gonflent leurs comptes bancaires pour être plus conformes à leur nouvelle position socioéconomiques. Pour bien paraître, ils préfèrent se lancer dans l’apprentissage de nouveaux modes de vie et de consommation ainsi que des autres choses qui leur paraissent indispensables pour devenir ce qu’ils ne sont pas. Ils ne font pas semblant comme au théâtre, mais jouent plutôt à fond leurs rôles en se divertissant sans retenue. Sauf que cela n’amuse pas du tout le peuple spectateur qui voit son destin brisé et sa confiance trahie. Mais, au lieu de lui donner raison, le politicien imposteur le juge jaloux et aigri. Contrairement à Monsieur Jourdain, le bourgeois gentilhomme, les acteurs politiques imposteurs refusent d’acquérir les manières des hommes d’honneur et de qualité. Avec une cupidité sans limite, ils se mettent à accumuler les biens pour devenir des hommes riches comme Crésus, oubliant qu’ils ne sont en réalité que les fils indignes d’un pays pauvre.

Boinzemwendé KABORE
Sociologue
Doris30102014@gmail.com

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Vos commentaires

  • Le 16 avril 2016 à 16:48, par Cheikh En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (2/3)

    Bien parlé, mais rien de nouveau Monsieur Kaboré. A part le simple point de vue que tu donnes, tu ne prouves rien d’autres de concret, car la politique a existé, existe et existera toujours partout.
    Alors, observe et tais-toi comme tout le monde, car c’est à prendre ou laisser, et point barre.

  • Le 16 avril 2016 à 22:18, par konfe youssoufou En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (2/3)

    Monsieur Kaboré a bien précisé dans son titre qu’il s’agit d’une comparaison entre politique et théâtre et ces deux choses existaient bien longtemps. il n’est certainement pas le premier à effectuer une telle analyse ; cependant, il l’a fait dans un contexte social, politique... qui est le nôtre. Donc, comme l’acteur de théâtre, il n’a fait qu’éclairer des concitoyens. rien de mal. courage et félicitations monsieur Kaboré

  • Le 17 avril 2016 à 10:42, par Sompassaté En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (2/3)

    Félicitation Mr KABORE pour votre belle et intelligente analyse. Je me reconnais bien dans cette pertinente analyse. je voulais dire aussi à l’internaute 1 qu’il est directement concerné ou par personne interposé à ce qu’a décrit Mr KABORE mais à défaut de prendre conscience, il devrait tout simplement se taire !

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