LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

Publié le mercredi 13 avril 2016 à 23h29min

PARTAGER :                          
Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

On dit souvent que la vie est comme une scène de théâtre où chacun entre, joue son rôle et disparait. Ce propos illustre très bien ce qu’est la vie des gouvernants politiques, temporaires et éphémères, qui gèrent nos cités et notre destinée. Si par analogie, la vie politique est comme une scène de théâtre, il y a bien de points de similitude et de comparaison qui permettent de dire que les acteurs politiques ressemblent fort à des acteurs de théâtre. Une pièce de théâtre a des séquences.

Ainsi en est-il aussi des mandats politiques pour les postes électifs et nominatifs. Tout comme l’acteur de théâtre rentre sur scène et joue plusieurs séquences simultanément ou successivement, l’acteur politique fait de même en assumant un ou plusieurs rôles électifs et nominatifs a un moment donné de sa vie. Au théâtre, tout acteur joue dans une pièce qui est une comédie comique ou tragique mise en scène. C’est une représentation de la réalité et non la vie réelle qu’il joue. Contrairement à l’acteur de théâtre, l’exercice d’un mandat électif et nominatif n’est pas une farce mise en scène, mais bien la réalité. On parle néanmoins de la scène politique pour illustrer l’espace dans lequel se déroule le jeu entre politiciens. Théâtre et politique sont deux jeux aux objectifs, acteurs et conséquences bien différents malgré les similitudes apparentes.

Détestés et applaudis, admirés et haïs

La qualité de l’acteur de théâtre se reconnait à sa capacité à reproduire tous les personnages et les scènes de la vie courante de façon vraisemblable et de faire ainsi croire à la réalité. Au théâtre les bandits, les méchants les assassins et mêmes les idiots, les cons et les lâches sont applaudis et on les appelle tous des artistes. Les spectateurs applaudissent aussi bien les gentils, les courageux, les braves, les bons et les honnêtes tout comme les brigands, les salopards et les voleurs. Selon les rôles que jouent les acteurs, les spectateurs font les choix et applaudissent aux scènes qui les touchent ou les intéressent. Ils applaudissent même ceux qui les font pleurer de rire ou de tristesse. Tout comme des acteurs de théâtres, les hommes politiques jouent aussi des rôles prédéfinis.

Qu’ils soient Présidents, Ministres, députés, maires, conseillers, SG, DG, coordonnateurs ou directeurs, chaque fonction correspond à un rôle à jouer auprès de la population. Dans l’exercice de ces rôles, on retrouve des voleurs et des honnêtes, des méchants et des bons, des courageux et des lâches, des travailleurs et des paresseux. Mais, comme les acteurs de théâtre, les hommes politiques sont à la fois admirés et haïs, détestés et applaudis. Du moins pour un temps. Le politicien fait rire quand il remplit ses belles promesses ou fait pleurer quand il trompe les citoyens. Si ce n’est au théâtre et en politique, je n’ai jamais vu une personne être admirée et recevoir des louanges pour ses défauts et ses méfaits.

Maitriser l’art du paraitre

Comme dit l’adage, celui qui porte un costume veut paraître ce qu’il n’est pas. Ainsi, l’homme de théâtre s’habille pour changer d’identité et emprunter celle du personnage qu’il veut représenter. L’acteur du théâtre se contente d’emprunter et d’imiter avec ironie l’identité et le comportement d’autrui. L’artiste joue son personnage juste le temps d’une scène ou d’une pièce théâtrale et après, il reprend sa propre identité. Une fois nommé ou élu, l’acteur politique aussi change sa façon de s’habiller, de parler en public, de se comporter dans la société et vis-à-vis de ses subordonnés. Pour paraître comme un Président, un Ministre, un député, un maire, l’homme politique doit aussi jouer un personnage. Devenir un acteur politique exige que l’individu change pour s’adapter à ce milieu ainsi qu’à ses règles, normes, et codes de conduite à respecter. Il s’habille pour changer d’identité et devenir un personnage fictif qui illustre une fonction et un rôle politique.

C’est pourquoi, le vrai politicien est maître de l’art du paraître, tout comme l’acteur de théâtre. Chez l’un comme chez l’autre, tout l’art réside dans l’accoutrement, le discours, l’attitude et les émotions. Dans les deux cas, il y a une volonté de camouflage de l’identité réelle de l’acteur, mais pas pour les mêmes raisons. Comme le caméléon, c’est sa capacité à se prendre pour ce qu’il n’est pas qui garantit la survie du politicien dans l’arène politique. Plus un acteur de théâtre joue bien son personnage, plus il convainc et est apprécié. Plus il réussit à faire toujours semblant, plus les gens croient en ce qu’il parait être. Plus il force le trait et exagère dans la mise en scène de sa personne, plus il mystifie et captive comme par magie.

L’acteur de théâtre connait et maîtrise son rôle avant d’entrer sur scène

Ne devient pas acteur de théâtre qui veut. Seuls ceux qui ont les aptitudes naturelles confirmées et ceux qui sont bien formés peuvent acquérir le titre d’acteur. L’acteur de théâtre est considéré comme étant un artiste. Cela vient du fait qu’il maitrise un art enseigné et reconnu qui est celui de la scène et du spectacle. La chose la plus importante est qu’un vrai acteur de théâtre ne monte pas sur scène sans avoir bien appris son rôle et ses répliques par cœur. Pour bien jouer son rôle dans les moindres détails, le comédien doit maitriser son personnage avant de monter sur scène devant un public. Il existe des connaisseurs dans le domaine du théâtre, chargés d’apprécier et de corriger le jeu des acteurs pendant les répétitions. Ils font des répétitions intensives pour bien maitriser la pièce et le jeu des acteurs avant de monter sur scène pour la représenter. Ce travail rigoureux est encadré et supervisé par des professionnels aguerris et plusieurs spécialistes membres de la troupe. Un acteur de théâtre n’est donc jamais seul face au public car il y a toujours des acteurs de l’ombre qui l’aident à réussir sa prestation.

Dans une troupe de théâtre, chaque acteur a son rôle, mais c’est l’harmonie du jeu des membres du groupe qui en fait une vraie troupe. La complémentarité des rôles et la synergie d’action sont systématiques et indispensables. Une troupe théâtrale se compose de plusieurs spécialités techniques (auteur, metteur en scène, etc.) qui concourent à la réussite de la prestation des acteurs sur scène. Le scénariste, l’éclaireur, le bruiteur, les costumiers, les musiciens, les acteurs, les maquilleurs qui composent la troupe ont chacun une expertise nécessaire à la bonne performance de la troupe. Malgré tout, il faut une cohésion et une bonne coordination constante de tous les acteurs par le directeur de la troupe pour que le jeu soit de parfaite qualité pour les spectateurs.

L’acteur politique apprend son rôle après son élection ou sa nomination

Bien qu’on enseigne les sciences politiques et juridiques dans les universités, les acteurs politiques ne sont pas tous formés dans ces matières et ceux qui le sont ne connaissent que les théories. La réalité de l’action politique politicienne est aux antipodes des théories. L’expérience montre à souhait le gap qui existe entre théorie et pratique dans la gouvernance politique. Dans nos traditions, avant d’accéder au trône, les futurs rois étaient soumis à une formation qui les préparait à leur rôle. Tel n’est pas le cas pour les acteurs politiques modernes qui accèdent aux postes sans aucun un apprentissage préalable. Bien souvent, les responsables politiques n’ont aucune compétence en matière de gouvernance au moment d’être élus ou nommés aux postes clés. Autant dire qu’ils battent campagne en prétendant être capables de faire un boulot sans preuve ni expérience. C’est donc sans surprise que de voir des hommes politiques accéder aux postes pour ensuite demander la patience au peuple pour apprendre comment remplir leurs fonctions. Ils veulent avoir le temps pour apprendre à gouverner et gérer une commune, une région, un ministère, un pays.

Il n’y a pas un temps de formation pour les membres de l’équipe gouvernementale avant qu’elle ne commence à travailler et en général chacun se cherche. En politique, il n’y a pas de formation pratique au préalable, ni des répétitions comme au théâtre. Tout fonctionne sur la base de l’apprentissage dans l’action ou sur le tas. Une équipe gouvernementale n’est donc pas fonctionnelle dès son installation. Les nouveaux ministres mettent plus d’un an pour connaitre les textes régissant l’action gouvernementale, comprendre les rouages du fonctionnement du gouvernement et pouvoir imprimer leur marque. C’est le cas quand ils sont nommés pour leurs aptitudes techniques dans les domaines précis et surtout s’ils connaissent déjà l’administration publique.

Mais, les ministres provenant du privé et des OSC peuvent mettre deux ans pour se stabiliser dans leurs fonctions et commencer à comprendre le mode de fonctionnement d’une équipe gouvernementale. De même, les élus politiques ne sont pas formés à leurs rôles avant d’assumer leurs mandats de députés, de maires ou de conseillers municipaux. Là encore apprentissage dans l’action sans un suivi rigoureux des performances. Il faut deux ans au minimum pour un élu pour comprendre son rôle et assumer correctement les tâches qui lui sont dévolues en tant que conseiller, maire ou député. Ils perdent un temps fou pour apprendre à remplir leur fonction. Les plus aguerris sont plus occupés à tirer profit de leurs positions tandis que d’autres se livrent à des compétitions stériles en mettant des bâtons dans les roues de leurs camarades novices. Or, après la troisième année, les esprits et les énergies sont vite mobilisés pour préparer la prochaine élection. Il n’y a donc pratiquement pas le temps de s’occuper sérieusement et efficacement des problèmes des populations.

Tout cela donne l’impression qu’une équipe gouvernementale est une troupe théâtrale mal préparée et qui ne connait pas bien son scénario et donne un mauvais spectacle. Avec des acteurs inexpérimentés ou incompétents dans le jeu politique, le peuple laisse la liberté de jouer avec son destin, dans une pièce grandeur nature plus tragique que comique. Pour le malheur du peuple, une équipe gouvernementale n’est pas comme une troupe de théâtre, c’est-à-dire un regroupement d’artistes et de professionnels aguerris (auteurs, scénaristes, maquilleurs, costumiers, éclaireurs, producteurs, etc.) du spectacle ayant un projet artistique commun. Puisque plusieurs personnes élues et nommées aux postes sont sans une expérience des rôles et fonctions qu’elles sont appelées à jouer, alors le désordre et la cacophonie s’installent et le peuple spectateur le perçoit très vite. Quand après moult erreurs, échecs et dégâts certains politiciens arrivent à maitriser les rudiments de l’action politique, ils se prennent pour des maîtres en la matière ou des « bêtes politiques ». Tout comme un acteur de théâtre qui en fait trop nuit à la qualité du jeu, de même un politicien qui abuse de son rôle par orgueil nuit à toute son équipe et à son peuple. A partir de ce moment, il constitue un mauvais exemple politique que l’acteur de théâtre n’hésitera pas à dépeindre avec ironie dans une de ses pièces.

Boinzemwendé KABORE
Sociologue
Doris30102014@gmail.com

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 13 avril 2016 à 17:32, par Mimtiri En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

    Votre tentative est louable mais hélas très réducteur (par moments). le théâtre a évolué et l’acteur "n’entre plus toujours en scène avec un rôle prédéfini". Plusieurs écoles de direction d’acteurs vous édifieront à ce sujet et au Burkina par exemple le théâtre d’intervention sociale est un exemple. Quand vous écrivez "L’acteur du théâtre se contente d’emprunter et d’imiter avec ironie l’identité et le comportement d’autrui. L’artiste joue son personnage juste le temps d’une scène ou d’une pièce théâtrale et après, il reprend sa propre identité." c’est beaucoup plus complexe que ça. Beaucoup ! mais bon, restons dans la caricature pour que votre propos passe auprès des lecteurs.
    Ensuite, dans la longue liste d’hommes politiques ne mettez pas les SG, DG et autres coordonnateurs de projets. parce que ce sont justement des postes qui ne devraient pas toujours être politiques en ce sens que personne n’est élu Dg ou Sg.

  • Le 13 avril 2016 à 17:37, par ILB En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

    Pour moi, la différence entre le Politicien et le Comédien est que le Comédien fait de la politique, tandis que le Politicien fait de la comédie. En jouant son rôle avec maîtrise, le Comédien fait prendre conscience à son auditoire, du contenu ou de la problématique traité. La prise de conscience est fondamentale car elle fait changer le cours de l’histoire. L’imaginaire c’est-à-dire le FAUX devient alors VRAI, c’est-à-dire la réalité. Par contre, le Politicien surfe sur du FAUX et cherche faire croire que le FAUX est bien VRAI. La réalité (le VRAI) qu’il présente n’est que son imaginaire (le FAUX). Ecouter et croire à qu’il dit risque de conduire à l’abîme. Avec lui, le VRAI est tout à fait FAUX !

  • Le 13 avril 2016 à 17:57, par Cheikh En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

    Thème de rapport ou thèse politique ? Sinon de tout cela, çà y ressemble quand même !

  • Le 14 avril 2016 à 21:28, par Julien En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

    Le politicien et le comédien sont des parents à plaisanterie.

  • Le 14 avril 2016 à 22:43, par Jeunedame seret En réponse à : Quelle comparaison peut-on faire entre le théâtre et la politique ? (1/3)

    Affinité et/ou réalité de mises en scènes. Et qui écrit le scénario ?

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?