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Clara Lawson : « intellectuelle et couturière »

Publié le lundi 9 mai 2005 à 07h59min

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Clara Lawson porte haut le flambeau culturel de l’Afrique dont elle se veut ambassadrice. Elle est née à Lomé, en République du Togo. Elle est installée à Ouagadougou, au Burkina Faso, et elle veut montrer le visage positif de tout un continent.

Créative et pugnace, féministe et africaniste, cette styliste, qui ne manque ni de talent ni d’initiative, a déjà bien tissé sa toile. Un gros press-book sous le bras atteste de la reconnaissance internationale de ses talents et, si sa consécration ne s’est pas faite en un jour, elle promet de faire encore parler d’elle, car c’est une femme d’entreprise militante. Récit d’un parcours réussi.

Clara Lawson a puisé dans ses souvenirs d’enfance pour orienter sa vie commencée dans l’amour et l’admiration sans borne pour une grand-mère couturière, renommée en son pays. Cette grand-mère fut sa « plus belle école ». « Elle m’a donné le goût des tissus, des couleurs, du travail à façon bien exécuté. Je l’admirais », dit la styliste. Issue d’une famille suffisamment aisée pour lui offrir des études, Clara Lawson suit des cours supérieurs de gestion et de marketing en France avec, en tête, l’idée d’être maîtresse de sa destinée, de se garantir une autonomie financière pour assurer pleinement son indépendance et ne pas être sous l’emprise d’un homme ou de quiconque. Au gré des échelons universitaires et des expériences professionnelles, elle gagne le titre de directeur commercial, et voilà qu’au grand dam de sa mère elle revient à ses amours d’enfance : « Maman je veux faire de la couture ! »

« Ma mère a sauté au plafond en me disant : On t’a payé des études et voilà ce que tu proposes... mais tu n’y penses pas ma fille, c’est un métier de reste ! ». Un « métier de reste », en Afrique, désigne de manière dépréciée les métiers manuels de la couture, de la coiffure et de la cosmétique. Mais déterminée et pugnace, Clara Lawson tient son cap et entreprend une formation de perfectionnement en couture en France et aux Etats-Unis. De retour au pays, elle crée ses modèles et se met à l’aiguille, n’en déplaise à quiconque. Dans les années 90, lors du sommet de l’OUA (Organisation de l’unité africaine), des membres de la délégation approchent sa boutique et remarquent son travail. Peu après, ils inviteront Clara Lawson à venir présenter un défilé de ses créations lors du sommet des chefs d’Etat de l’Afrique australe.

« Aujourd’hui je crée moi-même des emplois »

« L’invitation était enthousiasmante, mais il manquait les finances, le nerf de l’entreprise » et, dit-elle dans un éclat de rire, « les banques ne prêtent pas comme ça quand la situation est précaire à vue ! ». Elle demande alors une simple « facilité de caisse » plutôt qu’un gros crédit, juste de quoi assurer un défilé. Vingt-trois modèles, dont six tenues traditionnelles, six tenues de ville, six tenues de soirée et cinq sous-vêtements, suffiront à faire d’elle une ambassadrice de la mode africaine. C’est à Sun city, en Afrique du Sud, que Clara Lawson sera récompensée en novembre 2000 du prix diamant des Koras Awards, qui sont à la mode afro-antillaise ce que sont les Oscars au cinéma.

« J’avais remporté le prix d’honneur, le prix diamant. Remarquée, primée, j’étais désormais une valeur sûre à soutenir, les banques m’ont consenti des prêts et j’ai pu monter ma manufacture. Je suis heureuse de montrer que la couture est noble, que l’on peut être intellectuelle et couturière. Aujourd’hui je crée moi-même des emplois, je fais travailler une trentaine de personnes en confection, plus vingt autres en amont dans la filière coton, notamment des tisserands », explique Clara Lawson.

« Mes créations comme vecteur de la culture africaine ».

Au-delà de la satisfaction éprouvée à faire enfin le métier qu’elle aime, Clara Lawson voudrait colporter de l’Afrique un visage plus heureux que celui entretenu par les images de guerres, de famines et de maladies meurtrières : « En fait, je voudrais contribuer à ma manière à promouvoir l’Afrique tout entière, et montrer que l’on peut dépasser les frontières. Ou qu’on soit dans le monde je voudrais qu’on soit bien dans les vêtements que je crée. Certes, j’utilise le tissus traditionnel burkinabè, le faso dan fani, qui est notre ressource, mais je revois les designs du tissage pour conquérir un public occidental, tout en conservant l’inspiration africaine. En quelque sorte, j’essaie de me servir de mes créations comme vecteur de la culture africaine ».

Allant toujours de l’avant Clara Lawson nourrit de nouveaux projets. Elle veut maintenant « investir dans le domaine de l’éducation, monter une école de stylisme là-bas au Burkina Faso, mon pays d’adoption. L’an dernier je suis venue en France pour visiter les écoles de renom dans mon domaine, comme l’école Duperré. J’ai rencontré des responsables de la Direction des relations internationales et de la coopération. Nous avons essayé d’imaginer des échanges scolaires entre la France et le Burkina, dans ce domaine du stylisme, sous formes de stages. Mes projets devraient aboutir d’ici 2006. Pour le moment, je cherche encore des financements ».

Dominique Raizon
www.rfi.fr

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