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Musique burkinabè : la preuve par ailleurs

Publié le lundi 2 mai 2005 à 09h16min

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Ainsi donc la musique burkinabè peut dans ses limites géographiques, inverser les tendances de diffusion. Qui l’eut cru ? Qui l’eut dit ?

Et pourtant actuellement, Yoni avec son Nong-loom apporte la preuve que les Burkinabè peuvent faire le choix de rester eux-mêmes. Eux aussi. Avant lui déjà, Pascal Kaboré avec son Silmandé avait fait reculer le volume de diffusion de musique venue d’ailleurs.

Les Burkinabè ne sont donc pas aussi extravertis (musicalement) comme on le pense souvent. Conclusion hâtive ! Peut-être ! Mais à suivre le mouvement musical actuel sur les bords du Kadiogo ou du Houet et partout au Faso, l’évidence s’impose. La balle est plus dans le camp des artistes que des mélomanes. Les Burkinabè sont friands de belles sonorités. Ils sont élitistes.

Les sportifs le savent, eux, que les supporters peuvent porter en triomphe et désavouer au cours du même match. Selon qu’ils jouent bien ou mal. Les exemples de Yoni, Pascal qui percent les décibels et qui bercent les rythmes dans les soirées sont une preuve donc que nos musiciens doivent proposer plus que du bon à leurs fans. Il faut aller à l’excellence.

Malheureusement, les coups d’essai qui se muent en coups de maître ne sont pas suivis de coups de confirmation. Ce qui n’est pas sans dérouter les mélomanes. Après Siilmandé, Pascal Kaboré est tombé dans les oubliettes. Sa seconde cassette Koud Wongo a du mal à prendre. Avant lui, un jeune musicien avec son premier opus Ousmane Sessouma (Ousmenez) avait suscité beaucoup d’espoir. Il avait même vu sa cassette occuper le hit-parade et battre le record de vente. Et puis, plus rien.

Qu’est-ce qui donc explique que les musiciens burkinabè tels des étoiles filantes ne brillent que le temps d’une traversée. Pourquoi donc après une création à succès, nos artistes-musiciens broient du noir ? Au point que parfois l’artiste lui-même sombre pour ne plus jamais se relever. Ousmenez en est l’exemple patant.

Bien sûr à côté des succès fous, il y a les succès moyens, disons de très belles factures qui tiennent toujours la route. Des succès qui sont là, mais qui n’arrivent pas à faire de leur œuvre musicale, l’hymne de ralliement pour ne pas dire plus (l’hymne naional) des mélomanes. Est-il seulement imaginable d’aller à une soirée, à un baptême, de se retrouver dans un dancing sans entendre jouer le Nong-loom devenu "national".

Les artistes burkinabè font danser les mélomanes aujourd’hui Il faut cesser d’incriminer les autorités. Le discours du genre : l’Etat doit faire ceci ou cela sonne faux dans un univers où le libéralisme (dans les idées) comme dans la démarche économique est de mise. Il faut cesser d’accuser les proprios de radio FM qui ne respecteraient pas les clauses des cahiers de charges. Il faut cesser de voir en les mélomanes, des hommes et des femmes prêts à applaudir tout ce qui vient de loin. Les Burkinabè veulent le son. Parfois l’excellence. Le rythme n’est pas trop la préoccupation.

Autrement le groupe Yeleen qui fait dans le rap n’ allait pas faire le plein du stade municipal de Ouagadougou. Les talents, il y en a. Il faut seulement se mettre en adéquation avec le bon vouloir musical des Burkinabè. Le reste suivra. Le challenge de 100 000 disques ou cassettes vendus sera un souvenir radieux.

Oui la preuve est faite que les mélomanes burkinabè savent rester eux-mêmes, eux aussi. Croyez-vous qu’il est facile d’écouter (même en état d’ébriété naissant) une chanson où vous êtes pris à parti. Une chanson où on vous insulte, vous et vos compatriotes. Ou même de danser une musique où vous êtes voués aux gémonies. Mais entre nous, quand la mère n’est pas là, quand la grand-mère est vraiment fatiguée, qui tête-t-on ?

En d’autres termes, si avec tous les atouts qu’on colle au pays des Hommes intègres dont le plus important est la renommée de pays culturel par excellence, on n’arrive pas à adapter nos créations musciales avec ce que les mélomanes veulent écouter, alors ne nous offusquons pas que nos mélomanes aiment ce qui vient d’ailleurs.

Jean Philippe TOUGOUMA (jphilt@hotmail.com)
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 3 mai 2005 à 12:20, par Lex En réponse à : > Musique burkinabè : la preuve par ailleurs

    Entièrement d’accord avec vous. Il n’y a plus rien à ajouter. Les artistes doivent cesser de reclamer la protection et l’aide tous azimuts de l’Etat. La mondialisation est à tous les niveaux. Les musiciens doivent répondre présents aux exigences des goûts des mélomanes, les retombées sont immédiates. Je vis à l’extérieur dans un pays anglophone, et je suis fier de faire écouter à mes amis, du Zedess, du Touré de Sonia, du N’kana Toro de Sami Rama, du silmandé de Pascal Kaboré, du Marina de Rigobert, du Doundosi etc. Et ces gens adorent ça. A chaque fois on me reclame ces tubes pour écouter. C’est dire que la qualité se défend seule ou presque sur le marché. Les musiciens doivent le comprendre et travailler en conséquence, surtout que des structures d’accompagnement de qualité existent maintenant avec notamment Seydoni qui fait du beau boulot.

  • Le 24 mai 2005 à 18:51, par somwékré En réponse à : > Musique burkinabè : la preuve par ailleurs

    M. Tougma m’étonne et me déçoit à plus d’un titre. Voilà un journaliste respectable (pour son travail et pour son âge) qui me donne l’impression de confondre serviettes et torchons.
    Pourquoi, Tougouma, ne voulez-vous pas que l’on instaure un certain protectionnisme pour permettre à la musique burkinabè de décoller ? Savez vous seulement que, pour arriver là où elle est, la RCI a dû faire plus que du protectionnisme ? C’est vrai que ce protectionnisme s’est accompagné d’un certain nombre de mesure (mise en place d’infrastructures, de structures de formation, etc.), mais à toutes les grandes rencontres organisées par ce pays, les hôtes d’Houphouet n’avaient pas d’autres choix que d’écouter les médiocres artistes ivoiriens. Pourtant, au stade du 4 août, devant Blaise et Kadafi, on a amené à coup de millions Gadji Céli (aujourd’hui burkinabophobe à outrance) qui a passé tout son temps à chanter les mimos et les éléphants de cote d’ivoire.
    Donnez ce cachet à quelques uns de nos artistes médiocres, et ils pourront avoir accès à studio digne de ce nom, pour faire valoir vraiment son talent.
    Et puis, entre nous, il y a ce que l’on appelle une éducation au goût, qui pourrait faire que nous apprendrons à aimer les rythmes de chez nous.
    Enfin, je suis sidéré qu’un journaliste prône l’incivisme en incitant les radiodiffuseurs au non respect de leurs cahiers de charges. On peut dire que la mesure fixant un quota de diffusion de la musique burkinabè n’est pas opportune. Mais de là à dire que les opérateurs de radiodffusion ont raison de ne pas la respecter, je crois que c’est le rubicon à ne pas franchir. Cela s’appelle prôner l’incivisme.
    Je souhaiterais que les gestionnaires de ce site nous donnent l’occasion, dans un forum spécifique, de débattre sur cette mesure.

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