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Affaire Norbert Zongo : Les éclairages d’un homme de droit

Publié le jeudi 28 avril 2005 à 12h29min

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Notre confrère l’Evènement N° 66 du 25 avril (donc le dernier numéro) dans une interview réalisée avec Me Mamadou Savadogo, ancien bâtonnier que ce journal présente comme "un grand de notre barreau" et un "adepte de la théorie de la rupture" chère à Maître Vergès revient entre autres sur la question Norbert Zongo.

Les réponses de Maître dignes d’intérêt sont en plus de leurs contenus pédagogiques, une invite à plus de prudence et de grande réflexion à chacun de nous, chaque fois qu’une question d’une telle sensibilité doit être abordée. C’est donc en homme averti, indépendant de tout groupe de pression que Maître Savadogo donne sa lecture sur cette affaire.

Un éclairage qui espérons-le devra pouvoir servir de "bréviaire" à tous ceux qui pour des raisons personnelles ont décidé de porter leur part de vérité dans un dossier d’une grande sensibilité. Un dossier qui proscrit toute passion, tout parti pris. En lisant cette interview, on apprend beaucoup. Surtout sur la sérénité, le juste raisonnement fait de questionnements, de réponses sans a priori, sans esprit manichéen avec d’une part les bons, et de l’autre les mauvais.

Nous vous donnons donc à lire ou relire ces passages.

L’Evé : Pensez-vous que le dossier Norbert Zongo sera un jour élucidé ?

Me S. : Mais bien sûr ! Ceux qui ont commis ce crime ne pensaient même pas qu’ils seraient inquiétés, et regardez où on en est ! Faites le point ! Tous les exécutants désignés par la Commission d’enquête indépendante (CEI) sont soit morts, soit en prison. Chaque chose arrive à son heure. Il ne reste plus qu’à rechercher les éventuels commanditaires.

L’Evé : Il faudra s’en remettre alors, à la justice divine. Pour un homme de droit comme vous, c’est une autre façon de dire autant ne pas compter sur la justice des hommes ?

Me S. : Pas du tout. Vous savez, il se peut que le juge chargé du dossier n’avance pas simplement parce qu’il n’a vraiment pas d’éléments lui permettant de progresser. Les gens savent se protéger ! Mais un événement fortuit, n’importe quoi, peut arriver, qui éclaire les choses ou permette d’avancer. Je suis d’abord avec vous pour exiger la justice et toute la lumière, sauf que moi, je suis un praticien : je sais, d’expérience, qu’un dossier peut mettre plusieurs années avant d’être élucidé.

L’Evé : Répondez franchement ! Que pensez-vous de ceux qui désignent François Compaoré comme le commanditaire du meurtre ?

Me S. : Moi ? Franchement ? Ok. Je me pose des questions, comme tout le monde. Pourquoi faut-il chercher forcément un commanditaire agissant seul ? Comment un homme aussi bien averti, d’un niveau intellectuel aussi élevé, n’aurait-il pu ne pas percevoir toutes les conséquences d’un tel acte ? Comment un simple civil aurait-il pu, seul, se faire obéir des militaires pour un acte aussi grave, et de surcroît organiser une véritable opération commando, leur fournir des armes, etc. ? Comment un homme seul, fut-il le frère du président, aurait-il pu, tout seul, décider d’un acte aussi grave ? Peut-être qu’il n’y a même pas de commanditaires. Les militaires qui ont causé la mort de David Ouédraogo n’auraient-ils pas pu, tous seuls, prendre l’initiative de régler son compte à Norbert Zongo, paniqués qu’ils étaient par son harcèlement médiatique ? Mais alors, pourquoi a-t-on voulu nous faire croire, dès le début, qu’il agissait d’un accident de la circulation ? Pourquoi les représentants de l’Etat se sont défilés lorsqu’il a fallu signer le rapport d’enquête de la CEI ? Et j’aurai bien d’autres questions ! Si vous y avez réponse, alors je vous dirai franchement mon opinion. Pour l’instant, je n’ai que des interrogations.

L’Evé : C’est une réponse pirouette, elle ne nous avance pas quant au fond. Que les agents de l’Etat se défilent au moment de signer un rapport qu’ils ont contribué à écrire donne plutôt une indication sur le degré de leur indépendance, vis-à-vis de leur mandant.

Me S. : Mais non, ce n’est pas une pirouette ! C’est vous qui avancez trop vite pour moi. Moi, je dis, tout simplement que toutes les questions sont légitimes, et doivent être examinées avec sérénité et sans a priori. La vérité judiciaire est ainsi faite : elle est l’aboutissement d’une construction procédurale, c’est l’oméga de la procédure, par l’alpha. Croyez-moi, je ne défends pas François Compaoré, je ne l’ai jamais rencontré.

Maintenant, votre remarque à propos du degré d’indépendance des agents de l’Etat dans la commission d’enquête est tout à fait pertinente.

L’Evé : Vous avez entendu parler de ce membre de la commission représentant l’Etat qui laissait son portable ouvert pour retransmettre les débats de la commission à un comité installé on ne sait où ?

Me S. : Oui, j’ai entendu parler de ça.

L’Evé : Ce monsieur, pour ne pas le nommer, vous avocats de la défense, vous l’avez récusé lors du procès des Naon ?

Me S. : Absolument, nous l’avons récusé.

L’Evé : Mais selon les déclarations de Naon Babou, François Compaoré n’aurait pas été mécontent de la mort de Norbert Zongo !

Me S. : Peut-être. Mais de là à conclure qu’il l’a fait tuer, vous me permettez de ne pas être aussi hâtif dans les conclusions. Si je devais tuer tous ceux qui m’énervent, on ne serait plus aussi nombreux ! En tout cas, Naon Babou n’a jamais dit que c’est François Compaoré qui a ordonné le meurtre de Norbert Zongo.

L’Evé : Vous ne plaidez pas pour François Compaoré pour obtenir la libération de Naon Babou, votre client ?

Me S. : Moi, quand je parle, je parle librement. Ou je me tais.

L’Evé : Et la question des juges acquis ?

Me S. : C’est quoi ça ?

L’Evé : Le ministre de la Justice dit qu’il y a des juges qui leur sont acquis, et à qui, à compétence égale, il confie les postes de responsabilité.

Me S. : Le ministre a raison. Il y a des juges acquis. Très acquis même. Il y a des juges tellement acquis que lorsqu’ils sont saisis d’un dossier, ils cherchent d’abord à savoir qu’elle est la volonté du chef avant de rechercher la loi applicable. Il y a des juges plus acquis encore. Tellement acquis qu’ils gênent le chef en croyant lui faire plaisir alors même que celui-ci ne leur a rien demandé.

In sidwaya

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