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"Les Burkinabè ont une très bonne image au Gabon"

Publié le lundi 8 décembre 2003 à 15h55min

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Le pays de El Hadj Omar Bongo, le Gabon, a été longtemps considéré comme un eldorado pour les Burkinabè. On y allait pour se faire son petit pactole et revenir au pays. Seulement voilà, le petit paradis qu’était le Gabon connaît aujourd’hui les effets induits de la crise mondiale.

Les choses sont de plus en plus compliquées pour les émigrants. Avec le consul honoraire du Burkina au Gabon, Philippe Chandezon, nous avons fait le tour des questions de la vie des Burkinabè au Gabon.

Peut-on mieux vous connaître ?

Philippe Chandezon (P.C.) : Je suis Français d’origine, j’ai fait mes études à Paris. Après avoir terminé l’Ecole des militaires, j’ai demandé une affectation en coopération pour la Haute-Volta de l’époque ; je suis arrivé à Ouagadougou fin 1972 pour travailler à l’HER. J’ai fait un an et demi à Ouagadougou où je faisais des levers de barrages. Je suis ensuite remonté en France où j’ai travaillé dans les Travaux publics et au bout d’un an, j’ai commencé à regretter le Burkina Faso.

A l’époque j’ai été contacté par El Hadj Oumarou Kanazoé qui avait l’idée de créer une entreprise de bâtiments et travaux publics. Il est venu à Paris au salon de l’auto 1974, on s’est rencontré, il y a eu accord pour que je revienne en Afrique travailler avec lui. J’ai travaillé deux ans avec El Hadj Oumarou Kanazoé, l’entreprise au bout de ces deux ans a pris une forte extension. Je me suis mis à mon compte en montant un bureau d’études tout en collaborant avec Kanazoé. Et jusqu’à nos jours on a gardé de très bons rapports.

Aujourd’hui vous êtes installé au Gabon, est-ce que vous regrettez le Burkina ?

P.C. : Oui je regrette beaucoup le Burkina. En 1979-1980, lors des premiers coups d’Etat, il se trouvait que je travaillais sur plusieurs pays en faisant de la vente immobilière sur la Côte d’Ivoire, le Togo. Avec l’installation des couvre-feux, je me suis alors installé en Côte d’Ivoire durant 4 ans. La crise économique s’étant aggravée en Côte d’Ivoire vers 1984, je suis venu m’installer au Gabon.

Bien que loin du Faso, on vous sent attaché à ce pays, cela a-t-il une explication ?

P.C. : Je suis attaché au Burkina par la gentillesse des Burkinabè, j’ai beaucoup d’amis au Burkina.

Faites-vous souvent des tours ?

P.C. : Je pars au Burkina le plus souvent possible. Mais depuis l’arrêt d’Air Afrique il y a toujours des problèmes de vols. Je vais au Burkina au moins une fois par an. Une réunion des consuls est prévue en 2004 j’y serai évidemment.

A ce propos, quelles sont les charges d’un consul honoraire ?

P.C. : Le consul honoraire est quelqu’un qui est choisi dans un pays et qui se propose de façon bénévole à représenter ce pays. Il joue plutôt un rôle économique. C’est souvent quelqu’un qui se trouve dans une ville secondaire qui fait le relais avec le consul général dans la capitale et l’ambassade. Il se trouve qu’au Gabon il n’y a aucune représentation burkinabè, ce qui fait que j’ai un rôle un peu plus important ; je ne suis pas un ambassadeur, mais je représente le Burkina dans les missions officielles. Mon rôle est de m’occuper des Burkinabè le mieux possible et tout cela bénévolement.

Combien y a-t-il de ressortissants burkinabè au Gabon ?

P.C. : Cela fait 5 ans que je suis consul honoraire, et avant cela c’est l’ambassade de France qui s’occupait des Burkinabè pour les visas de sortie, et les autres papiers administratifs. Elle avait recensé environ 300 Burkinabè. J’ai mis en place une carte consulaire et progressivement on est aujourd’hui à environ 5800 Burkinabè recensés. Ce qui laisse supposer qu’il y a huit à dix mille Burkinabè au Gabon. Beaucoup sont à l’intérieur du pays, on essaye de les contacter ; dans les villes principales on y arrive facilement.

Les ressortissants burkinabè travaillent beaucoup plus dans l’agriculture et beaucoup ne sont pas recensés. Tous les jours ils arrivent dans des conditions souvent déplorables, en pirogues provenant du Nigeria et qui une fois sur deux se font prendre par la police.

Quelle image a-t-on des Burkinabè au Gabon ?

P.C. : Les Burkinabè ont une très bonne image ; il y a souvent des contrôles de police, mais avec nos cartes consulaires, la police respecte les Burkinabè même si l’on n’a pas encore acheté sa carte consulaire parce que c’est très cher. Les Burkinabè sont mieux traités que les autres communautés. En ma connaissance, depuis 5 ans, on n’a pas eu un gros problème, sauf celui de rapatriement. Il y a toujours une émigration clandestine.

Les gens, généralement des Bissas, viennent par Cotonou ou le Nigeria et ils sont recrutés par des gens malhonnêtes parce qu’il n’y a plus beaucoup de travail au Gabon. Des gens leur promettent monts et merveille. Le voyage peut coûter 400 mille francs CFA qui sont souvent cotisés par la famille. Et lorsqu’ils se font prendre par la police, cet argent est perdu alors qu’avec la même somme, ils peuvent venir régulièrement au Gabon. Il y a une grande sensibilisation à faire sur ce sujet.

Une fois on s’est retrouvé avec 60 personnes bloquées au service de l’immigration ; on a été obligé de trouver un bateau ; il y a eu 60 une première fois et trois semaines après il y a eu 40. On a rapatrié 100 personnes en moins d’un mois ce qui a coûté environ 7 millions F CFA au gouvernement burkinabè.

Quand j’étais au Burkina dans les années 1975-1977 il y avait une forte activité économique ici. Les deux gouvernements s’étaient mis d’accord pour des contrats, les gens venaient et avaient la carte de séjour. Une bonne signer partie de la communauté burkinabè au Gabon, a eu pour base cet accord.

Quels conseils avez donnez-vous aux candidats à l’émigration au Gabon ?

P.C. : La plupart des candidats sont des Bissas jeunes entre 18 et 25 ans et très souvent illettrés. Pour être en règle au Gabon il faut la carte de séjour qui coûte environ 780 mille F CFA et si le visa est expiré l’amende est de cent mille F CFA ; on a donc près de 900 mille F CFA à payer pour être en règle au Gabon. Le salaire d’un gardien tourne au tour de 90 mille F CFA cela est certes élevé par rapport au Burkina, mais je ne vois pas un patron avancer cette somme à quelqu’un qui peut partir dès qu’il a sa carte de séjour.

Y a-t-il des Burkinabè qui ont réussi au Gabon ?

P.C. : En ma connaissance, il n’y a pas de gros commerçants burkinabè. Ils sont plutôt des gardiens, des chauffeurs et un peu dans le bâtiment.
Les cuisiniers burkinabè sont très recherchés pour leur honnêteté, leur gentillesse…

Vous êtes dans le bâtiment au Gabon, avec votre structure le Bureau international de conseil et de promotion (BICP), avez-vous essayé de vous intéresser à Ouaga 2000 ?

P.C. : J’ai suivi l’évolution de Ouaga 2000. L’Etat s’est chargé du côté infrastructures, les routes, l’assainissement en, suite a vendu des parcelles viabilisées où les gens peuvent construire tranquillement. Ici c’est l’inverse, en 1991 l’Etat a dit que vu la crise il n’était plus en mesure d’assurer la viabilisation des terrains. Il donne des terrains vierges aux entreprises privées à elles de faire la viabilisation. Je travaille depuis 11 ans sur un programme de logements sociaux et il y a beaucoup de difficultés, les routes principales ne sont pas faites, les liaisons non plus. Toute chose qui freine l’avancement des travaux, de logements sociaux, alors qu’il y a un grand besoin au Gabon.

Avez-vous une association des Burkinabè du Gabon ?

P.C. : Il y avait une association qui n’a jamais bien fonctionné, les gens se déchiraient entre eux. J’ai tout fait pour mettre en place une association sans succès. Mais il y a des regroupements ethniques, notamment les Bissas qui ont une forte cohésion. S’il y a des problèmes, les gens cotisent entre eux pour aider l’autre. Il y a donc une entente plus ethnique que tout.

Comment recevez-vous les nouvelles du Faso ?

P.C. : J’ai la chance de remonter régulièrement en France et avec mes bons rapports avec l’ambassadeur SAVADOGO à Paris j’ai les journaux des informations sur tout ce qui se passe au Burkina et pour informer à mon tour la communauté.

Interview réalisée par Issa SANOGO
L’Opinion

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