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Eddie Komboïgo, seul face à son destin

Publié le lundi 1er février 2016 à 02h25min

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Eddie Komboïgo, seul face à son destin

Le 10 mai 2015, il avait été désigné par ses pairs pour remettre en selle un parti affaibli par l’insurrection populaire d’octobre 2014. Ceux qui le disaient « modéré, pondéré et ouvert » étaient convaincus qu’avec lui, « plus rien n’entravera la marche démocratique et républicaine du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ». Les plus nostalgiques de l’ère Compaoré croyaient qu’il tiendrait tête au quartet de la transition, Kafando-Zida-Sy-Kambou, pour se présenter au scrutin présidentiel.

Que nenni ! Eddie Komboigo, le protégé du couple Fatou et Gilbert Diendéré, fait désormais partie des cacti déterrés par le souffle de la justice parce que soupçonné d’avoir soutenu le coup d’Etat de septembre 2015, conséquence du théorème de l’ « exclusion » selon certains dignitaires de l’ex-majorité. De retour des Etats-Unis le 22 janvier 2016, le président du CDP a été inculpé pour « attentat à la sureté de l’Etat, complicité d’assassinat, complicité de coups et blessures volontaires, complicité de dégradations aggravées de biens publics et privés ».

Connaissez-vous le body slam ? C’est l’une des prises les plus violentes au catch. Elle consiste à porter l’adversaire au-dessus de la tête et de le jeter violemment devant soi. Eh bien, le code électoral voté le 7 avril 2015 et baptisé loi « Chérif » par certains analystes, ressemble fort bien à cette prise. Cette loi était la première flagellation de ceux qui avaient « soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance démocratique ». C’était une sorte d’émasculation des individus et non des partis. Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui se sentait directement visé devait donc trouver du sang neuf, une tête vierge, s’il tenait à participer au scrutin présidentielle du 11 octobre 2015. Avant le 6e congrès ordinaire du parti, les favoris étaient connus pour succéder à Assimi Kouanda. Juliette Bonkoungou, Léonce Koné, Eddie Komboïgo. C’est finalement ce dernier qui sera porté à la tête du Bureau exécutif national. Même si certains de ses camarades doutaient de sa capacité à mener le navire à bon port, d’autres voyaient en lui le rassembleur des générations. C’est aussi sans surprise qu’il a été désigné par le parti pour reconquérir le pouvoir d’Etat en tant que candidat à la présidentielle.

L’affront

Les sorties médiatiques se multipliaient. Il fallait se rapprocher davantage des partis plus ou moins alliés. Il y eut donc des visites « de courtoisie » auprès des responsables de la Nouvelle Alliance du Faso (NAFA) et de l’Union pour le progrès et le Changement (UPC). Au début, le ton était assez modéré mais par la suite les propos étaient plus fermes et provocateurs. Surtout après l’invalidation du nouveau code électoral par la Cour de justice de la CEDEAO. « S’il y a exclusion, il n’y aura pas d’élections ici (…) J’ai soutenu la révision et je serai candidat (…) Qui va me refuser d’être candidat ? Qui », a dit Eddie Komboïgo lors d’une conférence de presse animée le 13 août 2015. Pour le patron du « méga parti », la participation du CDP aux élections était nécessaire « pour éviter le chaos au pays ».

Vilipendé par Léonce Koné

A trois jours de l’ouverture de la campagne électorale pour la présidentielle du 11 octobre, Michel Kafando, Yacouba Isaac Zida et quelques ministres du gouvernement de la Transition furent séquestrés. C’était le 16 septembre 2015. L’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) avec à sa tête le Général Gilbert Diendéré annonce le coup d’Etat le lendemain 17 septembre. Bien qu’il fût qualifié de « stupide » par nombre d’analystes politiques, ce putsch ne fut pas pourtant condamné par toutes les parties. Léonce Koné, 2e vice-président du CDP fut l’un des premiers à réagir en disant être « surpris  » de ce coup d’Etat. Il a donc nié toute implication en rappelant toutefois que l’une des raisons qu’avançaient les auteurs du putsch, à savoir mettre fin à l’exclusion, était une position que le CDP partageait. Il s’en prit également à Eddie Komboïgo qui avait quitté le pays pour les Etats-Unis quelques jours avant le passage en force du RSP. Pour lui, c’était « inadmissible et irresponsable » de sa part d’être hors du pays en cette période trouble. Et sans détour, il a confié à notre confrère de Jeune Afrique qu’il doutait de la capacité d’Eddie à « pouvoir gérer cette situation ».

Seul face à son destin

A la fin du coup d’Etat, survint la dissolution précipitée du RSP et l’arrestation des Généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, et d’autres personnalités. Pendant ce temps, Eddie Komboigo était toujours au pays de l’Oncle Sam. Mais le 22 janvier 2016, contre toute attente, il décide de se jeter dans la gueule du loup en rentrant au bercail. Convoqué par la gendarmerie, Eddie Komboïgo se serait rendu de lui-même. Il a été inculpé pour, « attentat à la sureté de l’Etat, complicité d’assassinat, complicité de coups et blessures volontaires, complicité de dégradations aggravées de biens publics et privés ». Qu’encoure-t-il ? Sera-t-il aussi collaboratif que son parrain Diendéré ou réservé comme Djibrill ? Pour sûr, Eddie Komboigo est seul face à son destin et plus rien ne sera comme avant au sein du « méga parti » du « tuuk-guili ».

Herman Frédéric BASSOLE
Lefaso.net

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