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Petits métiers : la débrouille des laveurs de motos

Publié le samedi 23 avril 2005 à 07h51min

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La ville de Ouagadougou connaît un engouement sans précédent pour les engins à deux roues. Leur entretien va aussi de soi. Des jeunes ont trouvé l’idée géniale de tirer profit de cette situation en lavant les motocyclettes moyennant une récompense.

Et ils s’en sortent financièrement, même s’ils exercent ce métier faute de mieux. La capitale des 2 roues est le pôle d’attraction des engins de toutes marques.

Des P50 avec leur lot de différentes appellations (Tassaba, Junior, Super) aux "JC Best", "Spark","Djakarta", les jeunes Ouagalais rivalisent dans la décoration et l’entretien de leurs "chars". Les lavages des motos rentrent dans le cadre de cet entretien. Des jeunes ont mis à profit le "boom" des motos au Burkina pour "créer" leur gagne-pain : le lavage des "chars".

Sylvain Zongo, en cette canicule d’avril, vient de laver deux motos et s’apprête à ranger le troisième à l’ombre des arbres. Chemise en haillons, les yeux bouffis témoignent de l’intensité de son activité. L’homme ,bien bâti, porte un pantalon qui couvre à peine les tibias. Un autre nommerait cela "le panta-culotte".

Les gouttes d’eau qui tombent de son "panta-culotte" contraste d’avec la sueur perlant sur son visage. "Nous lavons les motos quelle que soit la marque à 200 F CFA. Mais lorsque nous ne lavons pas le dessous du capot des motos, le prix revient à 100 F CFA", affirme Sylvain tout en essuyant de son index, sa sueur.

A cette allure, 10 à 20 motos sont "savonnées" au quotidien par cet homme marié, père d’un enfant. Depuis 1993, Sylvain épuise des barriques d’eau pour rendre propres les "chars". L’homme avoue laver 5 motos par barrique d’eau en raison de 250 F CFA, la barrique.

Cette eau est livrée par les " pousse-pousse" qui font la joie de certains Ouagalais en période de pénurie d’eau. En effet, cinq (5) barriques sont juxtaposées à distance presqu’égale à proximité du mur. Boîte d’eau en main, l’éponge savonnée et déposée sur la dalle dans un remue menage qui ne dit pas son nom, Issouf Lingani depuis la barrique, arrose la moto "JC" sur la selle à presqu’un mètre de lui. La moto est "callée" de telle sorte que l’avant est surélevé.

Habile et agile, Issouf alterne l’éponge et la brosse en fonction des parties de la moto. Le cadre de la moto est rendu propre grâce à l’éponge et les pneus par le biais de la brosse. Quant au moteur, il est passé au crible à l’aide d’un pinceau qui est trempé de temps à autre dans du pétrole. Ces jeunes se veulent réalistes quant à la raison de leur venue à cette activité.

Ayant quitté l’école soit, par manque de moyens financiers soit, pour insuffisance de résultat, ils ont palpé le terrain de l’embauche sans succès. Alors, quand on ne peut pas avoir la queue du lion, on se contente de la tête du rat. Ils ont mis à profit leurs muscles vaillants au profit de la débrouillardise. Cette débrouillardise permet à Sylvain Zongo d’assurer quand même la popote de sa famille.

Ceci...

Ainsi, 10 à 20 motos lavées par jour rapportent à Sylvain un "bénef" de 500 à 1 000 F CFA. Issouf Lingani s’en tire souvent avec 13 à 15 clients par jour. Même "bénef" que Sylvain. Cependant, Issouf travaille en collaboration avec un autre jeune d’où le partage du "gombo", le soir venu. "Chaque soir, l’argent récolté est partagé entre nous deux", affirme-t-il tout en indexant son ami qui, assis à même le sol, démonte un moteur.

La particularité de ces "laveurs", à la différence des mécanos, est que les "laveurs" peuvent démonter le moteur et le laver sans le réparer. Or, le mécano démonte le moteur et le répare. Et en plus de cela, s’il fait la révision du moteur qui est une méthode de revue à mi-parcours de l’état du moteur plus le lavage complet de la moto, les coûts de ce "package" reviennent à 1 500 F CFA.

Issouf vient de finir de laver sa "JC" quand un client vient garer. L’homme donne rapidement des consignes sur ce qu’il faut faire sur "son char" et repart . Pendant ce temps, Sylvain est en train de laver le dessous de la selle d’une moto.

Au parfum des exigences des clients, Sylvain parle sans complexe de ce qu’ils leur reprochent. Et cela tourne autour des produits utilisés pour rendre propres les motos. Les jeunes utilisent le savon en poudre qu’ils font mousser dans un seau d’eau. Certains clients refusent que leur moto soit lavée avec du savon.

Pour eux, le savon déteint la couleur de la moto. Vrai ou faux ? Sylvain en revanche, refute cette assertion, affirmant plutôt que c’est le soleil qui est la cause de l’altération des couleurs. Le clou de ce débat se situe dans le fait que ceux qui réclament que leur "chars" soit lavé avec de l’eau simple sans le savon, se plaignent en même temps que la moto n’est pas propre. Une chose et son contraire.

...explique-t-il cela ?

Ceci explique-t-il cela quand on sait que les "chars" à Ouagadougou bâtissent leur notoriété, leur performance sur la qualité du moteur, synonyme du plus rapide. Une autre trouvaille est les décors pour "mystifier" l’entourage. Ainsi, l’on rencontre des "chars" munis de jeu de lumière et/ou d’équipements sonores. Le "bluff" engendre parfois des frustrations et même des conflits. En tout état de cause, les laveurs de chars tirent des bénéfices de cette activité. Et Sylvain Zongo est réaliste : "Si je n’avais pas de bénéfice dans ce métier, je ne l’aurais pas exercé depuis 11 ans . Franchise ?

Cependant, il reconnaît, tout en soulevant la selle pour laver le dessous que c’est faute d’emploi qu’il exerce ce job. Cette activité est donc une bouffée d’oxygène dans le quotidien des jeunes "laveurs". Et elle est prometteuse à plus d’un titre. " Ouaga sans chars... c’est la galère ", dit Zedess

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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