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Crise à l’UFR/SDS de l’université de Ouagadougou : Les étudiants campent sur leur position

Publié le mercredi 20 avril 2005 à 09h29min

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En dépit de concessions faites par les autorités universitaires et ministérielles, les étudiants estiment que "c’est bon mais c’est pas arrivé’’. Portant essentiellement sur la décision de contingentement, une crise affecte depuis un mois déjà l’Unité de formation et de recherche en sciences de la santé (UFR/SDS). Elle risque d’avoir des répercussions graves sur l’année académique si elle perdurait.

Les jours se suivent et se ressemblent à l’Unité de formation et de recherche des sciences de la santé (UFR/SDS) de l’Université de Ouagadougou. La situation qui y prévaut est plus que préoccupante. Des jours de cours se succèdent aux jours de grève. Et cela dure depuis le 07 mars dernier. Selon le délégué général de la corporation ANEB de l’UFR/SDS, M. Seydou Coulibaly, tout serait parti du "silence méprisant’’ de la direction de l’UFR devant leur plate-forme revendicative qui lui a été remise un mois plus tôt.

Laquelle plate-forme revendicative est devenue une plate-forme d’action, toujours dans une atmosphère de "refus de dialogue’’, a accusé M. Coulibaly. Cela, a-t-il clamé, "n’a laissé d’autres choix aux étudiants que la lutte pour se faire entendre’’. Place aux arrêts de cours et de stages, aux meeting et sit-in,..., avec pour summum, le "boycott’’ des partiels prévus pour le 29 mars.

C’est deux jours après ce mouvement que les étudiants ont été reçus par la direction pour discuter, a déclaré le délégué général Seydou Coulibay. Mais, "ce sera pour se déclarer incompétente (Ndlr : direction) sur la plupart des revendications et faire savoir son incapacité à transmettre lesdites revendications aux autorités compétentes’’, a poursuivi M. Coulibaly.

Avant de préciser que le 4 avril 2005, le président de l’Université, le Pr Joseph Paré a rencontré à son tour, les délégués des étudiants. A ce niveau déjà, a-t-il reconnu, l’administration a fait des concessions.

Elle a affirmé la tenue effective du stage rural cette année et les années à venir pour les étudiants de la 4e année de pharmacie et de la 6e année de médecine. Elle a également accepté le retour aux anciens horaires de garde (20h à 7 h) comme l’a souhaité les étudiants.

Et pour le reste des revendications, la présidence de l’Université a pris l’engagement de les transmettre dans les plus brefs délais à l’autorité hiérarchique, a témoigné Seydou Coulibaly. Toute chose, selon les étudiants, qui les a rassurés. Ils disent avoir repris les cours les 7, 8, 9 avril derniers pour "témoigner de leur bonne foi’’. Depuis lors, a dénoncé le délégué général, rien n’a bougé. Ce statu quo a conduit les étudiants à renouer avec les grèves, a-t-il justifié.

Le vendredi 15 avril, vêtus de blouses blanches, les grévistes ont marché en direction de la présidence de l’Université pour exprimer de vive voix leur mécontentement et exiger des solutions diligentes à leurs "justes et légitimes revendications’’. Ils ont transmis à cet effet, un message au Pr Joseph Paré avant d’arpenter les artères de l’Université de Ouagadougou au rythme de slogans et de chants "guerriers’’.

Ils ont regagné leur UFR où ils ont tenu un meeting qui a drainé du monde tout comme la marche. Le mot d’ordre est clair : "la lutte continue’’. L’assemblée générale tenue le lundi dernier n’a pas notifié le mot d’ordre.

Alassane KARAMA


Contingentement en Médecine et en Pharmacie

Pr Mamadou Sawadogo, directeur de l’UFR/SDS : "Il est grave pour un pays d’avoir des médecins incompétents"

L’Unité de formation et de recherche des sciences de la Santé (UFR/SDS) de l’Université de Ouagadougou n’a pas encore retrouvé ses étudiants. Depuis le retour des congés scolaires le 29 mars 2005, ceux-ci observent une grève pour "exiger" de l’Administration la résolution de leur plate-forme d’action portant essentiellement sur le contingentement en première année. Le directeur de ladite UFR, le Pr Mamadou Sawadogo se prononce sur les différentes revendications et ce qui peut être fait pour sauver l’année académique en cours...

Sidwaya . : Voici un mois que l’Unité de formation et de recherche des sciences de la santé (UFR/SDS) traverse une crise qui a vu le boycott des examens partiels. Qu’est-ce qui explique cette situation ?

Mamadou Sawadogo (M.S) : Il y a effectivement eu un boycott des examens le 29 mars dernier qui a été suivi de grèves ponctuées de suspensions. Mais, actuellement (NDLR : l’interview a été réalisée le 18 avril), les étudiants n’ont pas repris les cours. Dans leurs revendications, il y a un certain nombre de points d’ordre matériel qui, pour moi, sont légitimes mais secondaires. La revendication principale à mon avis porte sur le contingentement. La mesure a été initiée par le Conseil scientifique de l’UFR après deux années et demie de réflexion. Elle a été entérinée par la suite par le Conseil scientifique de l’université. Ce conseil est garant de l’éthique et de la qualité de la formation. Il est responsable devant les populations par rapport aux produits (pharmaciens et médecins) que nous mettons sur le marché.

Ses 35 professeurs membres ont constaté que la formation à l’UFR/SDS ne répondait plus aux normes minimales garantissant des médecins ou pharmaciens compétents à la fin des études. Ils ont estimé qu’il fallait donc le contingentement pour un meilleur encadrement. Le Burkina est peut-être le dernier pays à prendre cette décision.

S. : Quels sont les taux qui ont été retenus suite à la décision de contingentement ?

M.S. : Le nombre est fixé en fonction du ratio d’étudiants, d’enseignants surtout ceux de rang B (les assistants responsables de l’encadrement) et des infrastructures hospitalo-universitaires. Contrairement aux autres UFR, sur les 7 années de formation en SDS, la phase théorique se déroule surtout dans les deux premières années. Après, ce sont les hôpitaux qui accueillent les étudiants pour des stages pratiques.

Si un hôpital, reçoit 140 étudiants avec un enseignant comme encadreur, il est difficile que ces derniers puissent apprendre quelque chose. Le taux de départ était de 100 pour le passage en 2e année de médecine sur les 680 inscrits. Pour ce qui est de la 2e année de pharmacie, il était de 45 sur une inscription de 233 étudiants. Mais, le Premier ministre et le ministère de l’Enseignement supérieur, ont instruit la direction de l’UFR de faire un geste en faveur des étudiants. Ainsi, nous avons augmenté le nombre de places pour la médecine, de 15 et pour la pharmacie, de 10. Il appartient aux encadreurs de travailler dur avec ce nouveau quota dans l’espoir que les étudiants ne joueront plus sur leur nombre pour ne pas participer au stage. Car il est grave pour un pays d’avoir des médecins incompétents. Tous les étudiants qui se sont inscrits cette année dans notre UFR ont reçu le jour de leur inscription l’arrêté portant contingentement. Nous les avons rencontrés pour leur donner des explications complémentaires. C’est en connaissance de cause qu’ils se sont inscrits.

Par ailleurs, les étudiants qui obtiendront au moins 10/20 de moyenne en fin d’année et qui ne seront pas classés dans le contingentement ne seront pas renvoyés de l’université. Ils auront la possibilité de s’inscrire directement en 2e année de l’UFR sciences de la vie et de la terre (SVT). Maintenant, s’ils veulent reprendre la première année de médecine ou de pharmacie, ils sont libres de redoubler.

S. : Qu’en est-il de l’augmentation de l’indemnité de stage réclamée également par les étudiants ?

M.S. : L’indemnité de stage est un traitement donné aux étudiants après une prestation de service dans une structure de santé. Cependant il n’y a aucune corrélation entre l’UFR/SDS et la décision qui leur offre cette indemnité. Cela ne relève pas non plus de la présidence de l’université ni du ministère en charge de l’Enseignement supérieur. Elle est du ressort du ministère de la Santé. Donc, il est un peu déplacé de poser ce problème d’indemnité au niveau de l’université. Néanmoins, nous avons transmis cette doléance des étudiants au ministère concerné par voie hiérarchique. Et comme leur requête demande une somme assez importante, le ministère en charge des Finances doit aussi être impliqué. Le processus demande du temps. C’est ce que nous avons expliqué aux étudiants. Ce qui relevait de notre compétence a été résolu. Il s’agissait des stages en milieu rural pour lesquels les étudiants vont partir incessamment et du retour aux anciens horaires de garde (20 h à 7 h).

S. : La réouverture du concours d’internat au sein de l’UFR n’est-elle pas aussi une pomme de discorde ?

M.S. : A ce niveau, il y a un abus. Les étudiants sont certes les bénéficiaires mais c’est à l’Administration de décider de l’opportunité de sa réouverture. Le concours d’internat a existé dans l’UFR. Mais il est suspendu depuis 1994 suite à des difficultés liées à l’organisation, à l’insuffisance du corps enseignant,...Nous voulons les meilleures conditions pour la réouverture de ce concours. Cela fait d’ailleurs partie de notre programme d’activités. Notre UFR n’existe pas de façon isolée mais est inscrite dans la logique de la Conférence internationale des facultés de médecine pour les pays francophones. Et nous sommes évalués. Si l’évaluation fait ressortir des lacunes, nos diplômes risquent de ne pas être reconnus dans cet espace. Nous avons des obligations de respect de certaines normes.

S. : Que deviennent les examens qui ont été "boycottés" ?

M.S. : Notre première préoccupation en tant que directeur d’UFR, est de satisfaire le nombre de semaines de cours obligatoires pour valider l’année académique. Car pour un responsable de structure de formation, c’est un gâchis énorme de voir des étudiants perdre une année. S’ils reprennent les cours, cette semaine, nous allons demander l’appui des autorités universitaires pour essayer de rattraper les semaines de cours perdus. Pour les évaluations, c’est tout autre chose.

S. : A quoi doit-on s’attendre si les grèves devraient perdurer ?

M.S. : La balle est dans le camp des étudiants. Ils savent bien ce qu’il faut comme semaines de cours. C’est à eux de faire le point du temps perdu, tout en sachant que l’année universitaire se termine en fin juillet pour l’UFR/SDS.

S. : Quelle invite avez-vous alors à lancer aux étudiants ?

M.S. : C’est dire aux étudiants que revendiquer, c’est juste. Mais il faut le faire pour obtenir des acquis et non pour perdre. La bonne revendication a une limite au-delà de laquelle elle devient négative. Je pense qu’ils ont assez d’esprit critique pour éviter cette situation.

Propos recueillis par Alassane KARAMA

Sidwaya

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