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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (10)

Publié le jeudi 17 décembre 2015 à 00h09min

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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (10)

Vendredi 11 décembre 2015. 55ème anniversaire de l’indépendance. Jour de fête à Ouaga et partout ailleurs dans le pays. Il y a un an, c’était à Dédougou, dans la région de la boucle du Mouhoun, qu’avait été célébrée cette journée. En Bwamu, Dédougou signifierait : « Je suis heureux et fier » ou encore « je me suffis ».

J’avais écrit, l’an dernier (cf. LDD Burkina Faso 0469/Jeudi 11 décembre 2014), que ce pourrait être la devise du Burkina Faso issu de « l’insurrection populaire » des 30-31 octobre 2014. L’an dernier, à cette époque, et alors qu’il fallait attendre janvier 2015 pour que la « transition » soit pleinement en place, il y avait bien des sceptiques quant à la capacité du Burkina Faso post-Compaoré d’aller, dans un délai d’un an, aux élections couplées. Or, c’est fait et bien fait.

Une présidentielle et des législatives. Un président, Roch Marc Christian Kaboré, dont la compétence et la crédibilité ne sauraient être remises en question ; une Assemblée nationale multipartis dominée par trois d’entre eux : MPP, UPC et CDP (une Assemblée nationale qui devrait être présidée par Salif Diallo, élu MPP sur la liste nationale, la primature semblant être destinée à l’économiste Bissiri Joseph Sirima ; on sait que Salif Diallo est partisan d’un régime parlementaire et que le projet de Constitution de la Vè République pourrait aller dans ce sens*). Tous ceux qui, l’an dernier, hurlait à l’exclusion de l’ex-parti présidentiel et de ses cadres, en sont pour leurs frais : le CDP a 18 députés à l’Assemblée nationale et les dirigeants du nouveau régime sont, pour l’essentiel, d’anciens dirigeants de ce parti. Comme quoi, parfois, il vaut mieux, quand on n’a plus les moyens de sa politique, être dans la conciliation que dans la confrontation. Ce qui implique de ne pas laisser passer les trains de l’Histoire !

Pas le genre du duo Kaboré/Diallo. Il n’est pas d’exemple, d’ailleurs, d’un parti politique burkinabè qui ait eu ainsi, actuellement, à sa tête deux présidentiables d’envergure dont la notoriété est nationale. Roch Kaboré a été désigné candidat du MPP à la présidentielle 2015 (alors prévue pour le 11 octobre) lors de son congrès extraordinaire le dimanche 5 juillet 2015. Il n’avait pas manqué alors de surfer sur « le succès de l’insurrection populaire » qui « ouvre de nouvelles perspectives à notre peuple » et d’enfoncer le clou concernant « l’ancien système vomi par notre peuple » détaillant les dérives de « 27 ans de pouvoir » : « crimes politiques et économiques, impunité, gabegie, caporalisation de toutes les institutions et structures, politisation à outrance de l’administration, des fonds nationaux, dépravation des mœurs et valeurs, exploitation éhontée de la misère du peuple et des travailleurs ».

Omettant de rappeler qu’il avait été député du CDP de 1997 à 2012, son secrétaire national de 1999 à 2003, son président de 2003 à 2012 et qu’il n’avait quitté le parti que début janvier 2014, Roch Kaboré a présenté ce jour-là le MPP « comme l’antidote imparable pour décortiquer ce que le régime déchu à savamment planifié ». On passera sur cette formule alambiquée qui fait que les antidotes « décortiquent » pour ne retenir que le MPP est conscient du « rôle historique » qui est le sien afin « d’engager, poursuivre et parfaire » une « insurrection inachevée » et « veiller à ce que plus rien ne soit comme avant [le mot d’ordre de « l’insurrection populaire »] ». D’où une Vè République et un « contrat social » à passer avec les Burkinabè, notamment les jeunes et les femmes qui sont les deux cibles privilégiées par les leaders du MPP.

Roch Kaboré comme candidat à la présidentielle et Salif Diallo, 1er vice-président chargé de l’orientation politique, comme directeur national de campagne, la machine était lancée. Avec le souci d’éviter les vagues. Tout au long de la « transition », ils ont assuré un service minimum. Sortis du bois dès lors que le MPP affichait ses ambitions pour la présidentielle du 11 octobre 2015, Roch Kaboré et Salif Diallo auront été contraints à prendre position. Mais avec beaucoup de réserves sans jamais appeler un chat un chat.

Ainsi, quand Michel Kafando, président de la Transition, président du Faso, s’est trouvé confronté aux tensions liées aux chicaneries entre le RSP et le Premier ministre issu de ses rangs, Yacouba Isaac Zida, Roch Kaboré, dans son communiqué du 16 juillet 2015, avait salué « l’initiative du président du Faso d’entreprendre des concertations avec les acteurs concernés et de mettre en place un comité de sages chargé de faire des propositions de sortie de crise ». Dans le même temps, il avait tenu « à se démarquer des jugements à l’emporte-pièce, des supputations infondées et erronées sur l’appréciation de cette situation nationale délétère ». Concernant le code électoral adopté le 7 avril 2015, il sera tout autant circonspect, réaffirmant « que force et compétence reste au juge constitutionnel et d’appliquer la loi et de tirer substance de toute jurisprudence nationale ou supranationale ». Il ajoutait : « Du reste, la Cour de justice de la Cédéao, dans au moins deux de ses considérants (30 et 31), suggère au juge constitutionnel de s’appesantir sur la détermination de la qualité de dirigeants au moment de l’insurrection et d’éviter une application brutale et indiscriminée ». Difficile d’être plus formaliste dans le propos et aussi peu engagé dans le débat politique.

Dans l’entretien accordé à Carayol (cf. note*), il sera aussi peu précis dans son engagement. Le RSP ? La solution se trouvera « dans une réorganisation globale de l’armée […] Quand j’arriverai au pouvoir, le RSP fera partie de l’armée régulière. Il disparaîtra alors de sa belle mort en tant que régiment de la sécurité présidentielle »**. Gilbert Diendéré ? Il doit continuer de servir l’Etat « jusqu’à preuve du contraire » (c’était, bien sûr, avant la tentative de coup d’Etat qui lui est imputée). Yacouba Isaac Zida ? Retourner dans les casernes ou jouer un rôle politique à l’avenir, « cette réponse lui appartient ».

Lorsque la campagne électorale va être lancée officiellement, le dimanche 8 novembre 2015, Roch Kaboré va donner la priorité au « combat pour le développement du Burkina Faso » : « accroître la production, remettre l’administration sur les rails, nous débarrasser de tous les paresseux, de tous les fraudeurs, de tous ceux qui ne travaillent pas dans l’intérêt du Burkina Faso ». Son programme promet la mise en place « d’un nouveau modèle de développement ». Mais, en cette matière, rien d’innovant dans le fond comme dans la forme ; il s’agit de diversifier l’économie en donnant la priorité à cinq secteurs stratégiques : activités agro-sylvo-pastorales ; industries agro-alimentaires ; mines ; artisanat ; industries culturelles et sportives.

C’est la première fois, dans l’histoire du pays, qu’une élection présidentielle résulte d’une « insurrection populaire ». Et, évidemment, au-delà du vote des électeurs en sa faveur, Roch Kaboré doit prendre en compte le « vaillant peuple burkinabè et tous les combattants de la liberté et de la démocratie dont certains ne sont plus de ce monde ». Au-delà des attentes des électeurs MPP, ce sont aussi à celles de la population urbaine, jeunes et femmes, que le nouveau président du Faso devra répondre. Cette victoire de Roch Kaboré est aussi l’expression d’une « transition » réussie et de partis politiques responsables. Le futur président du Faso n’a pas manqué de rendre hommage à l’une et aux autres ; tout en réservant « une mention spéciale aux autorités coutumières et religieuses et à la presse nationale et internationale ».

* A ce sujet, dans un entretien avec Rémi Carayol (Jeune Afrique du 13 septembre 2015), Roch Marc Christian Kaboré a précisé : « Au MPP, notre position est que nous devons passer à une Vè République afin de marquer une rupture avec l’ancien régime. Les pouvoirs du président du Faso seront réduits, pour qu’il ne soit plus omnipotent, et les compétences du Parlement seront renforcées. Mais nous n’avons pas encore tranché sur la nature du régime ».

** Malgré tout, il est évident que le comportement de Yacouba Isaac Zida à la primature n’a pas donné satisfaction à Roch Marc Christian Kaboré.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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